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C’est l’histoire d’un jeune garçon qui a tout perdu, qui vit dans l’incertitude la plus totale, mais qui reste dans la foi.
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J’ai envie aujourd’hui de partager avec vous cette histoire. C’est un sujet de polémique, de peur, parfois de fantasmes ou d’angélisme mal placés. Mais il ne s’agit pas là d’idées, de concepts, il s’agit de quelqu’un. Appelons-le Paul. Paul est né en 2004, dans une banlieue pauvre d’Abidjan. Comme beaucoup d’enfants, il joue au foot. Mais lui, il joue bien, voire même très bien. Il est repéré par des entraîneurs qui l’invitent à persévérer dans cette passion. Mais pour intégrer une école de formation en Côte d’Ivoire il faut payer et il n’a pas d’argent.
Alors il part, il part vers l’Europe. Il quitte Abidjan à 14 ans, seul, et remonte vers l’Europe, via le Mali, la Libye, la Tunisie, Lampedusa et l’Italie. Deux ans de pérégrinations entre deux pays séparés par six heures de vol en avion. Un matin, je demande à Paul comment se sont passées ses deux années de voyage et ses yeux s’éteignent, d’un coup, comme lorsqu’en plein été un nuage noir passe devant le soleil et change le paysage. Je n’insiste pas : il en parlera un jour, s’il veut, s’il peut.
D’abord une Bible
Paul arrive à Paris début octobre : il dort sous une tente dans le nord de Paris. La police, la Croix-Rouge, Médecins sans frontières, l’Action sociale pour l’enfance, une association… tous sont débordés, n’ont pas de places, ne savent pas où le mettre. L’association prend contact avec un club de foot et il passe un test : il a un niveau professionnel dans son jeu, alors que depuis deux ans il survit sans entraînements, sans terrains dignes de ce nom, sans matériel. Un rendez-vous est pris avec ce club pour l’inscrire et le confinement tombe : plus rien n’est possible. On se tourne alors vers une paroisse pour l’accueillir, la mienne, et j’accepte parce qu’à ce moment-là une place vient de se libérer.
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Je ne donne pas de leçons en écrivant cette histoire, je ne dis pas ce qu’il faut faire ou pas. Je n’ai pas de solutions à des problèmes : je n’ai qu’un gosse de 16 ans en face de moi qui dormait sous une tente à Paris, seul, et qui avait un rêve qu’il poursuit toujours. La première chose, le premier objet que Paul m’a demandé est une Bible, parce qu’il est chrétien, protestant, et que la parole de Dieu lui a permis de marcher pendant deux ans.
Il a quitté l’école à 12 ans
Je me lance alors dans les papiers. Il n’y a jamais autant de papiers à remplir que pour un sans-papiers, c’est paradoxal : santé, inscription à l’école, suivi juridique… Des bénévoles de la paroisse le font travailler chaque jour : lecture, écriture, compréhension. Il a quitté l’école à 12 ans et le retard est important mais il est malin et apprend vite. Sinon il fait du sport, il court, il s’entraîne. Il regarde des matchs de foot chez Mouhamed, qui le reçoit lui aussi. Mouhamed est un ancien mineur étranger isolé, orphelin, que j’avais accueilli il y a huit ans de cela et qui a fondé sa propre société maintenant, à 24 ans. Il sait qu’il a été à sa place.
Cela fait quinze jours que Paul est chez nous : je ne sais pas ce qui va arriver. Le recours juridique permettra-t-il qu’il soit accueilli par l’Action sociale pour l’enfance et placé dans une chambre d’hôtel, seul, en banlieue, en attendant peut-être une inscription dans un lycée technique, quelque part ? Le recours va-t-il traîner, se perdre de dossiers en dossiers, parce qu’il y a une rature sur le mois de naissance (et non l’année) de son certificat de nationalité ? Il est dans une totale incertitude mais il a confiance en Dieu, depuis toujours. Il fait confiance et il garde le sourire. Ce n’est pas de l’inconscience car ce genre de voyage fait mûrir plus vite que toutes nos années d’études et de travail. Il est juste dans la foi. Nous nous plaignons que toutes les certitudes qui étaient les nôtres, toutes nos libertés et nos sécurités auxquelles nous ne pensions même plus, sont effacées pour un temps et nous râlons, nous manifestons, nous trépignons. Nous ne cessons de nous plaindre alors que nous avons tout et face à moi j’ai un gamin qui n’a rien et qui me dit que « Dieu pourvoira », comme Abraham disait que « Dieu pourvoirait » pour l’offrande du sacrifice.
Je rends grâce à Dieu d’avoir mis ce jeune sur ma route qui me montre qu’on peut ne rien posséder, n’avoir aucune certitude et aucun bien, ni pour aujourd’hui ni pour demain, et faire confiance en Dieu qui nous conduira par le juste chemin.
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