Au jour de la Toussaint, les cimetières parlent aux Français qui se retrouvent autour de leurs tombes. Le respect des morts, c’est aussi le respect du message de la vie qui ne s’éteint pas.
La Toussaint approche et pour beaucoup d’entre nous, ce sera l’occasion d’aller nous recueillir sur les tombes de nos proches disparus. Nous pourrons vivre une liturgie familiale autour des tombes au cours de laquelle on pourra lire un passage d’Évangile, faire mémoire de tous ceux qui sont enterrés là, en expliquant éventuellement aux enfants qui nous accompagnent quelles sont les personnes enterrées là, ce qu’elles ont fait dans leur vie et en vivant une prière d’intercession pour eux et tous les défunts. C’est aussi le moment où l’on nettoie les tombes, on met quelques fleurs fraîches de novembre et peut-être un coup de peinture. Ce respect des défunts, dont nous n’avons été que trop privés pendant le confinement, est nécessaire à notre humanité. Respecter les morts c’est déjà respecter les vivants et ensevelir les morts est l’une des sept œuvres de miséricorde corporelle de la charité.
Que disent nos tombes ?
Mais nos tombes parlent aussi : elles disent quelque chose de l’espérance qui est en nous. Quand j’étais enfant, dans le grand cimetière où se trouve le caveau de ma famille, je m’étais interrogé et j’avais interrogé mes parents sur le pourquoi des différences entre les tombes. Certains étaient des chapelles en modèle réduit, d’autres des enfeus richement décorés manifestant la puissance financière des héritiers, d’autres des caveaux avec une colonne tronquée, soulignant la libre pensée du défunt (lequel était souvent seul dans sa tombe). Il y avait aussi les nombreux caveaux avec une croix simple et des tas de terre avec une croix de bois. Il y avait aussi de nombreuses tombes à l’abandon, faute de descendance ou faute d’intérêt et de reconnaissance. L’attitude des vivants avait son miroir dans ces tombes.
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L’orgueil ou l’humilité, l’espérance ou le désespoir, le sens de la vie ou son absurdité viennent se nicher jusque dans la mort et le Christ lui-même en parle (Mt 23, 29). Nous pouvons réfléchir au message qui est délivré lorsque des gens passent devant la tombe de nos familles. Est-ce le lieu de l’espérance chrétienne de la résurrection ? Est-ce le lieu du salut de Jésus-Christ par la Croix ? Est-ce le lieu où l’on fait mémoire des défunts avec sobriété et sincérité ou bien le lieu où l’on exalte l’orgueil d’une famille et de ses mérites ? Le psalmiste s’étonne de cette volonté de survivre à la mort : « Sur des terres, ils avaient mis leur nom » (Ps 48, 12) mais il n’y a que Dieu qui donne la vie et s’il y a bien un lieu où cela peut être rappelé et proclamé, c’est dans nos cimetières.
Le lieu de l’espérance ou de l’oubli ?
Cependant aujourd’hui, la disparition même des lieux de mémoire et du défunt, incinéré, dont les cendres sont dispersées, marque aussi l’absence d’espérance : on ne s’en rappelle plus parce qu’il n’existe plus, pour personne. Les champs du souvenir, érigés çà et là, sont plus des champs de la disparition que du souvenir. Les columbariums dans lesquels on place les urnes ne laissent guère de place pour un message et les défunts sont rangés avec juste leur nom et leurs dates les uns à côtés des autres. Il y a bien souvent des contraintes qui imposent cela et il ne s’agit pas de juger les démarches des uns ou des autres. Mais lorsqu’on le peut, pourquoi ne pas réfléchir au message que nous voulons voir porté par notre dernière demeure ?
Écoutons nos anciens
Pour finir, je vous partagerai cet échange avec une très vieille dame. Elle me parlait de ses obsèques et me disait qu’elle ne voulait pas dépenser beaucoup pour sa tombe, juste quelque chose de simple et sobre parce que « vous comprenez mon père, il y a tant de personnes qui n’ont pas de toit alors qu’ils sont vivants ! Je ne vais tout de même pas dépenser trop d’argent pour donner un toit à quelqu’un qui est mort ! Je donnerai ce qui reste aux pauvres ». Merveilleuse sagesse chrétienne de nos anciens…
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