L’engagement écologique de l’Église marque qu’elle n’est pas en retard sur la modernité du XXIe siècle et qu’elle va même plus loin.
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On n’a sans doute pas encore mesuré la signification et l’impact de l’engagement de l’Église dans la sauvegarde de l’environnement. Le pape François y a insisté dans Laudato Si’ et encore récemment dans Fratelli tutti, mais ce n’est pas une nouveauté. Saint Jean Paul II et Benoît XVI ont déjà vigoureusement mis en garde contre la cupidité irresponsable qui mène à épuiser les ressources, multiplier les déchets, perturber les équilibres écologiques et dérégler les climats. Et bien avant, saint François d’Assise avait plaidé pour le respect et même l’amour de la création.
Critique sociale et alertes scientifiques
Ce qui a amené à parler de « conversion écologique » du catholicisme est que le mouvement de protection de la nature qui est apparu sur les radars médiatiques à la fin du XXe siècle n’avait pas de références religieuses. C’était d’une part une opposition sociopolitique au culte de la croissance économique et au consumérisme. Et d’autre part cette critique a été relayée par des scientifiques alertant sur le réchauffement de la planète, ses conséquences potentiellement catastrophiques et ses causes à contrôler d’urgence. On ne voyait rien de chrétien ni dans la contestation du capitalisme libéral qui se renouvelait ainsi après avoir perdu foi en Marx, Lénine et Mao, ni dans l’alarmisme de chercheurs imperméables à toute théologie.
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Mais le magistère romain a toujours combattu le mercantilisme et toutes les formes d’exploitation dictée par des intérêts égoïstes ou à court terme. Et il y a déjà belle lurette que science et foi se sont aperçues qu’elles ne sont pas en rivalité. Saint Jean-Paul II a réhabilité Galilée en 1982 et reconnu en 1996 que la théorie darwinienne de l’évolution était « plus qu’une hypothèse ». Benoît XVI et François ont sans réserve fait fond sur les rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). L’Église accueille les données scientifiques qui justifient la nécessité de sauvegarder la planète et la militance « verte » apprécie son soutien.
Respect de la création et saccage de la nature
En fait, le christianisme n’a pas attendu l’écologie — le mot ne figure même pas dans le célèbre dictionnaire du positiviste et franc-maçon Émile Littré (1801-1881) — pour méditer et faire réfléchir sur les rapports entre l’homme et son milieu avec tout ce qui y est vivant. Elle est donc en connivence avec la « modernité » du XXIe siècle. Les monastères ont toujours mis l’environnement en valeur et la chrétienté rurale a constamment vu dans ce qu’on a appelé « la nature » l’œuvre de Dieu — sa création — jusqu’à l’ère industrielle du pillage et du saccage. Quand on a commencé à s’inquiéter de la pollution, des chrétiens comme le protestant Jacques Ellul (1912-1994) et les catholiques Jean Bastaire (1927-2013) et Jean-Marie Pelt (1933-2015) ont efficacement travaillé par leurs écrits à éveiller les consciences.
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On ne peut donc pas dire que l’Église se raccroche à un mouvement qui lui serait étranger. On peut même dire qu’elle continue de le précéder. Car les convergences n’empêchent pas qu’elle s’en distingue et va plus loin — essentiellement en ce que son engagement n’est pas motivé négativement par la détestation d’un certain type de fonctionnement socio-économique ni par la hantise d’un désastre climatique, mais positivement par une vision bien plus large de l’homme, de sa dignité et de sa responsabilité.
Une hérésie chrétienne ?
Cette perception d’une vocation empêche de considérer l’humanité comme une espèce nuisible, ainsi que le fait l’écologie radicale — la deep ecology américaine qui reproche à la Bible d’inciter l’homme à dominer la terre. L’anthropologie chrétienne interdit aussi de mépriser les avancées technologiques et de préconiser un retour à l’âge de la pierre (avec la cueillette, mais sans la chasse). À l’autre extrême, l’écologie croyante ne peut cautionner ces manipulations brutales du vivant que sont la contraception, l’avortement et leur inverse (la fabrication d’enfants sur demande), le transhumanisme, l’euthanasie… La foi et la raison ne peuvent que dénoncer une incohérence lorsqu’on sacralise la nature tout en la violant par convenance personnelle.
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D’où l’« écologie intégrale » prêchée par le pape François. Elle consiste à ne pas isoler le respect de l’environnement du bien commun de l’humanité, de la dignité de chaque personne (si fragile et négligeable soit-elle) et de l’Histoire avec un grand H — celle du cosmos et du salut de toute la création. À cette lumière, le désir de « sauver la planète » apparaît comme une hérésie chrétienne de plus. L’hérésie ne consiste-t-elle justement pas à s’emparer d’un aspect de la vérité et à bâtir à partir de là un système clos qui rejette ce qu’il n’arrive pas à se subordonner ? L’histoire avec un petit h — la suite des événements depuis vingt siècles — enseigne que l’orthodoxie (la pensée droite et ouverte) ne perd jamais son pouvoir salvateur d’assimilation.