Si la préparation d’un mariage est souvent une période stressante et chargée, l’angoisse des préparatifs a été multipliée par dix pour les fiancés de cette année… Si certains ont préféré repousser leur mariage à cet automne, d’autres ont décidé de se marier coûte que coûte : quatre couples d’irréductibles fiancés témoignent.Alban et Sibylle, jeunes fiancés angevins de 23 ans, doivent se marier le 25 juillet 2020. A l’annonce de l’état d’urgence en France, le lieu, le traiteur, la tente et les faire-parts étaient déjà commandés. Face à cette situation extraordinaire, ils ont tous deux réagi différemment. Sibylle nous explique : « Pour Alban, la décision de maintenir le mariage était évidente. Nous avions préparé nos cœurs pour cette date et avions vécu de vraies fiançailles. Le mariage devait lancer notre vie de couple, notre vie à deux. Repousser ce début de vie ensemble lui semblait difficile. La grandeur de l’engagement pris est le cœur du mariage, peu importe le nombre de personnes autour. Pour moi, la décision a été plus difficile à prendre et m’a invité à me recentrer sur l’essentiel : notre engagement face à Dieu. J’ai dû faire le deuil du mariage que j’avais imaginé et dans lequel je me projetais depuis des années. Etre entourée de ma famille et mes amis était important. Je gardais toujours au fond de moi l’espoir que la situation s’améliore et que le mariage puisse se dérouler comme prévu. Le contexte anxiogène de la crise, les informations données au compte-goutte et tous les avis des gens autour de nous ne faisaient que renforcer mon incertitude. J’ai beaucoup confié cette intention dans la prière et l’oraison quotidienne. J’ai peu à peu compris qu’il fallait s’abandonner et faire confiance à la volonté du Seigneur. Certes, le dire est plus facile que le faire, mais une fois la décision prise, une paix s’est installée. »
Antoine et Alix quant à eux, étaient fiancés déjà depuis 2 ans et demi et se réjouissaient d’approcher du 4 juillet, date de leur mariage, après un début de fiançailles compliqué comme en témoigne Alix : « Mes parents désapprouvaient mon choix de me marier avec un militaire. Nous avons persévéré, plein d’espoir et de confiance, et nous nous trouvions, début mars, à quelques mois de notre mariage, enfin ! Nous étions tellement heureux d’approcher cette date tant attendue, le 4 juillet, et d’être parvenus à surmonter tant d’obstacles. Début mars, nous avions déjà fait beaucoup de choses : préparation religieuse, livret de messe prêt à imprimé, traiteur choisi, faire parts envoyés, photographe rencontré, alliances gravées, tout était prêt. Mon fiancé partant en Opex en février, nous avions tout prévu à l’avance, pour que je n’ai pas trop de choses à préparer seule. »
“Je voulais l’épouser, devant Dieu, car c’est là tout notre engagement.”
