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Reprise des messes : César n’est pas Dieu

Tous les magasins sont à nouveau autorisés à ouvrir avec un protocole sanitaire strict, comme ici à Toulouse le 28 novembre, mais l’accès au culte reste limité à trente personnes.

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Marc Aillet - published on 29/11/20
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Sans nier la gravité de la crise sanitaire, l’évêque de Bayonne s’inquiète des conséquences sur les libertés fondamentales des abus de pouvoir pratiqués au nom de la santé. Si la liberté du culte a un sens, c’est celui de rappeler que César n’est pas Dieu.La décision annoncée par Jean Castex, dans sa conférence de presse du 26 novembre, de limiter la jauge à 30 personnes pour la reprise des célébrations cultuelles, a été ressentie comme une douche froide ! On pouvait pourtant espérer qu’une jauge plus réaliste aurait été définie, comme Emmanuel Macron en avait assuré le président de la Conférence des évêques de France, après que celui-ci se soit ému auprès de lui d’une mesure aussi « irréaliste et inapplicable ». 

La colère exprimée par Mgr Aupetit, archevêque de Paris, après l’allocution du président de la République, et l’obstination du Premier ministre ont servi de détonateur dans le paysage ecclésial français : beaucoup d’évêques ont communiqué leur incompréhension et décidé d’accueillir les fidèles au-delà de la jauge prescrite, attitude qui tranche assurément avec le dialogue feutré que nous menons ordinairement avec les pouvoirs publics.

On pourrait penser que la définition d’une jauge aussi absurde ne serait que le fruit de l’ignorance crasse d’un fait religieux et d’une réalité cultuelle qui échapperaient complètement au pouvoir technocratique et à la folie administrative de l’appareil gouvernemental. Ce que d’aucuns ont peine à croire, qui interprètent cette vexation comme une forme de mépris, en particulier pour les catholiques, vieux relent du laïcisme dénoncé il y a cent ans par le pape Pie XI comme « la peste de notre époque… avec ses erreurs et ses entreprises criminelles » (Quanta Cura, n. 18). 

Une nouvelle génération de catholiques

On ne peut exclure que la pastorale d’enfouissement qui a caractérisé l’Église des années 70-80, et qui compte encore bien des nostalgiques, et l’a priori de courtoisie bienveillante avec laquelle nous nous sommes prêtés au dialogue avec l’État, depuis des décennies, ont pu leur donner l’impression que les catholiques étaient devenus quantité négligeable, alors qu’est entretenue dans les médias l’image d’Épinal d’assemblées peuplées exclusivement de « personnes à risque » ! 

Beaucoup de ceux qui manifestaient pour la liberté de culte sont des habitués des maraudes et des « hivers solidaires » !

C’était sans compter avec une frange, plus identitaire et observante, de catholiques jeunes et d’âge moyen, de la génération Jean Paul II, qui ne s’en laissent pas conter ! On dira qu’ils sont minoritaires, mais de ces « minorités créatives » qu’annonçait le pape Benoît XVI, de manière prophétique. Et on aura beau jeu de semer la division en stigmatisant avec mépris ces catholiques « d’analphabètes spirituels » et de radicaux campés dans une rigidité rituelle, quand ils cherchent dans l’Eucharistie, non seulement le sommet de leur union avec Dieu, tant ils ont fait l’expérience de la rencontre avec le Christ personnellement présent sous les apparences du pain et du vin consacrés, mais aussi la source vive de leurs engagements dans la société et en particulier en faveur des plus pauvres. Beaucoup de ceux qui manifestaient pour la liberté de culte sont des habitués des maraudes et des « hivers solidaires » !

 Il ne faudrait pas que les cadres de l’Église d’aujourd’hui fassent avec eux la même erreur que ceux des années 70 avec ceux qu’on a appelés avec dédain les adeptes d’un christianisme sociologique ou de la religion populaire. Dans une tribune publiée dans La Croix, le sociologue Yann Raison du Cleuziou observe que « dans une institution comme l’Église, le mépris affiché pour les ultimes pratiquants est suicidaire ». De fait, poursuit-il, les rebelles des années 60-70 « se trouvent aujourd’hui sans postérité — ou presque — dans la jeunesse catholique résiduelle ». 

La liberté socio-civique des cultes

Quels que soient les bâtons que nous avons nous-mêmes donnés pour nous faire battre, en minimisant pendant des années l’importance de l’Eucharistie et du précepte dominical, contribuant ainsi à la dispersion que nous déplorons — 2% de Français seulement sont encore fidèles à la messe dominicale — la grande question qui m’inquiète aujourd’hui est celle de la liberté socio-civique des cultes, pourtant inscrite dans le premier article de la loi de séparation des Églises et de l’État. 

