Le Saint-Siège vient de confirmer dans une note adressée aux nonces apostoliques le sens des propos du pape François sur les unions civiles. Si l’Église ne peut soutenir aucun droit de fonder une famille entre personnes homosexuelles, celles-ci doivent pouvoir être protégées juridiquement. Pour grandir, la grâce requiert le respect de la dignité de tous.
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Les récents propos filmés du pape, où il se déclare favorable aux unions civiles entre personnes homosexuelles ont de nouveau choqué de nombreux catholiques. Un certain apaisement leur a été apporté quand on leur a expliqué que le film en question collait les paroles sur les unions civiles juste après des propos du pape déplorant le rejet de personnes homosexuelles par leur famille. Il est clair que le pape ne soutient pas le droit pour ces personnes de fonder une famille avec un conjoint homosexuel. Par ailleurs, les propos du pape sur les unions civiles n’ont pas d’autorité magistérielle et peuvent donc être considérés comme une simple opinion personnelle, ce qu’a confirmé le Saint-Siège. Cela est vrai et ne doit pas être perdu de vue, mais ce serait se cacher la portée ultime des paroles du pape, qui apparaît quand on les met en perspective avec d’autres évolutions doctrinales qui, elles, relèvent bien du développement magistériel. Maintenant que les premières réactions épidermiques sont retombées, essayons de les examiner sereinement.
Chercher la croissance de la grâce
L’exhortation apostolique post-synodale Amoris lætitia enseigne que des personnes vivant dans une union de fait dont elles ne mesurent pas pleinement le caractère moralement irrégulier ou à laquelle elles ne trouvent pas d’issue, puissent progresser dans l’amitié avec Dieu. Certes, le couple de fait homosexuel n’est pas spécifiquement le type d’union irrégulière considérée par Amoris lætitia. L’exhortation, en effet, à la suite du synode, ne voit pas (n. 251) « d’analogie même lointaine » entre le mariage et le « couple » homosexuel. Néanmoins il est incontestable que le type de raisonnement sur l’imputabilité diminuée de l’acte humain, que ce document utilise dans son chapitre VIII à propos de l’accès à la vie sacramentelle, a une portée plus universelle, qui peut être appliquée aux personnes engagées de fait dans un « couple » homosexuel.
En bon jésuite, le Pape veut espérer que des dispositions civiles actuelles puissent se révéler aussi comme des espaces où la grâce peut continuer à travailler dans les cœurs.
Dans l’entretien filmé du pape, il se déclare par ailleurs favorable à des unions civiles comme protection juridique de la cohabitation entre personnes homosexuelles. Je ne pense pas qu’il affirme que c’est le seul espace où une sanctification est possible pour les personnes homosexuelles, car elles peuvent toujours choisir tout aussi librement le célibat, mais que c’est un espace où la conversion et la croissance en grâce reste possible, ce qui n’est pas la même chose. En bon jésuite, le pape veut espérer que des dispositions civiles actuelles puissent se révéler aussi comme des espaces où la grâce peut continuer à travailler dans les cœurs. Certes, si on considère avant tout dans ces unions de fait la composante sexuelle qu’elles impliquent souvent, mais pas forcément ni toujours, on les considèrera comme des structures inclinant au péché. Mais celle-ci évolue avec la vie et de plus elle n’empêche pas complètement la dimension oblative de l’amour de se manifester et de grandir, comme on l’a constaté dans des exemples d’amitié généreuse, quand l’un des compagnons avait été gravement atteint par le sida.
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Les effets négatifs de la marginalisation
Le Pape n’a donc certes pas proposé les unions civiles comme un espace moralement privilégié où les personnes homosexuelles peuvent poursuivre leur sanctification. En revanche, je crois qu’il a voulu contredire la marginalisation et plus encore la criminalisation de l’homosexualité, en vigueur — ne l’oublions pas — dans un nombre significatif de pays. Celles-ci semblent très clairement restreindre l’espace de liberté nécessaire pour le discernement et le choix moral, quand la personne homosexuelle souffre le rejet familial ou social, et plus encore si elle risque la prison ou la mort.
La moralisation authentique doit aller de pair avec une croissance en respect de la dignité humaine au plan social, comme l’Église l’a manifesté à Vatican II dans sa Déclaration sur la liberté religieuse. Comme le propose à son tour Amoris lætitia, une pédagogie qui intègre le temps de la patience dans l’acquisition progressive des vertus, surtout dans un domaine marqué par la faiblesse, est plus favorable à l’authentique croissance morale que la contrainte ou la menace. Les régimes politiques d’ordre moral ne moralisent pas en profondeur les populations par la contrainte, comme le montre la débâcle des mœurs qui a suivi le retrait de leur corset autoritaire.
La dignité quelle que soit la faute
Outre cette déclaration conciliaire, je pense qu’il y a un autre document du magistère qui est en lien avec cette question du respect dû à la dignité de la personne humaine, quelle que soit la gravité de sa faute morale. La nouvelle rédaction du n. 2267 du Catéchisme de l’Église catholique a développé la doctrine antérieure du magistère sur cette question en déclarant que la peine de mort est, non pas injuste en stricte justice, mais néanmoins « inadmissible car elle attente à la dignité de la personne humaine ». Il s’en suit que n’importe quel moyen social de moralisation n’est pas de soi légitime s’il porte atteinte au respect dû à la personne humaine par une dimension inhumaine.
Je pense volontiers que le Pape, qui ne s’adresse pas exclusivement au monde occidental, où les homosexuels sont protégés par la loi et où l’homosexualité a médiatiquement pignon sur rue, mais où l’homophobie reste néanmoins bien présente socialement, avait aussi cela en vue dans ses propos filmés. Les unions civiles lui apparaissent, malgré leurs ambiguïtés, comme une protection juridique de la dignité de la personne des homosexuels contre tout forme de rejet social ou de persécution.