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Les saints du Ciel nous sont donnés par Dieu comme une famille pour nous attirer à Lui, chacun selon leur chemin spirituel. Le jour de la Toussaint, c’est leur fête et la nôtre !
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Le romancier catholique Georges Bernanos écrivait un jour : « Notre Église est l’Église des saints. Qui s’approche d’elle avec méfiance ne croit voir que des portes closes, des barrières et des guichets, une espèce de gendarmerie spirituelle. Mais notre Église est l’Église des saints. […] Qui ne voudrait avoir la force de courir cette admirable aventure ? Car la sainteté est une aventure, elle est même la seule aventure. Qui l’a une fois compris est entré au cœur de la foi catholique, a senti tressaillir dans sa chair mortelle une autre terreur que celle de la mort, une espérance surhumaine. Notre Église est l’Église des saints. Mais qui se met en peine de saints ? »
Notre Église est l’Église des saints. Le malheur, c’est que nous l’oublions parfois.
Confesser la sainteté de l’Église, et affirmer que la sainteté est le cœur vibrant de l’Église n’exigeait pas moins de foi surnaturelle de la part de Bernanos en 1934 que de notre part à nous en 2020. À cette époque comme aujourd’hui, la médiocrité et le péché des chrétiens, et trop souvent des prêtres ou des évêques, défiguraient hideusement le visage de l’Église. Mais Bernanos en avait la conviction, notre Église est l’Église des saints. Le malheur, c’est que nous l’oublions parfois. Le glissement de sens qui fait que la Toussaint est synonyme chez nos contemporains déchristianisés de mémoire des morts plutôt que de fête des vivants et de célébration des saints, est un chef d’accusation : qui se met en peine de saints ?
Une chose est sûre : les saints, eux, supplient sans cesse à notre intention le bon Dieu qu’ils contemplent pour l’éternité. Thérèse de Lisieux nous le rappelle, qui promettait qu’elle passerait son Ciel à faire du bien sur la terre. Fort heureusement, elle n’est pas la seule à s’acquitter de cette mission, et des milliers de saints célèbres ou anonymes occupent leur éternité à intercéder pour nous auprès de Dieu, en attendant que nous puissions les rejoindre. La fête de la Toussaint est l’occasion de manifester pleinement cette communion mystérieuse.
Une communion sans confinement
Cette réalité de la société invisible des saints et des anges m’est d’un grand soutien, puisqu’aujourd’hui comme tous les jours depuis une semaine et pour encore quelques jours, je célèbre la messe dans la solitude de ma cellule. La quarantaine qui m’est imposée m’empêche de célébrer cette solennité au milieu des frères de mon couvent. Mais les restrictions sanitaires du moment ne peuvent m’empêcher de célébrer l’Eucharistie en communion avec toute l’Église au Ciel et sur la terre.
La communion des saints s’expérimente donc avec une acuité particulière dans ces temps étranges que nous vivons.
C’est aussi l’occasion de prier en intercession pour tous ceux qui expérimentent cette solitude de manière plus douloureuse : il en est pour qui la quarantaine ou le confinement n’ont rien changé à leur quotidien, privé de véritable contact humain et de la chaleur d’une présence amicale. Quelle que soit la pertinence du reconfinement national qui s’appliquera dès demain, il importe que la fête de la Toussaint, peut-être la dernière à pouvoir être célébrée ensemble dans une église avant un moment, nous rappelle cette réalité mystérieuse de la communion des saints qu’aucun confinement ne peut entamer.
Des “familles d’âmes”
La communion des saints s’expérimente donc avec une acuité particulière dans ces temps étranges que nous vivons. Mais même ainsi, c’est un mystère qui nous dépasse infiniment. L’Apocalypse suggère une foule immense, innombrable, d’hommes et de femmes réunis autour du Trône et devant l’Agneau pour une louange éternelle (Ap 7, 2-4.9-14). Si le voyant de l’Apocalypse, qui réussit à unir dans une même vision des siècles d’histoire sainte et une multitude de lieux différents ne parvient pas à dénombrer cette foule des saints, a fortiori nous risquons d’être un peu perdus. La communion des saints est un ensemble tellement vaste que l’esprit humain peine à s’y retrouver.
