Le pape François a reçu ce jeudi 3 septembre une délégation de seize Français, croyants ou non, pour discuter ensemble autour de la thématique écologique. Voici le texte qu’il leur a adressé, avant de converser avec eux de manière spontanée.
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Excellence,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de vous recevoir, et je vous souhaite une cordiale bienvenue à Rome. Et je vous remercie, Monseigneur de Moulins Beaufort, d’avoir pris l’initiative de cette rencontre suite aux réflexions que la Conférence des Evêques de France a menées autour de l’Encyclique Laudato si’, réflexions auxquelles ont participé nombre d’intervenants engagés pour la cause écologique.
Nous faisons partie d’une unique famille humaine, appelés à vivre dans une maison commune dont nous constatons, ensemble, l’inquiétante dégradation. La crise sanitaire que traverse actuellement l’humanité nous rappelle notre fragilité. Nous comprenons à quel point nous sommes liés les uns aux autres, insérés dans un monde dont nous partageons le devenir, et que le maltraiter ne peut qu’entraîner de graves conséquences, non seulement environnementales, mais aussi sociales et humaines.
Il est heureux qu’une prise de conscience de l’urgence de la situation apparaisse désormais un peu partout, que le thème de l’écologie imprègne de plus en plus les mentalités à tous les niveaux et commence à avoir une influence sur les choix politique et économiques, même s’il reste beaucoup à faire et si nous assistons à trop de lenteurs et même de retours en arrière. Pour sa part, l’Eglise catholique veut être pleinement participante à l’engagement pour la sauvegarde de la maison commune. Elle n’a pas de solutions toutes faites à proposer et elle n’ignore pas les difficultés des enjeux techniques, économiques et politiques, ni tous efforts que cet engagement entraîne. Mais elle veut agir concrètement là où cela est possible, et elle veut surtout former les consciences en vue de favoriser une profonde et durable conversion écologique, seule capable de répondre aux défis importants qui se présentent à nous.
Sur cette question de la conversion écologique, je voudrais vous partager la manière dont les convictions de foi offrent aux chrétiens de grandes motivations pour la protection de la nature, ainsi que des frères et des sœurs les plus fragiles, car je suis sûr que la science et la foi, qui proposent des approches différentes de la réalité, peuvent développer un dialogue intense et fécond (cf. Laudato si’, n. 62).
La Bible nous enseigne que le monde n’est pas né du chaos ou du hasard, mais d’une décision de Dieu qui l’a appelé et toujours l’appelle à l’existence, par amour. L’univers est beau et bon, sa contemplation nous permet d’entrevoir la beauté et la bonté infinies de son Auteur. Chaque créature, même la plus éphémère, est l’objet de la tendresse du Père qui lui donne une place dans le monde. Le chrétien ne peut que respecter l’œuvre que son Père lui a confiée comme un jardin à cultiver, à protéger, à développer dans ses potentialités. Et si l’homme a le droit d’user de la nature à ses fins, il ne peut, en aucune manière, s’en croire le propriétaire ni le despote, mais seulement l’intendant qui devra rendre des comptes de sa gestion. Dans ce jardin que Dieu nous offre, les hommes sont appelés à vivre en harmonie dans la justice, la paix et la fraternité, idéal évangélique que propose Jésus (cf. LS, n. 82). Et lorsque l’on considère la nature uniquement comme un objet de profit et d’intérêt – une vision qui consolide l’arbitraire du plus fort – alors l’harmonie est rompue et de graves inégalités, injustices et souffrances apparaissent.
Saint Jean-Paul II affirmait : « Non seulement la terre a été donnée par Dieu à l’homme, qui doit en faire usage dans le respect de l’intention primitive, bonne, dans laquelle elle a été donnée, mais l’homme, lui aussi, est donné par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté » (Enc. Centesimus annus, n. 38). Tout est donc lié. Ce sont la même indifférence, le même égoïsme, la même cupidité, le même orgueil, la même prétention à se croire le maître et le despote du monde, qui portent les hommes : d’un côté à détruire les espèces et piller les ressources naturelles, et, d’un autre côté, à exploiter la misère, abuser du travail des femmes et des enfants, renverser les lois de la cellule familiale, ne plus respecter le droit à la vie humaine depuis sa conception jusqu’à son achèvement naturel.
Ainsi, «si la crise écologique est l’éclosion, une manifestation extérieure d’une crise éthique, culturelle, spirituelle, nous ne pouvons pas prétendre soigner notre relation à la nature sans assainir toutes les relations fondamentales de l’être humain » (LS, n. 119). Il n’y aura donc pas de nouvelle relation avec la nature sans un être humain nouveau, et c’est en guérissant le cœur de l’homme que l’on peut espérer guérir le monde de ses désordres tant sociaux qu’environnementaux.
Chers amis, je vous renouvelle mes encouragements dans vos efforts en faveur de la sauvegarde de l’environnement. Alors que l’état de la planète peut sembler catastrophique et que certaines situations paraissent même irréversibles, nous, les chrétiens, gardons toujours l’espérance, car nous avons le regard tourné vers Jésus-Christ. Il est Dieu, le Créateur en personne, venu visiter sa création et habiter parmi nous (cf. LS nn. 96-100), afin de nous guérir, nous faire retrouver l’harmonie que nous avons perdue, harmonie avec nos frères, harmonie avec la nature. « Il ne nous abandonne pas, il ne nous laisse pas seuls, parce qu’il s’est définitivement uni à notre terre, et son amour nous porte toujours à trouver de nouveaux chemins » (LS, n. 245).
Je demande à Dieu de vous bénir, et s’il vous plait, je vous demande de prier pour moi.