Béatifié à Linz il y a 17 ans, le 26 octobre 2007, Franz Jägerstätter a résisté de manière héroïque au nazisme en refusant de s’enrôler dans l’armée allemande, estimant que la guerre menée par Hitler n’était pas une guerre juste mais une guerre de destruction. Voici la lettre qu’il a écrite à sa femme et aux siens quatre heures avant son exécution, le 9 août 1943.Convoqué le 2 mars 1943 à la caserne d’Enns, Franz Jägerstätter, 36 ans, marié et père de trois petites filles, humble paysan à Sankt Radegund, en Autriche, refuse d’être incorporé à l’armée allemande du Troisième Reich. Profondément catholique, doué d’une âme d’une extrême droiture, selon lui, servir Hitler, c’est trahir le Christ : « Peut-on combattre en même temps pour la victoire du Christ et celle du national-socialisme ? », s’interroge-t-il, avant de faire un choix qui le mènera jusqu’au sacrifice ultime.
Emprisonné à Linz, puis à Berlin, il est condamné à mort par un tribunal militaire et guillotiné le 9 août 1943 à la prison de Brandenbourg pour « entrave à l’effort de guerre ». Profondément amoureux et lié à sa femme qui l’a soutenu jusqu’au bout, il écrit cette longue lettre le jour de son exécution.
« Dieu vous salue ! Mon épouse si chère à mon cœur, et vous tous que j’aime,
J’ai reçu avec joie tes lettres du 13 et du 25 juillet, et je t’en remercie de tout cœur. Cela fait aujourd’hui quatre semaines que nous nous sommes vus pour la dernière fois en ce monde. Ce matin vers cinq heures et demie, on nous a dit de nous habiller tout de suite et que la voiture attendait ; avec plusieurs condamnés à mort, nous avons été emmenés ici à la prison de Brandebourg, sans savoir ce qui allait nous arriver. C’est seulement vers midi qu’on nous a annoncé que la sentence du 14 était confirmée et que nous serions exécutés à quatre heures de l’après-midi. Je veux seulement vous écrire quelques mots d’adieu.
Très chère épouse, très chère mère, je vous remercie encore du fond du cœur pour tout ce que vous avez fait pour moi dans la vie, de tout l’amour et des sacrifices que vous avez accepté de faire pour moi. Je vous prie à nouveau de me pardonner tout ce qui peut vous avoir offensées ou peinées, de même que pour ma part je vous pardonne tout. Je prie tous les autres aussi de me pardonner les fois où je les ai offensés ou peinés, en particulier, le Révérend Père, si je l’ai offensé avec mes propos quand il est venu me voir avec toi. De mon côté, je pardonne tout du fond du cœur. Que Dieu puisse accueillir ma vie en expiation non seulement de mes propres péchés, mais aussi de ceux des autres.
Très chère épouse, très chère mère, il ne m’a pas été possible de vous épargner les souffrances que vous devez endurer à cause de moi. Comme cela a dû être dur pour notre cher Sauveur de donner à sa Mère, par sa propre souffrance et par sa mort, une douleur aussi profonde. Tous deux ont tout supporté par amour pour nous, pauvres pécheurs. Je remercie aussi mon Sauveur de pouvoir souffrir et mourir pour Lui. Et je crois que dans sa miséricorde infinie Il m’a tout pardonné et je suis sûr qu’Il ne m’abandonnera pas à la dernière heure.
N’oublie pas, ma femme bien-aimée, ce que Jésus a promis à ceux qui communient les neuf premiers vendredis du mois en l’honneur du Sacré-Cœur. Jésus va maintenant venir à moi dans sa sainte communion et me fortifier pour ce voyage dans l’Éternité. À Tegel, j’ai aussi eu la grâce de recevoir quatre fois le Saint-Sacrement. Embrassez bien fort mes petites filles. Je demanderai à notre Dieu bien-aimé, s’Il me permet de rejoindre bientôt le Ciel, qu’Il prépare également une bonne place pour vous. La semaine dernière, j’ai bien souvent prié la Sainte Vierge de me laisser fêter l’Ascension au Ciel, si c’est la volonté de Dieu que je meure bientôt.
J’adresse aussi mes salutations très affectueuses à mes beaux-parents, à ma belle-sœur, à toute la famille et à tous les amis, et aussi à mon frère Mayer, que je remercie encore pour sa lettre qui m’a fait très plaisir. Je remercie aussi le Père Karobath (le curé de Sankt Radegund), pour sa lettre.
Et maintenant, cher tous, adieu, et ne m’oubliez pas dans vos prières. Respectez les commandements et, par la grâce de Dieu, nous nous reverrons bientôt au Ciel. Je salue cordialement aussi mon parrain de confirmation.
Votre époux, fils et père, gendre et beau-frère vous salue tous avant son dernier voyage. Que le cœur de Jésus, celui de Marie et le mien, unis pour l’éternité, n’en fassent qu’un.
Brandebourg, 9 août 1943. »
Des photos inédites de la famille de Franz et Franziska Jägerstätter :
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