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En considérant l’identité sexuée comme une menace pour l’égalité, et le donné naturel comme un obstacle à la liberté, l’idéologie du genre prétend organiser les relations sociales de manière totalement artificielle. La technique remplace la nature et l’enfant est un pur objet de désir individuel.
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Apparemment simple pendant des siècles et n’ayant jamais été jusqu’ici une préoccupation majeure, la question de l’identité homme-femme devient depuis quelques années une thèse débattue autour du concept de “genre” (gender). Cette question n’est pas d’abord une question religieuse, elle doit être abordée sous l’angle de la raison philosophique, car ce débat concerne l’être humain dans son humanité propre et l’avenir des sociétés contemporaines.
La vision de l’homme est en crise pour trois raisons qui concernent sa définition, sa sexualité et sa spécificité. Au niveau de la définition de l’homme, il semble que l’être humain ne puisse plus être saisi et défini. Au niveau de la sexualité, elle n’est plus considérée comme liée à la procréation responsable, mais comme soumise au désir subjectif de chacun. Au niveau de la spécificité humaine, certaines avancées scientifiques créent, semble-t-il, un flou dans les frontières homme/animal et naturel/artificiel.
Une conception de la justice paradoxale
L’aspiration à l’égalité pousse à annuler ou nier les différences et la nature. L’identité homme-femme semble une notion dépassée pour un certain courant féministe radical, qui voit dans cette distinction une domination masculine cachée et qui donc la considère comme potentiellement dangereuse pour les femmes. Nos sociétés démocratiques aspirent effectivement à l’égalité et à la liberté. Or, en matière d’égalité, on ne sait plus aujourd’hui si la justice est l’absence de différence — on est égaux parce qu’identiques — ou si au contraire, la justice consiste à accepter toutes les différences à égalité les unes les autres. Ce paradoxe fondateur est au cœur des questions soulevées par le concept de « genre ».
Repenser l’être humain
On tend à passer d’une société qui ne remettait pas en question certains fondamentaux, dont la différence homme-femme, à une société où le droit et la science ouvrent des perspectives radicalement nouvelles en pouvant organiser les relations sociales de manière purement artificielle, libérées de toute contrainte naturelle. Les biotechnologies — PMA par exemple — viennent ainsi non pas compenser une déficience de la nature, mais bien la remplacer. La loi tend à officialiser ce remplacement en posant que tous les individus ont droit à ces techniques. Tout cela donne l’idée que nous sommes à un moment de l’évolution où il faut repenser l’humain en dehors de tout fondement autre que ceux de liberté et d’égalité fondés sur les désirs individuels. Les sciences humaines et sociales modernes semblent confirmer cette évolution.
Est apparue dans le champ des sciences humaines (dans les années 1950-1960) la distinction entre le sexe anatomique et le “genre” (gender aux sens anglais classique grammatical, puis psychologique et social). On a étudié les cas de naissance d’enfants intersexués (anomalie de la différenciation sexuelle anatomique) ou les cas de personnes transsexuelles (difficultés psychologiques de certaines personnes à se reconnaître dans leur sexe anatomique). La médecine et la psychologie ont ainsi déterminé que, dans ces cas particuliers, le « genre » pouvait ne pas coïncider avec le sexe.
De légitimes “études de genre”
Cette notion de “genre” a encore évolué pour donner lieu, dans les années 1970-1980, à une discipline à part entière : les “études de genre” (gender studies), fondées sur l’étude des représentations sociales et psychiques du sexe. On a de ce fait mis en avant que, pour être homme ou femme, il faut non seulement avoir un sexe biologique, mais aussi et surtout se sentir, se comprendre et se vouloir homme ou femme. Ces gender studies ne posent pas de questions essentielles si elles ne servent pas d’autres fins et si elles restent dans la méthodologie propre aux sciences sociales : il s’agit de décrire comment les êtres humains s’identifient sexuellement. On comprend à travers elles que le sexe biologique n’est pas la seule réalité de la sexualité humaine. Il faut le distinguer du sexe sociologique ou psychologique. Le “genre” désigne dans ce sens la représentation sociale et psychique du sexe biologique. Les “études de genre” sont ainsi dans leur ordre propre tout à fait légitimes et pertinentes. Nous verrons en quoi elles décrivent bien une réalité importante de la personne humaine, sans parvenir à la définir.
