Dans notre société qui autorise le droit au blasphème, il y a pourtant des tabous absolus et des critiques interdites. Seul le sacré religieux est vulnérable, mais seuls les chrétiens savent le pardonner.
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C’est parce qu’il voulait enseigner à ses élèves la liberté de penser, de s’exprimer, de pouvoir se moquer de tout que Samuel Paty a d’abord été vilipendé, puis harcelé, et enfin victime d’un horrible assassinat, commis par un musulman tchétchène, avec une chaîne de complicités qui laisse songeur… Peut-on donc se moquer de tout en vérité ? Oui, répondent en chœur les nouveaux clercs de notre société.
Nos « bornes sacrées »
Pourtant dans la société française, à l’aune de tant d’autres démocraties occidentales, les « tabous », les « interdits de parole » se sont multipliés ces dernières décennies. Oserait-on dire ou écrire n’importe quoi, même au motif du rire, au sujet des transgenres et des homosexuels, des Noirs et des esclaves, des Juifs et de la Shoah, du rôle des femmes ou de celui des hommes, des bienfaits — ou non — du régime républicain, du réchauffement climatique et de ses conséquences, de l’avortement et du prétendu droit inaliénable d’y accéder, de la personne même du chef de l’État, etc. ? Les sujets ne manquent pas où, soit directement par la loi républicaine, soit par un consentement social généralisé, soit par la pression des « faiseurs d’opinions » ou des « influenceurs médiatiques », il est de fait interdit de se moquer, voire même de dévier d’une doxa, dont les censeurs tiennent les leviers de « l’existence médiatique ».
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Il apparaît ainsi que, quoique prétendument libérées de toute forme de tabous et souvent même de toute transcendance, nos sociétés occidentales génèrent en fait des éléments sacrés, d’ordre idéologique — et non comme c’est historiquement plus fréquent d’ordre religieux. Ainsi l’horreur du massacre des juifs d’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, a conduit peu à peu à en faire un élément sacré de notre pensée occidentale, régi même en France par une loi qui en interdit la négation. Toute transgression de ce sacré condamnant son auteur à l’infamie. Si l’on interroge les auteurs contemporains — en particulier un René Girard ou un Camille Tarot ou un Roger Caillois — toute société développe ainsi des « bornes sacrées », admises par l’immense majorité des citoyens, défendues par des corpus législatifs et des « clercs » — au sens d’un Julien Benda.
La possibilité du pardon
Ainsi, dans une société où, de fait, la liberté de penser est étroitement encadrée dès qu’il s’agit des « bornes sacrées » dont nous avons cité quelques exemples plus haut, il semble bien que l’ultime refuge de la transgression, du blasphème, se porte radicalement, violemment, et paradoxalement, sur le seul « sacré religieux ». Dès lors, le seul « lieu » où serait encore possible la liberté de penser résiderait dans l’atteinte violente et humiliante contre les croyances religieuses — cette fois-ci, au sens strict du mot. Il y a là quelque chose de troublant pour le moins.
Est-il toutefois encore envisageable de réfléchir sur la violence qui est faite aux consciences des croyants, quand on attaque ce qu’ils considèrent comme le plus sacré, au-dessus-même de leur propre vie ?
Il ne s’agit bien sûr en aucun cas de justifier l’injustifiable : nul ne devrait jamais voir sa vie mise en jeu pour ce qu’il pense, ce qu’il croit, ce qu’il dessine ou ce qu’il dit. Est-il toutefois encore envisageable de réfléchir sur la violence qui est faite aux consciences des croyants, quand on attaque ce qu’ils considèrent comme le plus sacré, au-dessus-même de leur propre vie ? Car toute violence, quelle qu’elle soit, entraîne toujours dans des cercles de violences. À moins d’accepter l’offense faite comme un moyen de progression spirituelle. C’est ce à quoi le christianisme, lui, nous invite à la suite du Christ : « Bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent. Si quelqu’un te frappe sur une joue, présente-lui aussi l’autre » (Lc 6, 28).
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