Le bon filon publicitaire pour vendre est désormais la culpabilisation du consommateur et la manipulation de ses angoisses au nom du salut de l’humanité. Cette morale qui joue sur les peurs est une fausse morale.
Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l’impôt sur le revenu
Une publicité accroche mon regard avec cette injonction : “Soyez fier !” Que veulent-ils donc me dire ? Ah ! Il s’agit d’une publicité pour une voiture : si je possède ladite voiture je serai fier, mais fier de quoi ? Ah ! C’est une jolie voiture, rouge, mais c’est aussi et surtout une voiture écologique : je serai donc fier de conduire une voiture propre, de sauver ainsi la planète et de devenir le héros des temps modernes.
Achetez propre !
À côté de la voiture pose une femme. En ces temps de prise de conscience forte que la femme n’est évidemment pas un objet, l’on continue toujours à faire poser des jolies femmes à côté des voitures, surtout les voitures puissantes et racées. Afin d’éviter ce reproche, ce n’est pas une pulpeuse bimbo qui est ici photographiée. Ce serait trop vulgaire et une ficelle trop connue. L’annonceur pourrait de plus s’attirer l’ire d’associations féministes. Non, la photo suggère qu’il s’agit d’une femme certes jolie mais surtout une femme intelligente, informée, éveillée, stricte, consciente.
Son regard porte aussi une sorte d’injonction morale, de reproche. Elle menace : “Toi qui es un homme, tu pourras être fier si tu prends conscience de l’urgence à acheter des voitures propres, et en particulier celle-ci.” Afin de soulager ma conscience, d’être fier comme celui qui pose un acte bon, de posséder une jolie voiture et de sauver la planète, il faut donc que je courre acheter cette voiture !
La machine à culpabiliser
Depuis plusieurs années je m’étonne des injonctions morales distillées par la publicité et cela dans tous les domaines. La machine à culpabiliser tourne à plein. Les premiers arguments de vente devraient certainement être la nécessité d’un produit, sa qualité ou son prix. Mais désormais le premier argument est de nous sauver : sauver notre santé avec tous les produits qui sont évidemment bio, sains, utiles à notre organisme, notre beauté, notre bien-être. Sauver notre planète avec des produits qui ne consomment que peu, qui sont écologiques, issus du développement durable, ancrés dans des circuits courts. Sauver nos emplois et l’industrie nationale avec des produits fabriqués en France ou en Europe.
Lire aussi :
Consommer mieux : connaissez-vous la règle des “5 R” ?
Mais cela va plus loin encore : la vente d’un produit promeut un style de société, évidemment écologique, mais aussi inclusif pour les minorités, tolérant, ouvert. Un nouveau monde sain, propre, beau et tolérant voit le jour. En consommant nous sauvons le monde, la société, l’humain !
Le bon filon de la peur
Soyons lucides : une publicité sera toujours là pour faire vendre un produit et ainsi faire gagner de l’argent aux industries. Les entreprises ne dépensent pas des milliards pour un projet éthique. Le bon filon pour vendre est désormais la culpabilisation du consommateur et elle repose sur des angoisses diffuses. La peur de la mort qui nous pousse à prendre soin de notre santé. La peur de ruiner la terre qui nous pousse à consommer écologique. La peur d’être taxé d’intolérant si on ne réjouit pas de toute ouverture sociétale. Le greenwashing (engagement écologique) ou le purpose washing (engagement pour une cause) reposent sur ces peurs et les cultivent.
À la racine d’un projet sociétal, il y a l’éducation, pas la consommation.
Même si nous sommes d’accord avec ces causes, faut-il jouer sur les peurs et les angoisses d’une société ? La peur est-elle un moteur, la culpabilisation est-elle un moyen ? À la racine de toutes ces publicités, il y a la consommation et le problème écologique est lié à la surconsommation, rarement à la production. Mais il n’y aura jamais de publicité pour nous inviter à ne pas consommer, juste une communication politique, religieuse ou sapientiale. À la racine d’un projet sociétal, il y a l’éducation, pas la consommation. Mais il n’y aura jamais de publicité pour nous inviter à former notre conscience, juste une invitation politique, religieuse ou sapientiale.
Fier d’être libre
La publicité devient une gnose contemporaine qui prétend nous sauver : on vous informe, et vous qui savez quoi acheter, vous êtes sauvés par vos achats ! Nous sommes très loin du beati pauperes spiritu évangélique qui nous promet non pas la terre mais le Royaume (Mt 5, 3) ! Seul le Christ sauve et l’écologie intégrale que promeut Laudato Si’ n’est pas un salut qui repose sur la peur et la culpabilisation mais sur la conscience et la liberté. “Celui qui veut être fier qu’il mette sa fierté dans le Seigneur” (2 Co 10, 17).
Lire aussi :
Quand les vices publics combattent les vertus privées