Une théorisation philosophique radicale
Depuis peu (dans les années 1990-2000), le concept de queer (traduit par “étrange, surprenant”), désignait en fait les comportements sexuels marginaux de manière insultante. Il est employé pour aller au-delà du “genre” (queer theory). Pour ces philosophies radicales (notamment celle de Judith Butler), l’identité sexuelle ne se rattache définitivement plus au biologique et à l’ordre hétérosexuel dominant, mais est une pure création sociale et psychologique. Il convient alors, pour “dépasser les inégalités et les contraintes de la nature” (ici assimilée au biologique), de revendiquer une création libre des identités sexuelles.
“Sans enfermer l’homme et la femme dans des schémas scientistes, le biologique a cependant bien un rôle important dans l’identité homme-femme.”
Dans cette optique, la distinction et la complémentarité des sexes féminin-masculin est de moins en moins vue comme fondatrice de l’identité humaine. Dès lors, toutes les orientations et les identités se valent : bi, homo, hétéro, trans, inter, mixtes, etc. Les identités sont libres et tous les désirs se valent. On rompt de ce fait définitivement avec le sexe biologique, qui n’a rien à nous dire en tant que tel, pour construire librement et à égalité des “identités de genre”. Le droit tend à entériner cela au nom de la non-discrimination des orientations et des identités.
Le refus total du biologique
Certes, le sexe et le genre sont deux réalités que l’on ne peut pas nier. L’un dit la réalité biologique et l’autre la réalité psychologique et sociale. Mais sans enfermer l’homme et la femme dans des schémas scientistes (mécanismes de la sexualité reproductrice), le biologique a cependant bien un rôle important dans l’identité homme-femme, à l’inverse de ce que posent les théories philosophiques du “genre” et du queer, où le biologique n’a plus aucun sens.
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Si l’on définit les relations homme-femme selon les seules notions absolues d’égalité et de liberté, l’enfant, lui, est passé sous silence ou devient un simple objet de désir. De même, le mariage entre personnes de même sexe revient à dire qu’être homme ou être femme n’a pas d’importance, pas de conséquences, pas de sens et tout cela revient à nier l’importance essentielle de nos identités sexuelles hommes-femmes.
La part de l’acquis et la part de l’inné
Les relations homme-femme nécessitent bien une compréhension particulière. Dans une philosophie de la personne intégrant toutes ses dimensions, le concept de “genre” renvoie non au queer, mais bien à la liberté de la personne humaine qui, contrairement aux animaux, n’est pas entièrement soumise aux purs déterminismes biologiques. Il y a bien une part d’acquis culturel et social dans la représentation que l’on se fait du masculin et du féminin. Le risque de donner au mot “genre” le sens du queer, est de faire disparaître les différences homme-femme. S’il y a égalité au sens de non-différence, il n’y a plus besoin d’essayer de se comprendre et de fait on ne se comprend plus. Enfin, force est de constater que seuls l’écoute et le dialogue dans l’amour, par la vie morale et spirituelle, permettent de comprendre ces différences et de les vivre sans domination ni emprise des désirs non régulés.
La personne est complexe mais le corps est sexué
L’évidence première de l’expérience humaine montre que le corps de la personne, donné dans la génération, est sexué. Cependant, la personne est complexe. Il y a en elle le registre de la vie du corps (sexe biologique, objet de la science biologique), de la vie affective et symbolique (“genre” au sens psychologique et social, objet des sciences humaines et sociales) et de la vie morale et spirituelle (objet de la philosophie et de la foi). Cette dernière est la plus oubliée aujourd’hui et permet d’unifier les deux premiers registres dans la recherche de l’amour.
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En conclusion, les différences homme-femme ne sont pas dépassées mais elles sont simplement à redécouvrir. Cette question de l’identité sexuelle mise en lumière par le concept de « genre » n’est pas anodine du tout. Elle se trouve bien au cœur des relations sociales à venir dans la compréhension que l’homme — homme et femme — a de lui-même.