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Existe-il encore un futur pour les chrétiens d’Irak ?

Intérieur de la salle paroissiale de Telkief après le passage de Daesh

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Loÿs de Pampelonne - published on 11/07/20
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De retour en France après cinq mois de mission, Loÿs de Pampelonne, le directeur Irak de l’Œuvre d’Orient raconte ces rencontres « en vérité » avec les chrétiens de la région, notamment dans la plaine de Ninive. Si la situation générale se dégrade, que beaucoup sont tentés de repartir, la volonté de transmettre persiste encore.En Irak, le chemin de croix de la communauté chrétienne semble sans fin. Depuis l’invasion américaine en 2003, la communauté chrétienne d’Irak n’est plus que l’ombre d’elle-même. Évalué à 1,5 millions de fidèles dans les années 2000, elle regroupe aujourd’hui moins de 200.000 personnes : il ne reste plus qu’un chrétien sur 10. On se rend compte de la violence de cette séparation lorsqu’invité dans une maison, on vous montre les photos de familles et que ceux qui restent énumèrent, avec une légère émotion, le lieu de vie de chacun : Australie, Suède, États-Unis… Une triste litanie qui illustre l’éclatement des familles et une perte de repères importante pour une communauté orientale. Même si le traumatisme est profond, on peut observer de petits signes d’espérance, lié à une volonté affirmée par certains de continuer à porter ce flambeau des premiers chrétiens convertis — selon la tradition — par saint Thomas. 

Rebâtir et panser les cœurs

Après la libération de la plaine de Ninive en 2017, de nombreuses familles ont fait le choix de revenir dans leur village malgré les dégâts causés par la guerre. Il en a fallu du courage pour repartir de zéro et retrouver la force morale de vivre dans votre environnement proche avec des personnes qui avaient accueilli favorablement l’État islamique. L’enjeu est double depuis la libération, il faut rebâtir les lieux de vie pour permettre aux déplacés de revenir chez eux mais, en même temps, panser les cœurs. 

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Loÿs de Pampelonne
Dans les décombres du monastère Antonins de Saint George sur les hauteurs de Mossoul

Ne vouloir s’occuper que des contingences matérielles ne pourra être une solution à long terme. Il faut aider et soutenir les initiatives de rencontres et d’échanges entre les personnes. Non pas les rencontres officielles avec fanfares et trompettes, photos et discours, non, elles ne sont plus crédibles en Irak. Nombres d’organisations sont devenus des tour-operators de dialogue, avec de belles tables rondes où des Irakiens habillés en costumes traditionnels se retrouvent sous l’œil attentif des caméras. Beaucoup d’Irakiens ont compris l’importance de ces évènements médiatisés pour les organisations, mais des échanges en vérité avec chacun d’eux montrent l’inanité de ces rencontres et le peu d’intérêt qu’ils y accordent. Rien ne remplacera le lien interpersonnel : ce sont les rencontres du quotidien entre personnes de différentes communauté religieuses ou ethniques qui créent des ponts. 

L’exemple des Petites Sœurs de Jésus

L’exemple de la communauté des Petites Sœurs de Jésus (spiritualité de Charles de Foucauld) à Bartella jette une lumière crue sur les difficultés du quotidien dans ce village extrêmement divisé. Elles ont décidé de revenir il y a presque un an après avoir vécu dans le camp de déplacés d’Ashti pendant la période de l’État islamique. Les premiers mois ont été d’abord une période de rencontres et d’échanges avec les personnes rentrées, shabaks (une minorité chiite), syriaques orthodoxes ou syriaques catholiques. Et ce n’est qu’après avoir créé ces relations et ces contacts qu’elles se sont engagées dans des activités de dialogue à une échelle un peu plus importante. Les religieuses illustrent parfaitement l’adage « le bien ne fait pas de bruit », et c’est à ce niveau que va se jouer la reconstruction des liens entre les communautés. Une chose est sûre, cela va prendre du temps, beaucoup de temps. 



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À Qaraqosh, la plus grande ville chrétienne d’Irak, qui comptait près de 50.000 habitants en 2014, ce sont environ 24.000 personnes qui sont rentrées. Les premières années ont été dédiées principalement à la reconstruction pour aider les familles à revenir habiter chez elles. Dans chaque village, se sont constitués des comités de reconstruction, souvent dirigés par un prêtre, qui a la charge de coordonner les besoins locaux et l’aide internationale ou locale. Véritable cheville ouvrière et d’un dynamisme sans borne, c’est Abouna George qui dirige le comité de Qaraqosh. Il est curé d’une des plus grandes églises de la ville, Mar Benham et Sarah, qui a été reconsacrée le 15 août dernier avec de nombreux fidèles.

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Loÿs de Pampelonne
Soleil couchant sur le clocher de l’église syriaque catholique de Saint-Georges à Bartella.

Une insécurité grandissante

Un an plus tard, l’ambiance est bien différente dans cette église qui est l’une des plus grandes églises d’Irak. La vie semble s’être arrêtée. Dans les villages de la plaine de Ninive, la crise sanitaire du Covid-19 a frappé. Les offices et les formations sont retransmis en direct sur la radio locale La Voix de la Paix, une radio qui fonctionnait avant 2014 et que l’Œuvre d’Orient soutient activement. Elle est devenue la radio la plus écoutée depuis le confinement via — entres autres — les réseaux sociaux. Elle a permis à beaucoup de continuer à s’informer sur la situation locale mais aussi de suivre les offices. Comme partout dans le monde, les églises irakiennes ont fait preuve de beaucoup d’imagination pour continuer à garder le contact avec les fidèles confinés chez eux.

“Des familles revenues dans la plaine de Ninive ont décidé de repartir s’installer dans la région du Kurdistan irakien ou même demander un statut de réfugiés à l’étranger. Aujourd’hui, rien ne semble pouvoir arrêter cette dynamique.”

Les nombreuses difficultés qui touchent la région, économiques, sécuritaires mais aussi sanitaires, ont impacté durablement la dynamique de retour des déplacés. Des familles revenues dans la plaine de Ninive ont décidé de repartir s’installer dans la région du Kurdistan irakien ou même demander un statut de réfugiés à l’étranger. Aujourd’hui, rien ne semble pouvoir arrêter cette dynamique, d’autant plus que le contexte général irakien s’est extrêmement dégradé, en particulier depuis ce début d’année. Les troupes de l’État islamique sont de plus en plus agressives, qui n’hésitent plus à attaquer l’armée irakienne en plein jour. Les milices chiites se renforcent en quadrillant la plaine de Ninive avec de nombreux checkpoints. Depuis quelques semaines, on observe une présence accrue de la Turquie dans les montagnes du Nord de l’Irak. Que dire à cette famille qui a fui Mossoul en 2014 chassé par l’État islamique pour se réfugier dans un village dans les montagnes kurdes, et qui six ans plus tard se fait bombarder par l’aviation turque ? 

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Enfants dans les décombres des rues de Mossoul-Ouest.

La volonté de transmettre

Cependant, on pourrait croire que la citation de Winston Churchill : « Un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté » a été écrite pour l’Irak. Car, malgré tout, il existe toujours une volonté de s’ancrer et de s’inscrire sur le temps long. L’initiative lancée la semaine dernière par Abouna Petrus Sheito d’ouvrir un musée à Qaraqosh est révélatrice d’une volonté de transmettre aux nouvelles générations l’art de vivre local mais aussi de mettre en avant le patrimoine. Situé près de Mar Yacoub, une des plus anciennes églises de la ville, il a rassemblé près de 200 pièces en une semaine, signe de l’importance accordé à cette initiative par les habitants. 

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