Un pape vous plaît, un autre vous bouscule : et pourquoi pas ? Voici quelques conseils pour accueillir avec méthode et bienveillance l’enseignement des papes, quels que soient leur style, leur pédagogie ou leurs priorités.
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Les papes se succèdent et ne se ressemblent pas. C’est vrai de toute l’histoire de l’Église mais peut-être encore plus pour ceux qui ont connu la trilogie Jean-Paul II, Benoît XVI et François, trois hommes flamboyants aux tempéraments bien différents. Chaque pape a sa grâce, mais nombreux (et discrets) sont ceux qui se sentent désarçonnés par le pape argentin. Cette réflexion est pour eux, et plus particulièrement pour ceux qui en sont arrivés à parler du pape François en confession.
Bienveillance et méthode
Déjà, reconnaissons que les papes du XXe siècle ont été des figures particulièrement imposantes et uniques. Sous le pontificat de saint Jean Paul II, nombreux sont ceux qui ont accueilli avec bienveillance tout ce qui venait de Rome. Mais il fallait de la méthode. D’abord, en distinguant les textes et les décisions romaines selon leur degré d’autorité : une déclaration improvisée dans l’avion n’est pas une encyclique, une homélie sur la place Saint-Pierre n’est pas un livre d’entretiens. Les ouvrages du théologien suisse (et cardinal) Charles Journet sur l’Église sont une aide précieuse pour cet exercice.
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Avec Jean Paul II, surtout, la « production » a été abondante : 14 encycliques, 15 exhortations apostoliques, 12 constitutions, 28 motu proprio, 42 lettres apostoliques, 26 « lettres aux prêtres », sans compter des milliers d’homélies… Pour recevoir ces enseignements pontificaux, les diverses sensibilités ecclésiales utilisaient chacune leur grille de lecture, quelque fois divergente. Au-delà de cette apparente cacophonie, reconnaissons que le charisme prophétique du pape polonais posait des gestes qui s’éclairaient bien des années après. Avec le recul, c’est finalement Benoît XVI — son plus proche collaborateur — qui nous donnera la juste interprétation de ce magistère dans ce qu’il appellera « l’herméneutique de la continuité ». Sous Benoît XVI, le magistère fut d’ailleurs bien plus sobre. Sa devise était « Coopérateurs de la vérité » : tout un programme. Ce fin théologien et gardien du dogme était un habitué des formules ciselées et précises, même lorsqu’il décidait d’écrire sa trilogie plus personnelle Jésus de Nazareth sous son propre nom. Il était surtout un authentique ami de la nuance qui n’est jamais une ennemie de la vérité, bien au contraire.
Il est effectivement notable que François rechigne à « faire le pape », à créer du magistère, se rêvant plutôt en curé du monde ou au plus en évêque de Rome.
Aller à la source
C’est alors que nous avons vu arriver le pape François. Ses priorités ne semblent pas être toujours les nôtres et sa pédagogie est le plus souvent tournée vers les non-catholiques. Il a un style et une façon d’être peu européenne, peu conventionnelle, en un mot… très jésuite ! Et curieusement, rares sont ceux qui ont sereinement adopté les mêmes dispositions que sous Jean Paul II : tout d’abord, prendre ses distances avec le traitement médiatique de l’enseignement ou de l’action du pape. Petit conseil en passant : il faut toujours se méfier du traitement journalistique des affaires religieuses, dans quelque média que ce soit, y compris catholique, en allant directement à la source du propos ou du texte. Et plus encore à l’heure d’Internet qui joue l’effet d’une véritable caisse de résonance. Ensuite, distinguer dans les paroles et décisions du pape, celles qui sont revêtues de son autorité de Pasteur universel (avec les différents degrés) et les autres. En ce sens, il est effectivement notable que François rechigne à « faire le pape », à créer du magistère, se rêvant plutôt en curé du monde ou au plus en évêque de Rome.
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Troisième conseil, toujours se souvenir aussi, et cela existait déjà sous les pontificats précédents, que se mêlent souvent aux questions d’idées, de nombreuses affaires de personnes : des histoires très, trop humaines. La récente affaire Becciù en est une bonne illustration. Ajoutons à cela une inévitable culture de cour (le Vatican est la dernière monarchie absolue de droit divin au monde) et nous avons là les ingrédients des « échos romains ». Qui a tort et qui a raison ? Et si nous acceptions de ne pas comprendre et donc de ne pas prendre parti ?
Un don pour l’Église
Enfin, accueillir, en esprit de foi, les pépites que le pape François distille au fil de ses enseignements et qui, vraiment, sont parfois providentielles. Chacun pourra retenir celles qui le marquent. Retenons par exemple les insistances de François sur le combat spirituel (la lutte contre le diable), le dépouillement des richesses (à l’heure du capitalisme débridé), la pratique des dévotions populaires, la patience et la miséricorde avec le pécheur, la fuite des mondanités et des conformismes en tout genre (et c’est peut-être ce dernier point qu’on peut le plus aimer chez lui !). Après tout, si le Saint-Esprit a inspiré les cardinaux lors de l’élection, c’est qu’il pense que Jorge Bergoglio, son histoire personnelle, ses racines, ses influences spirituelles et son charisme propre peuvent être un don pour l’Église.
Dans la longue histoire de l’Église
Alors bien sûr, il y a aussi certains propos du Pape qui peuvent surprendre, inquiéter même… Et plus encore les « laisser-dire » ou « laisser-faire » par son entourage qui sont étonnants, inquiétants, choquants ! Que faire ? Aucun de nous n’étant ni cardinal, ni évêque (qui eux seuls, parce qu’ils appartiennent à l’Église enseignante, sont censés pouvoir faire quelque chose), nous n’avons pas d’autre choix que de prendre du recul et de la hauteur. Du recul en replaçant ces petites histoires dans la longue et grande histoire de l’Église, de ces figures si diverses de papes qui se sont succédés, plus ou moins saints (et souvent moins que plus), avec lesquels, et même malgré lesquels, l’Église continue d’avancer dans le temps. Sans parler des sombres histoires de Curie, qui sont de toutes les époques !
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Du recul et de la hauteur donc, à la suite de tous ceux qui au cours de l’histoire ont souvent eu l’impression de voir chez le pape davantage Simon que Pierre, en redisant dans le secret de leur cœur les paroles définitives du Seigneur : « Tu es Simon, désormais tu t’appelleras Pierre ; et les portes de l’enfer ne prévaudront pas […]. J’ai prié pour que ta foi ne défaille pas. » Lors du conclave de 2005, les caméras s’étaient attardées sur une banderole portée par quelques pèlerins. On y lisait cette inscription : « Qui que tu sois, déjà on t’aime. » Là est tout le mystère de la papauté, du « Saint » Père, dont la succession ininterrompue est au fondement de notre foi. Notre confiance dans l’Église, sainte mais non sans pécheurs, est inébranlable !
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