Sur la route des vacances, le patrimoine religieux contemporain peut réserver de belles surprises. Même si le béton n’attire pas spontanément, certaines églises du XXe siècle sont de véritables chefs d’œuvre d’art sacré, témoins d’une authentique émotion spirituelle.
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Avec le début des vacances estivales et la fin progressive de l’état d’urgence sanitaire, le temps est venu de découvrir ou de redécouvrir notre patrimoine religieux. Naturellement, on pourra toujours préférer la sobriété des chapelles romanes ou les fulgurances du gothique flamboyant, mais on aurait tort d’ignorer le legs spirituel de la seconde moitié du XXe siècle. Les édifices construits à cette époque, parfois pour en remplacer d’autres détruits par les bombardements de la guerre, offrent une incroyable diversité en dépit d’un point commun, l’usage massif du béton.
Le jeu des volumes sous la lumière
Les grands architectes de la deuxième partie du siècle passé ne se sont pas désintéressés des édifices religieux. C’est le cas de Le Corbusier qui nous a laissé deux églises très différentes. Tout d’abord, la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp en Haute-Saône, construite entre 1953 et 1955, classée monument historique en 1967 ainsi qu’au Patrimoine mondial de l’Unesco en 2016, est le premier bâtiment cultuel réalisé par le célèbre architecte suisse.
Fine et toute en rondeur, la chapelle présente des murs recouverts de béton projeté enduit de chaux blanche et surmontés d’un toit inspiré par la carapace du crabe, répondant au principe de son auteur selon lequel “l’émotion architecturale, c’est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière”. Ensuite, l’église Saint-Pierre de Firminy dans la Loire est une œuvre posthume de Le Corbusier puisqu’elle a été construite entre 1970 et 2006. Elle prend place au sein d’un vaste complexe urbain et se présente sous la forme d’une pyramide en béton brut. La nef reçoit la lumière par des ouvertures percées dans la coupole dessinant la constellation d’Orion.
Les peintres aussi
Les peintres ont aussi investi le domaine ecclésial. Ainsi, Léonard Foujita, après sa conversion au catholicisme, s’est lancé, en 1964, dans la construction de la Chapelle Notre-Dame-de-la-Paix à Reims qui sera achevée en 1966 avec l’aide de l’architecte Maurice Clauzier. De style néo-roman, la chapelle est recouverte de fresques exécutées par le peintre japonais qui a également décoré les vitraux. Faute de l’avoir construite, puisqu’elle date du XVIe siècle, Jean Cocteau, en 1957, a revêtu les parois de la Chapelle Saint-Pierre de Villefranche-sur-Mer dans les Alpes-Maritimes de peintures évoquant la Méditerranée et la vie de l’apôtre.
Un art d’équilibre et de tranquillité
Mais pour avoir une floraison d’artistes décorateurs, il faut se rendre à l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du plateau d’Assy en Haute-Savoie. Commencée avant la guerre en 1937 par l’architecte savoyard Maurice Novarina et construite en pierre verte du pays, elle a été achevée en 1946 et consacrée en 1950. Classée monument historique depuis 2004, elle doit beaucoup au chanoine Jean Devémy qui a su attirer une pléiade d’artistes pour la décorer parmi lesquels Georges Rouault, Pierre Bonnard, Fernand Léger, Jean Lurçat, Henri Matisse, Georges Braque et Marc Chagall qui ont signé peintures, sculptures, vitraux, tapisseries, mosaïques, meubles et objets de culte réalisant ainsi un véritable manifeste d’art moderne.
L’édifice religieux peut aussi être né de la rencontre d’un grand architecte et d’un peintre célèbre. C’est le cas de la chapelle du Rosaire du couvent des Dominicains à Vence également dans les Alpes-Maritimes. Construite entre 1949 et 1951, elle est due à l’architecte Auguste Perret, le maître du béton armé connu pour avoir reconstruit la ville du Havre, tandis que la décoration a été réalisée par Henri Matisse, inspiré par son ancienne infirmière devenue dominicaine sous le nom de Sœur Marie-Jeanne. Très dépouillée à l’extérieur, la chapelle présente un intérieur recouvert de céramiques blanches contrastant avec des dessins noirs où Matisse, selon ses propres mots, a voulu donner « un art d’équilibre, de pureté, de tranquillité ».
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L’architecture oblique
La découverte peut se poursuivre en Charente-Maritime avec l’église Notre-Dame de Royan achevée en 1958 et classée monument historique en 1988, construite par les architectes Guillaume Gillet, qui y est inhumé, et Marc Hébrard. Sa structure est faite d’éléments en béton armé précontraints en forme de V surmontée d’un toit en selle de cheval. Le tout constitue un véritable vaisseau dominé par un clocher culminant à soixante mètres, visible aussi bien de l’entrée de la ville que de l’océan. Rien de tel pour l’église Sainte-Bernadette du Banlay à Nevers dans la Nièvre. Élevée en 1966 sur les plans de Paul Virillo et Claude Parent, théoriciens de l’architecture oblique, classée m
onument historique en 2000, elle ressemble à dessein à un blockhaus de la Seconde Guerre mondiale. C’est aussi comme une église basse que se présente Notre-Dame du Rosaire à Rezé en Loire-Atlantique, édifiée en 1960 par l’architecte Jean Rouquet, disciple de Le Corbusier, en utilisant un système de pente et contre-pente.
Ce tour d’horizon, qui est aussi un tour de France, ne saurait être exhaustif. Il témoigne de la vitalité des bâtisseurs et des artistes du XXe siècle qui, même s’ils n’avaient pas tous le sens religieux de leurs prédécesseurs du Moyen-Âge, ont su, comme rattrapés par leur œuvre, s’élever au-dessus d’eux-mêmes pour représenter le mystère de la foi.