La santé est devenue une valeur absolue et de très nombreux citoyens, entretenus dans la peur par un discours politico-médiatique anxiogène, n’y voient rien à redire, prêts même à abdiquer leurs libertés fondamentales.

L’hostilité n’est sans doute pas frontale, comme en d’autres temps plus tendus. En effet, ses chemins sont plus détournés : on utilise aujourd’hui l’argument sanitaire ! La santé est devenue une valeur absolue et de très nombreux citoyens, entretenus dans la peur par un discours politico-médiatique anxiogène, n’y voient rien à redire, prêts même à abdiquer leurs libertés fondamentales, comme celles d’aller et de venir, de se rencontrer en famille, de visiter leurs aînés, parfois « incarcérés » dans des Ehpad, d’inhumer dignement leurs morts… et a fortiori, dans une société sécularisée, celle de pratiquer sereinement leur religion. Même en prenant le risque d’une crise psychologique, économique et sociale sans précédent, dont les effets désastreux sont déjà sous nos yeux ! Comme l’écrit le pape François, dans son encyclique Fratelli tutti : « Pourrait-il arriver que les droits humains élémentaires, considérés aujourd’hui comme inaliénables, soient niés par les puissants du moment avec le “consentement” d’une population endormie et intimidée ? » (n. 209). 

La santé liberticide ?

Car c’est bien là que le bât blesse. Loin de moi l’idée de minimiser la contagiosité du virus qui sévit aujourd’hui dans le monde, ni de sous-estimer les conséquences parfois dramatiques de l’épidémie de Covid-19, surtout lors de la dite « première vague », en termes de malades gravement atteints et de morts, mais est-ce vraiment l’épidémie du siècle ? Et n’y a-t-il pas des causes sanitaires plus mortelles ? Il y a 600.000 décès par an en France, 150.000 en moyenne meurent des suites du cancer et parmi eux de nombreux enfants et adolescents, quand la moyenne d’âge des victimes de la Covid-19 est de 84 ans. La malnutrition tue 9 millions d’êtres humains chaque année dans le monde, dont 3 millions d’enfants !

Qu’est-ce qui justifie que le projecteur du gouvernement et des médias soit exclusivement braqué sur cette crise sanitaire, dont je ne veux pas nier l’importance pour autant ? Et si c’était pour établir progressivement une sorte de « dictature sanitaire », dont j’ai bien conscience que le mot est trop fort, pour mieux contrôler l’humanité, mais pour son bien ? Et je ne parle pas, pour ne pas risquer d’être taxé de complotiste, ce qui arrive quand on est à court d’argument, du marché mondial qui régit aujourd’hui la vie des personnes et des sociétés. Comme le fait remarquer le philosophe André Comte-Sponville : « Pas question, sur le long terme, de sacrifier la liberté à la santé. J’aime mieux attraper la Covid-19 dans un pays libre qu’y échapper dans un État totalitaire ! » (L’Echo, 27 mai 2020). 

Nous n’appartenons pas à César mais à Dieu. C’est le sens du culte que de rappeler à tous, même les non-croyants, que César n’est pas Dieu !

Quand l’État ordonne des mesures sanitaires pour endiguer une épidémie, dont la croissance peut mettre en péril la population, il est dans son rôle, et y souscrire est un acte de solidarité avec nos concitoyens les plus vulnérables. Mais quand les mesures apparaissent manifestement disproportionnées au regard des conséquences comme du respect des libertés fondamentales, on peut parler d’abus de pouvoir. Encore une fois, il ne pourrait pas agir de la sorte, si les citoyens ne s’accordaient pas pour faire de la santé une valeur absolue. Or la santé est d’abord un bien utile pour rechercher des valeurs supérieures qui ont raison de fin, jusqu’à la fin ultime de l’homme qui ne saurait consister seulement à rester en bonne santé : on peut mourir en bonne santé ! 

Le sens du culte

Il est donc prophétique pour l’Église de défendre aujourd’hui la liberté de culte et toutes les libertés fondamentales, sans lesquelles l’homme ne pourrait rejoindre sa fin ultime qui ne peut être que d’ordre spirituel, au-delà de la mort qui angoisse tant nos contemporains, dans une culture fermée à la Transcendance. « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21), affirmait Jésus en forme de révélation. Or nous n’appartenons pas à César mais à Dieu. C’est le sens du culte que de rappeler à tous, même les non-croyants, que César n’est pas Dieu !

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