Entre le port du masque quasi-systématique et les règles de distanciation physique, communiquer au travail et dans la vie quotidienne se complique. « La communication non-verbale, qui est une dimension très forte de nos interactions relationnelles et sociales, est aujourd’hui empêchée ou biaisée », explique à Aleteia Élodie Mielczareck, sémiologue, spécialisée en langage et bodylanguage.
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La pandémie de Covid-19 est un bouleversement dont certaines conséquences, dont celles propres aux interactions humaines, sont encore inconnues. “Avant même de communiquer dans une langue, c’est-à-dire de maîtriser les rouages linguistiques, on communique par notre corps, par nos gestes”, rappelle auprès d’Aleteia Élodie Mielczareck, sémiologue, spécialisée en langage et bodylanguage et auteur du livre La stratégie du caméléon, s’adapter à tous les profils grâce à la communication non verbale (Le Cherche-Midi). “Plusieurs études ont montré la dimension très forte de la communication non verbale dans nos interactions relationnelles et sociales, qu’elles soient professionnelles ou personnelles”. Les expressions du visage, les gestes, le toucher, les intonations… Communiquer ne se limite pas à la parole, loin de là !
Mais aujourd’hui, les règles sanitaires mises en place pour lutter contre la propagation du Covid-19 permettent-elles encore communiquer ? Le masque, dont le port est désormais obligatoire dans les lieux clos et partagés mais aussi en entreprise, couvre la moitié du visage. Et complique d’autant plus la compréhension des intentions de l’autre. “On l’oublie souvent mais ce qui fait qu’on se comprend, c’est que je suis en capacité de décoder les intentions de mon interlocuteur en le regardant”, reprend la sémiologue. “Or nous sommes aujourd’hui handicapés car la lecture de l’intention de l’autre devient extrêmement difficile voire empêchée avec le port du masque”.
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Et puis il y a l’imaginaire, celui qui effraie. “Celui lié au masque n’est pas rassurant, son port nous rappelle des heures sombres qui nous effraient encore, notamment les fameux masque “à bec” utilisés par les médecins pour contrer la peste noire. Le masque ne facilite pas les échanges relationnels, et en plus il sollicite un imaginaire très dysphoriques”, résume-t-elle.
“Il y a d’autres informations auxquelles nous n’avons plus accès, je pense ici à la poignée de main”. Rapide, assurée, fuyante… Autant de caractéristiques qui permettaient de mieux cerner la personne à qui on avait affaire et auxquelles l’être humain n’a plus accès. Heureusement, il reste la voix. “Mais elle aussi est moins accessible : quand on parle avec un masque on entend moins”, regrette Élodie Mielczareck. “Le masque devient un accessoire au même titre qu’un vêtement mais il étouffe et chacun se retrouve contraint de mieux articuler et de parler plus fort pour se faire comprendre”.
Est-on désormais contraint à moins bien communiquer et à moins se comprendre ? Non, rassure la sémiologue. “Le fait d’avoir des échanges distanciels, c’est-à-dire d’échanger à distance avec une caméra, permet aux différents participants de ne pas porter le masque et facilite ainsi la compréhension des intentions et du discours de chacun”, détaille-t-elle. Même si cela peut sembler paradoxal, pour continuer à bien se comprendre, échanger à distance derrière un écran est une solution.
Les yeux permettent de transmettre de l’information, notamment quand il s’agit d’un vrai sourire.
Mais dans le métro ? Dans la rue ? “Si le bas du visage est masqué, avoir une visibilité au niveau des yeux et des sourcils fait que l’on peut continuer à communiquer de manière non verbale”, reprend Élodie Mielczareck. “Pendant longtemps on a pensé que les sourcils jouaient un rôle physiologique en empêchant la sueur d’arriver dans les yeux. C’est évidemment vrai mais ils ont aussi un rôle très important dans la communication, surtout pour la salutation et exprimer la reconnaissance. Le port du masque ne perturbe pas cela”. Les sourcils permettent aussi de percevoir d’autres sentiments forts comme la colère, la peur ou la surprise.
Alors bien sûr la bouche n’est pas visible. Mais cela ne veut pas dire que le sourire n’est pas perceptible. “Les yeux permettent de transmettre de l’information, notamment quand il s’agit d’un vrai sourire qui se traduit par leur participation active”, indique-t-elle. “On peut savoir que quelqu’un sourit vraiment en ne regardant que ses yeux ». Mais sur les quelque 19 types de sourire que l’on fait, “c’est le seul que l’on peut lire. Celui du mépris, que l’on perçoit au niveau inférieur de la bouche, n’est absolument plus visible”. Pour ne plus avoir ce problème,”il est possible d’investir dans un masque transparent au niveau de la bouche ou une visière qui laisse visible le visage”.
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Si les consignes sanitaires perturbent bien la communication non verbale, Élodie Mielczareck se veut néanmoins rassurante. “Nous sommes des êtres sociaux capables de s’adapter rapidement”, assure-t-elle. “Des choses nouvelles se développent, des “tribus” virtuelles se sont crées… Il se passe des choses intéressantes et si les difficultés sont là, elles ne sont pas infranchissables !”