En voulant lutter contre le séparatisme islamiste, Emmanuel Macron déclare vouloir limiter drastiquement l’école à la maison. Une mesure surprenante, pour Anne Coffinier, dans la mesure où elle porterait atteinte à la liberté d’enseignement, qui est pourtant de valeur constitutionnelle.C’est un coup de tonnerre inattendu dans le milieu de la liberté scolaire qu’a provoqué ce vendredi 2 octobre Emmanuel Macron lors de son discours aux Mureaux (Yvelines). Alors qu’il évoquait le futur projet de loi concernant la lutte contre « le séparatisme islamiste », le Président de la République a déclaré que l’instruction à domicile serait, à partir de la rentrée 2021, « strictement limitée, notamment aux impératifs de santé » et que l’instruction à l’école serait obligatoire dès l’âge de trois ans. Une décision parmi « les plus radicales depuis les lois de 1882 et celle assurant la mixité scolaire entre garçons et filles en 1969 », reconnaît-il, avant d’évoquer un encadrement « encore renforcé » des écoles hors contrat, pourtant déjà contrôlées de très près depuis l’entrée en vigueur de la loi Gatel le 13 avril 2018.
L’objectif de la loi que présente Emmanuel Macron vise à éviter les dérives observées dans certaines communautés islamistes extrémistes, qui tendent à déscolariser les enfants au profit de structures « nullement déclarées », dans lesquelles l’enseignement se réduit à quelques cours et des prières, creuset d’une radicalisation religieuse. Cependant, une telle mesure interroge. Qu’en est-il de la liberté d’enseignement, donnant aux parents la liberté de choisir le mode d’enseignement qu’ils souhaitent pour leur enfant : dans un établissement public, privé sous contrat, privé hors contrat ou à domicile, comme le prévoit l’article L131-2 du Code de l’Education : « L’instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix. » Une liberté qui concerne plus de 2 millions d’élèves scolarisés dans l’enseignement privé, dont 73.000 dans le hors contrat. Et ils sont 50.000 enfants, aujourd’hui, à poursuivre une instruction à domicile. Dans sa décision relative à la loi Guermeur du 25 novembre 1977, le Conseil constitutionnel considère que la liberté d’enseignement constitue un des principes fondamentaux de la République.
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Interrogée par Aleteia, Anne Coffinier, présidente de l’association Créer son école, s’avoue très surprise de cette atteinte à cette liberté fondamentale qu’est le choix, pour tout parent, du type d’éducation pour son enfant. « L’école obligatoire dès l’âge de 3 ans ne correspond pas à tous les enfants, souligne-t-elle. Certains ne sont pas prêts ». Elle en appelle à la vigilance, au moment du débat parlementaire, afin que la loi reste conforme à l’intérêt des enfants ainsi qu’au droit constitutionnel qu’est la liberté d’enseignement. Selon elle, ce changement de paradigme, passer d’un droit accordé à tous à un droit qui demandera à être justifié, va sans doute provoquer un plus grand afflux vers les écoles hors contrat.
Vers un renforcement du contrôle sur les écoles hors contrat ?
En 2016, la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem avait tenté de soumettre l’ouverture des établissements hors contrat à une autorisation préalable, afin qu’ils se conforment aux programmes de l’éducation nationale, sous couvert de vouloir prévenir les risques d’écoles à caractère extrémiste. Le 13 avril 2018, la loi Gatel a renforcé le contrôle de l’Etat sur les écoles indépendantes. Pas assez, selon le Président de la République qui déclare ce 2 octobre : “Les écoles hors contrat, qui sont davantage contrôlées grâce à la grande avancée que constitue la loi dite Gatel, feront l’objet d’un encadrement encore renforcé”, notamment envers le “parcours des personnels”, le “contenu pédagogique des enseignements” et “l’origine des financements”.
Là encore, Anne Coffinier s’étonne : “On sort juste de la loi Gatel, qui contrôle toutes les ouvertures d’établissements privés ainsi que leur fonctionnement à travers de fréquentes inspections”. Selon elle, contrôler les écoles hors contrat n’est pas la priorité : “Si l’on est cohérent avec la volonté de lutter contre le séparatisme islamiste, alors la priorité se situerait plutôt dans le contrôle des écoles non déclarées, ces écoles de fait qui se logent souvent dans des cours de soutien ou des cours de langue, en lien avec des mouvances islamistes, ainsi que des clubs sportifs. Mais aussi et surtout dans la lutte contre le séparatisme dans l’école publique, clairement dénoncé par l’inspecteur général Jean-Pierre Obin.”