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Pour éviter que l’immensité du mystère nous décourage d’y entrer de tout notre cœur, Dieu a voulu qu’il existe des familles d’âmes. Jésus le suggère : « Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures. » Une famille d’âmes se reçoit, se découvre, par des lectures, par des rencontres, par la prière. Dans chaque famille d’âmes, celles qui sont déjà au Ciel ont pour mission d’y attirer celles qui sont encore en chemin sur la terre. Les âmes saintes attirent, non pas à elles, mais à Dieu. C’est la loi de l’attraction céleste, bien plus puissante que la terrestre. Les saints attirent, mais ne séduisent pas : la séduction est toujours ambiguë, tandis que l’attraction connote une simplicité sans détours. Parce qu’ils vivent de la charité même de Dieu, les saints attirent les cœurs sans les violenter, ils aiment les âmes sans les tenir enchaînées. C’est aussi un critère de discernement pour le choix d’un accompagnateur spirituel…
Choisir les saints qui vous attirent
La bienveillance des saints à notre égard sait rester délicate et discrète. Ils ne s’imposent pas. Ils savent par expérience qu’il y a, dans notre cœur, de la résistance à la grâce. Parce qu’ils nous précèdent là où nous voudrions atteindre, les saints pourraient nous imposer leur voie particulière. Mais ils savent que l’aventure de la sainteté emprunte toujours un chemin unique, façonné par les chutes et les relèvements. Ce serait d’ailleurs une illusion que de vouloir imiter un saint dans le détail de sa vie ; c’est de son esprit qu’il faut se nourrir pour affronter des situations toujours nouvelles avec les ressources d’une physionomie spirituelle qui nous est propre.
Certains saints peuvent être les compagnons d’une vie, d’autres les compagnons d’un instant ; leur humilité n’en prend pas ombrage, et ils ne s’en vexent pas.
Les saints savent aussi que les contours et la composition d’une famille d’âmes peut évoluer. Une famille d’âmes est chose mouvante autant que fragile. Certains saints peuvent être les compagnons d’une vie, d’autres les compagnons d’un instant ; leur humilité n’en prend pas ombrage, et ils ne s’en vexent pas. En effet, les saints véritables se réjouissent qu’une âme choisisse un autre saint pour maître ou pour ami. La famille d’âmes est inclusive et supporte les adoptions soudaines comme les éloignements progressifs avec la souplesse que donne la grâce. Elle n’est pas cette « cellule de base » de la société céleste, expression trop souvent appliquée par les chrétiens à la famille humaine sans voir que sa note de protection chaleureuse sonne à certaines oreilles blessées comme une note d’enfermement — pour ceux qui sont à l’intérieur — et d’exclusion — pour ceux qui sont à l’extérieur –. Non pas cellule de base, donc, mais foyer de communion.
Une affinité secrète
Pour un religieux d’un ordre ancien, une famille d’âmes est donnée d’emblée. Souvent, c’est précisément l’affinité secrète avec les âmes des saints de l’ordre qui détermine, pour un jeune que Dieu appelle à se donner entièrement, le lieu dans lequel il pourra se donner. En entrant chez les Prêcheurs, le dominicain entre en conversation avec Dominique, Thomas d’Aquin, Catherine de Sienne, Fra Angelico, Pier-Giorgio Frassati et tant d’autres, qui le soutiendront de leur présence et de leurs enseignements aux heures dures de sa vocation. Mais sa famille d’âmes pourra s’étendre bien au-delà des frontières de l’Ordre : Journet, Bernanos, Élisabeth de la Trinité et Thérèse de Lisieux, Jean Bosco, Vincent de Paul, Marie-Madeleine… Ma famille d’âmes dessine un portrait spirituel aux contours mouvants, dont Dieu seul connaît les exactes proportions, la part de ressemblance et la part de dissemblance. Une famille d’âmes est une escorte vers le Ciel. À chacun de découvrir la sienne, pour vivre des Béatitudes dès ici-bas et jusque dans l’éternité. Amen.