La solennité de l'Assomption, le 15 août, donne lieu en France à des fêtes de la mer ou de nombreuses communes du littoral, en lien avec les paroisses — une fois n'est pas coutume — évoquent le souvenir des marins péris dans les flots. C'est le cas, par exemple, des cités de Soulac-sur-Mer, Vendays-Montalivet et Le Verdon-sur-Mer en Gironde où les festivités s'enchaînent avec processions à terre et jets de couronnes en mer, même si les manifestations se font cette année plus discrètes pour cause de pandémie.
La confiance des gens de mer
La concomitance des dates n'est pas due au hasard car les gens de mer sont très attachés la Vierge Marie qu'ils invoquent pour les protéger des dangers de la navigation et que, en des circonstances plus périlleuses encore, ils implorent pour les sauver d'un naufrage imminent. Cette confiance des gens de mer en la Vierge Marie les a conduits à lui consacrer des milliers d’églises ou chapelles aux dénominations évocatrices, sans compter les nombreux navires baptisés à son nom.
Pour s'en tenir à la France, on peut citer Notre-Dame-des-Marins à Martigues, Arcachon, Erquy ou bien encore Saint-Pierre-et-Miquelon, Notre-Dame-des-Flots au Cap-Ferret et à Sainte-Adresse près du Havre, Notre-Dame-de-Bon-Port à Nantes, Les Sables-d'Olonne ainsi qu'Antibes et Notre-Dame-de-la-Mer à Bénodet mais aussi, plus curieusement, à Jeufosse, dans les Yvelines, donc assez loin de la mer : cette implantation surprenante se comprend quand on sait que le site est proche de la Seine et que la Vierge y était invoquée par la population locale pour se préserver des Vikings qui remontaient le fleuve sur leurs drakkars en pillant tout sur leur passage.
Le débarquement de la Vierge nautonière
Pourtant, la première représentation maritime de Marie est plus ancienne encore et se trouve dans le débarquement miraculeux de la Vierge nautonière, cette Vierge à l'enfant debout dans une barque, survenu à Boulogne-sur-Mer, en l'an 633 ou 636, sous le règne du bon roi Dagobert. Depuis cette date, le site est devenu un sanctuaire marial visité et honoré par pratiquement tous les rois de France qui, depuis Louis XI, se considéraient comme vassaux de la Vierge de Boulogne.
Quatre statues de la Vierge nautonière ont également sillonné la France entre 1943 et 1948 entraînant un grand mouvement de ferveur populaire, à l'initiative du révérend père Ranson, connu sous le nom de Pèlerinage de Notre-Dame-du-Grand-Retour, ce grand retour étant autant celui de la foi que celui attendu des quatre statues dans leur ville d'origine : d'ailleurs, les deux statues parties par la voie des mers ne sont jamais revenues à Boulogne et sont restées, pour l'une en Martinique et pour l'autre en Corse.
Rocamadour
Si la popularité de la Vierge nautonière a largement dépassé le monde maritime, il est une autre représentation de la Vierge, pourtant bien plus éloignée encore de la côte que la Vierge de Jeufosse, qui suscite la vénération des marins : Notre-Dame-de-Rocamadour. Dans la chapelle où se trouve sa statue, une cloche sans battant sonne à chaque fois qu'un marin en perdition s'en remet à la Vierge noire et une plaque dresse la liste des navires qui ont ainsi été sauvés. Comment expliquer que la Vierge de Rocamadour, située au flanc d'un causse du Quercy, soit si connue des navigateurs ?
Il semble qu'il faille attribuer cette dévotion à Henri Plantagenet (1133-1189), second mari d'Aliénor d'Aquitaine, futur roi Henri II d'Angleterre, touché par la grâce lors de ses deux pèlerinages dans la cité quercynoise. De retour en Bretagne, il fit édifier l'église Notre-Dame-de-Rocamadour à Camaret-sur-Mer, qui fut longtemps un grand port de pêche langoustier et sardinier. Enfin, sans prétendre être exhaustif, il convient de citer Notre-Dame-des-Naufragés, immense statue en marbre de Carrare de six mètres de hauteur édifiée en 1904 par le sculpteur Cyprien Godebski et dominant la pointe du Raz à Plogoff.
L’Étoile de la Mer
Pour autant, la Vierge Marie, quel que soit son vocable, n'est pas, du moins officiellement, la patronne de la Marine nationale qui, d'ailleurs, n'en a pas vraiment, à la différence par exemple de la Marine royale espagnole placée sous la protection de Notre-Dame-du-Mont-Carmel. Néanmoins, les marins de « la Royale » n’oublient jamais Maris Stella, l’Étoile de la Mer, et se souviennent de Notre-Dame-du-Rosaire dont la fête fut instituée par le pape Pie V pour commémorer la victoire de Lépante sur les Turcs le 7 octobre 1571, bien que la France y fût absente.
Le Pape approuva la décision de don Juan d'Autriche, l'amiral de la coalition chrétienne, qui avait dit à ses marins de manger de la viande bien qu'on fût un vendredi, un indult jamais révoqué et qui dispense, depuis lors, les marins de l'abstinence. Ils peuvent aussi réciter la prière du marin au texte évocateur :
Une prière que peut utilement faire sienne également le plus terreux des terriens.