Alors que trois personnes ont été tuées dans la basilique Notre-Dame de l’Assomption de Nice jeudi 29 octobre, le chanoine Philippe Asso, délégué épiscopal et prêtre habitué de la paroisse, revient pour Aleteia sur ce tragique événement. “La résurrection c’est se relever face à toutes les forces mortifères”, assure-t-il.À Nice, la basilique Notre-Dame de l’Assomption a été le théâtre jeudi 29 octobre au matin d’une attaque terroriste. Un homme d’une vingtaine d’années a tué au couteau trois personnes, dont le sacristain, et fait plusieurs blessés. Un événement d’une grande violence qui s’inscrit dans un climat et un contexte particulier. “L’angoisse et la peur sont naturelles devant de tels événements. Mais nous sommes aussi tenant d’un seigneur et maître, Jésus Christ, qui a dit à ses disciples : ‘N’ayez-pas peur’”, explique à Aleteia le chanoine Philippe Asso, délégué épiscopal et prêtre habitué de la paroisse et l’un des responsables du dialogue interreligieux au sein du diocèse.
Aleteia : Comment avez-vous vécu la journée d’hier ?
Père Philippe Asso : Elle a été partagée entre une émotion très profonde et les sollicitations incessantes et sur tous les fronts. Je connaissais l’une des victimes, Vincent Loques. Il était le sacristain de la basilique depuis cinq ans environ et avait été celui de l’église sainte Jeanne d’Arc avant. Il était constamment présent dans la basilique, c’était un membre permanent de l’église. Je ne connaissais pas personnellement les deux autres victimes mais elles sont elles aussi des visages de notre église.
Que va-t-il se passer désormais ?
Après cette première journée incessante d’appels, de messages, de sollicitations, il est très important de donner le temps au recueillement, à l’hommage et à la prière ne serait-ce que par respect pour les victimes, les familles et la communauté chrétienne dans son ensemble. Tous les paramètres ne sont pas encore connus mais il y aura bien entendu certainement une célébration d’hommage aux victimes ainsi qu’une célébration de réparation de la basilique : l’édifice consacré a été profané par ces meurtres, par le sang versé. Une célébration devra restaurer ce caractère consacré.
Comment décririez-vous la communauté de la basilique Notre-Dame de l’Assomption ?
La basilique Notre-Dame de l’Assomption, et c’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’elle a été prise pour cible, est un des lieux plus ouverts de Nice. Elle est située sur l’artère principale de la ville, un lieu très passant ou les paroissiens du quartier viennent se recueillir mais aussi les chrétiens de passage, ceux qui travaillent à côté, les touristes… Au moment de sa construction au XIXe siècle lors du rattachement du comté de Nice à la France, elle se situait dans une extension de la ville qui est aujourd’hui devenu le centre-ville. Par son histoire, elle mêle des personnes du quartier, des Niçois de génération en génération mais aussi des Niçois de toutes les origines ! Il y a une forte présence de catholique d’origine africaine, asiatique et en particulier vietnamienne… La communauté, qui brasse des personnes d’origine très diverse, et particulièrement vivante et dynamique. Il y a généralement quatre messe dans le week-end et un dimanche ordinaire rassemble près de 500 personnes.
La résurrection ce n’est pas uniquement celle promise aux derniers jours après notre mort. La résurrection c’est aujourd’hui, ici, et maintenant, c’est le relèvement face à toutes les forces mortifères.
Que faire face à la peur et à l’angoisse qui peut saisir les catholiques ?
L’angoisse et la peur sont naturelles. On ne peut pas nier ces réactions devant de tels événements. Mais nous sommes aussi tenant d’un seigneur et maitre du nom de Jésus Christ qui a dit à ses disciples : “N’ayez pas peur”. Et nous savons que la peur comme la colère ne sont pas de bonnes conseillères : elles nous tétanisent, immobilisent, et font de nous des êtres moins vivants. Le message chrétien de l’espérance en la résurrection nous fait comprendre que quels que soient les mouvements terribles et difficiles qu’entrainent les épreuves, les tempêtes, nous avons un sauveur et que ce sauveur nous relève ici et maintenant.
Quel sens spirituel peut-on donner à cet événement ?
Le sens spirituel que l’on peut donner est triple. Le premier est celui du recueillement, de la prière. Le deuxième, celui de l’invitation à accueillir le Christ, à ne pas avoir peur, à être dans une dynamique de relèvement, de résurrection intérieure. Et le troisième élément c’est le passage aux actes. Il ne peut y avoir de vraie spiritualité sans déboucher sur une action de fraternité, surtout au moment où elle est menacée et pas seulement par cet attentat. Il faut des actions en vue de l’unité et une vigilance combattante face à des idéologies meurtrières et mortifères.
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La basilique porte le nom de Notre-Dame de l’Assomption…
Le mystère de l’Assomption de la Vierge Marie nous rappelle à chacun, et pour tous les hommes, la vocation à la résurrection. Et la résurrection ce n’est pas uniquement celle promise aux derniers jours après notre mort. La résurrection c’est aujourd’hui, ici, et maintenant, c’est le relèvement face à toutes les forces mortifères. C’est un message profond d’espérance que celui de Notre-Dame de l’Assomption.
Peut-on se préparer à ce type d’attaque ?
Ces attaques ne sont ni improbables, ni prévues. Nous savons bien depuis maintenant longtemps qu’en France des événements comme cela peuvent se produire. L’assassinat de Samuel Paty l’a encore rappelé cruellement. De là à pouvoir anticiper c’est impossible. À la différence d’un terrorisme planifié, organisé, motivé de l’extérieur de nos frontières, il s’agit d’actes d’individus. L’auteur de l’attentat de Nice, très récemment arrivé en France, n’a pas le profil de celui qui aurait pu bénéficier de structures particulières. Cet acte isolé qui se revendique d’une certaine idéologie est le profil auquel nous avons à faire face dans cette guerre d’un nouveau genre. Une guerre que la France mène par ailleurs en opérations extérieures par ses armées mais aussi à l’intérieur par ses forces de sécurité.
Et spirituellement ?
Comme toutes les guerres, il y a un double aspect, celui de l’idéologique et de l’action violente. Il convient de lutter sur ces deux fronts. Contre les idéologies il faut lutter en ne se rabaissant pas au niveau de cette idéologie, en n’opposant pas de la haine a la haine, de la division à la division et en refusant les discours va-t-en-guerre faciles, mais en étant au meilleur de ce que nous portons dans notre culture, notre histoire et notre civilisation. À l’action violente il faut répondre par la violence légitime qui est le propre de l’état de droit et de la République c’est-à-dire par les lois et leur mise en œuvre, très fermement. Les discours, entreprises et personnes séparatistes doivent être identifiés, condamnés et neutralisés.
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Vous êtes engagé au niveau de votre diocèse dans le dialogue interreligieux. Est-il aujourd’hui plus nécessaire que jamais ?
Cet événement terrible survient dans un département où le dialogue interreligieux, les relations entre les responsables de cultes sont particulièrement vivantes et très ancrées depuis au moins 25 ans. Il est évident que certains seront tentés de remettre en cause le bienfondé du dialogue entre culte et culture. Mais un tel événement nous invite à nous relever et nous engager de manière encore plus déterminée dans ce dialogue et ces relations.