« Très vite, j’ai compris que nous allions devoir faire un choix, poursuit Alix, allions-nous reporter le mariage ou nous marier en petit, voire tout petit comité ? Plein d’espoirs, nous espérions que la situation se serait débloquée (et nous l’espérons toujours ! ) mais nous savions que nous devions anticiper. Là se sont posées beaucoup de questions : étions-nous prêt à renoncer à ce mariage dont nous avions rêvé ? Est-ce que nous nous marions simplement pour vivre ensemble ? Cela risquait-il de mettre en danger nos familles et amis d’envisager de maintenir à tout prix ? Mais si nous reportions, n’était-ce pas qu’alors, le sacrement n’était pas notre principale motivation ? Est-ce que nous nous aimions assez pour renoncer à toutes formes de fête, de biens matériels, pour ne se concentrer que sur l’essentiel, le sacrement ? Pour mon fiancé, le choix était clair et plutôt sans appel : nous devions nous marier, et s’il le fallait, seulement en présence d’un prêtre et deux témoins. Le plus important était le sacrement. Pour moi, cela était très dur, je ne me voyais pas me marier sans mes frères et sœurs, mes parents et mes cousins. Cela m’a donc beaucoup fait réfléchir sur notre engagement : nous étions fiancés depuis deux ans et demi, que voulais-je vraiment ? J’ai cherché à comprendre mon fiancé et j’ai compris que je désirais la même chose. Je voulais l’épouser, devant Dieu, car c’est là tout notre engagement. Le sacrement du mariage. Cela a vraiment été difficile de suivre mon fiancé sur ce choix, mais cela nous a rapprochés et confortés sur le fait que nous nous marions parce que nous nous aimons, et que nous voulons que Dieu soit notre guide. Nous avons donc choisi de maintenir coûte que coûte. Cela a été difficile, car je l’ai annoncé seule à ma famille comme à la famille de mon fiancé. Je me suis sentie très seule face à leurs réactions : très blessantes et envahissantes. Pourtant, le choix ne revenait qu’à nous, fiancés. Il était d’autant plus dur de leur annoncer que j’avais une immense tristesse de renoncer à la présence de ma famille. Mais j’étais heureuse et sereine de notre décision, car je savais que pour nous, c’était la bonne décision. A partir du moment où nous avons pris cette décision de maintenir coûte que coûte, quelle que soit la forme, j’ai été très heureuse et sereine, débordant de joie : nous allions nous marier. »
Constance, elle, ne s’est pas inquiétée tout de suite son mariage étant prévu fin août. Début mai, elle s’est quand même questionnée avec son fiancé : est-ce qu’on reporte, est-ce qu’on limite le nombre de personnes, est-ce qu’on évite les personnes âgées pour les préserver ? Mais elle précise tout de suite : « La décision finale nous a tout de même parue assez évidente: quoiqu’il advienne, on se marie coûte que coûte. Évidemment nous souhaitons plus que tout être entourés par nos proches, mais notre désir de se marier est beaucoup plus fort. Je suis persuadée que cette épreuve que l’on a traversée nous a encore plus renforcés et convaincus que nous faisions le bon choix. Une belle manière de conclure notre année de préparation au mariage ! ».
“J’avais l’impression qu’on m’enlevait ce jour de grande fête et de joie”.
Benjamin et Stéphanie, eux, jeunes trentenaires, ont vécu ensemble ce confinement, confinés dans une maison de campagne familiale, entourés de frères et sœurs et de cousins. Leur mariage était prévu le 4 avril. A l’annonce du confinement mi-mars, ils ont été assommés, à trois semaines du grand jour : « Cela a été très dur sur le moment. Heureusement que nous étions ensemble car j’ai beaucoup, beaucoup pleuré et Benjamin a été un vrai soutien pour moi. J’ai 33 ans, j’ai vu toutes mes copines se marier avant moi, j’avais l’impression qu’on m’enlevait ce jour de grande fête et de joie que j’avais si longtemps attendu… » nous confie Stéphanie encore très émue.
Une préparation hors du commun
Stéphanie poursuit : « Nous avons évidemment dû décaler la date de notre mariage mais avons décidé de ne pas attendre cet automne. Ce mariage nous l’attendions si ardemment ! Nous avons convenu du 18 juillet mais je n’arrivais pas jusqu’à il y a quelques jours à me dire que cela allait être possible même en juillet… Je n’étais pas sereine, je commence seulement maintenant à me détendre un peu sur le sujet. Mon pauvre fiancé en a vu de toutes les couleurs ces dernière semaines et m’a connu vraiment en vérité, nous qui ne vivions pas ensemble avant le confinement, il a pu voir à quel point j’étais fatigante au quotidien ! » s’amuse-t-elle à nous raconter.
