Tableau monumental dans l’œuvre d’Ingres, Jésus au milieu des Docteurs a retrouvé son éclat, à l’occasion de la rénovation complète du musée Ingres Bourdelle de Montauban. Cette œuvre provoque par l’usage de couleurs vives, parfois dissonantes. Qui aurait imaginé les docteurs de la Loi vêtus de bleu, de mauve, de jaune, de vermillon ou de vert cru ? Zoom sur ce tableau d’exception.
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“Jésus au milieu des Docteurs”. Ce tableau a été commandé à Jean-Auguste-Dominique Ingres en 1842 par la reine Marie-Amélie (épouse de Louis-Philippe d’Orléans) pour la chapelle du château de Bizy (Eure). Le peintre réalise d’abord une aquarelle, offerte en cadeau de mariage à leur belle-fille Marie-Louise Fernande de Bourbon. Pour Louis-Antoine Prat, cette “gravure de Réveil” est une sorte de “genèse lente d’une grande composition”. Le tableau final est en effet loin d’être terminé dans les temps, laissé de côté au moment de la Révolution de 1848. L’artiste l’achève seize ans plus tard, à l’âge de 82 ans. “Ingres a d’abord fait peindre le fond, il a dessiné par-dessus en grisaille les personnages nus puis il a peint les parties qui devaient rester visibles et enfin les draperies”, détaille Cambon, élève et fidèle ami du peintre. Son commanditaire décédé, le peintre lègue sa toile à Montauban, sa ville natale.
Une scène biblique
Jésus au milieu des Docteurs se réfère au passage de l’évangile de Luc lu cette année pour la mémoire du Cœur immaculé de Marie. Se conformant à la coutume, la Sainte Famille monte à Jérusalem pour les 12 ans de l’enfant. Sur le chemin du retour, ses parents s’aperçoivent de son absence et le retrouvent “dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions”. Le tableau d’Ingres montre des livres, des rouleaux de parchemins, des tables et des vêtements couverts de caractères hébreux, conférant ainsi à la scène un caractère authentique. Au fond, sur les tables de la loi sont inscrits : à gauche, le nom de Dieu, YAHWE ; à droite, un verset de l’Exode : “Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte”. Jésus au centre du tableau, à l’exact croisement des lignes de fuite, pointe son index sur ces pierres, mais aussi vers le ciel. De fait, Jésus interroge. Sur le visage de la quarantaine de figures représentées se lit l’étonnement, le doute, le rejet ou l’adhésion. “Leur sagesse s’humilie et reconnaît son néant. Elle vient de la terre, l’autre arrive du ciel”, note Théophile Gautier, célèbre critique de l’époque.
Un tableau tout en contrastes
“Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir”, affirme le Christ. Ingres met ainsi en lumière cette dualité ancien/nouveau Testament. Regardez les pieds de l’enfant : ils ne touchent pas terre, signe de sa jeunesse. Quel contraste avec tous ces vieillards qui font comme une haie d’honneur à Jésus ! “Monsieur Ingres seul pouvait trouver cet ingénieux moyen de faire prédominer une figure enfantine sur tout un sanhédrin de personnages vénérables”, s’exclame Théophile Gautier.
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Autre contraste : celui de l’ombre et de la lumière. Le tableau semble en effet partagé en deux zones, “l’Ancien Testament reste dans l’ombre, il appartient au passé alors que du côté opposé, dont fait partie Jésus, le Nouveau Testament et ceux qui sont tournés vers lui – dont Marie – resplendissent en pleine lumière”, souligne Suzanne Schneider. Le critique d’art s’émerveille du visage de la Vierge, duquel l’anxiété est chassée et qui semble exprimer : “C’est donc vrai qu’il est un Dieu, ce doux Jésus, si tendre et si docile !”