Sybille l’admet : « La distance imposée par le confinement, tout en nous permettant de continuer notre discernement personnel, nous a pesé à maintes reprises. Nous étions chacun dans nos familles. Cependant, la préparation spirituelle à notre mariage a pu continuer, en s’adaptant aux contraintes du virus. La préparation avec la paroisse a continué par Zoom, tous les couples étant très demandeurs et motivés. Nous avons également pu faire des Zoom avec le père qui nous accompagne au mariage. Alban et moi nous appelions régulièrement pour continuer notre préparation au mariage, à l’aide du carnet de route des fiancés : « Cap sur notre mariage ! ». Chacun répondait de son côté aux questions concernant le chapitre abordé, et nous en discutions après ensemble. »
“C’était très dur de supporter seule tous les conseils qui allaient à l’encontre de ce que nous, mariés, désirions.”
Alix a trouvé difficile de communiquer avec son fiancé pendant cette période : « Il n’était pas simplement difficile de s’appeler mais de parler surtout, de se comprendre. Nous vivions les choses tellement différemment, il n’était pas confiné étant à l’étranger, il n’avait que partiellement des informations, et pour lui, la présence de sa famille n’était pas indispensable à son mariage car ils ne sont pas très proches. À l’inverse, je suis très proche de ma famille. Tous les jours chez moi, les discussions à table tournaient autour de la pandémie et du mariage qui devait être reporté. C’était très dur de supporter seule tous les conseils qui allaient à l’encontre de ce que nous, mariés, désirions.”
« Le virus n’a pas atteint notre joie de nous marier ! »
« Cette situation a été difficile à vivre pour chacun de nous deux, avec des moments de doute et d’incertitude, exacerbés par la distance, mais je pense qu’elle a vraiment renforcé notre couple, explique Sybille. Cette incertitude quant aux conditions dans lesquelles pourra se dérouler notre mariage, nous a permis de nous recentrer sur l’essentiel de cet engagement : la beauté et l’importance du sacrement de mariage. Le reste nous apparaît plus dérisoire et nous a permis de relativiser tout le côté matériel présent. La cérémonie du mariage ne dure qu’un jour par rapport à toute la vie qui se déroule après cet engagement. Ce n’est que le début de l’aventure. L’envie que tout soit parfait et prévu dans les moindres détails risque de nous faire passer à côté de l’essentiel. C’est du moins ce que j’ai compris lors du confinement. L’inconnu reste encore les conditions dans lesquelles la messe pourra se dérouler, le nombre de personnes « limite » et les normes sanitaires à respecter. Notre entourage a été très compréhensif et nous a dit pouvoir s’adapter aussi aux conditions. Le virus n’a pas atteint notre joie de nous marier et celle de notre entourage non plus. »
Stéphanie en est sûre, sa joie sera décuplée quand viendra enfin le moment de dire oui à son fiancé : « Après toute cette attente, notre OUI n’en sera que plus beau et convaincu. Nous avons du revoir notre vision du jour J et finalement je réalise que ce n’est pas si grave et que j’aurais au moins les gens qui comptent le plus pour moi autour de moi, pas de mondanités, pas d’invitations contraintes. J’ai une bonne excuse pour n’inviter que les super copains ! » rajoute la jeune femme.
“Nous avons du rechercher au fond de nous ce que nous désirions vraiment.”
Alix, avec du recul, se rend compte que cette période a été très douloureuse mais qu’ils en sont ressortis tous les deux beaucoup plus forts : « Le choix de maintenir notre mariage le 4 juillet a sans doute été le plus dur que nous ayons eu à faire mais le plus beau aussi, à nos yeux. Le plus dur car il a remis en question deux ans et demi de fiançailles, nous avons du rechercher au fond de nous ce que nous désirions vraiment, ce que nous voulions, à quel point nous nous aimions. Nous nous sommes posés plus de questions que pendant notre préparation mariage : la préparation mariage était pour nous très théorique. Avec le confinement, et le prêtre qui nous accompagnait, ce sont des questions concrètes que nous nous sommes posées. Le plus beau parce que nous nous sommes rendus compte à quel point nous nous aimions, et je ne suis pas certaine que, sans ce confinement, nous aurions été aussi sûrs de nous, aussi sereins, confiants et heureux de nous engager devant Dieu. Nous sommes aujourd’hui débordant d’amour, d’espoir et de confiance. »
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