Hommage à un fantassin de l’Église, prêtre et serviteur fidèle, qui a traversé le siècle et la crise post-conciliaire en se posant beaucoup de questions. Ce 27 mai, il aurait fêté ses soixante-quinze ans de sacerdoce.
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Le 27 mai 1945, en l’église paroissiale, Saint-Martin-Saint-Blaise, de Chaudes-Aigues (Cantal) était ordonné prêtre par l’évêque de Saint-Flour, Mgr Pinson, Jacques Virolleau. Le jeune séminariste est né le 28 octobre 1921 à Paris de parents cantalous. Baptisé à Chaudes-Aigues, il suit des études à l’école Massillon à Paris, fait du scoutisme et découvre, entre autres, l’enseignement du père Doncœur. La catastrophe de 1940 est une épreuve. Entré au séminaire, il est ensuite au service du diocèse de Saint-Flour avant d’être “prêté” à celui de Paris en 1961 où il reste jusqu’en 1984. Revenu à Saint-Flour, il prend sa retraite à Mende en Lozère où ses neveux veillent sur lui. Il meurt dans son sommeil le 25 février 2020, à l’âge de 98 ans, alors qu’il espérait bien pouvoir célébrer ses 75 ans de sacerdoce ce 27 mai 2020. Les événements de ce printemps l’en aurait empêché. Ses funérailles, présidées par Mgr Grua, l’actuel évêque de Saint-Flour, ont été célébrées le 29 février en cette même église de Chaudes-Aigues.
“Qu’avons-nous raté ?”
Résumée aussi sommairement, avec la sécheresse d’une notice nécrologique, la vie du serviteur du Christ que fut Jacques Virolleau pourrait passer inaperçue. Sa longévité exceptionnelle en fait pourtant déjà une singularité : voilà un homme né dans l’ambiance de l’immédiat après-Première Guerre mondiale qui a traversé plus que le XXe siècle. Voilà un homme caractéristique de ces “hautes terres de chrétienté” que fut longtemps le Cantal, qui fut formé à la fois par les premiers développements de l’Action catholique, par le renouveau liturgique préconciliaire (Mgr Pinson, son évêque à Saint-Flour y était attentif) et qui a vécu la grande espérance que fut Vatican II avant d’observer les errements de l’ère post-conciliaire, l’effondrement de la pratique religieuse et l’entrée de la société française dans un monde qui n’est plus chrétien, pour reprendre la formule de l’historien Guillaume Cuchet. À la fin de sa vie où il me fut donné de le connaître (à partir de 2007), nombreuses ont été ses réflexions sur les causes de cette évolution et nombreux aussi ses doutes sur son action qui s’inscrivait dans celle de l’Église. “Qu’avons-nous, qu’ai-je raté ?”, se demandait-il…
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Fidèle serviteur de l’Église, admirateur sincère des papes de Pie XI à François, en passant par “Jean-Paul II le Grand”, comme il aimait à l’appeler et aussi “l’admirable et fin” Benoît XVI, le père Virolleau se demandait quelle part de responsabilité avaient les clercs dans l’effondrement si brutal de la pratique et des références chrétiennes. Et comment ne pas partager son trouble quand on pense à ce que pouvait être l’assistance nombreuse et l’ambiance de fête qui entouraient l’ordination du jeune prêtre le 27 mai 1945 dans une France enfin débarrassée de la guerre et à ce qu’était désormais la réalité de la présence ecclésiale dans le Cantal ? Partout des bâtiments religieux et scolaires voués à une autre destination, des paroisses regroupées et des presbytères vides. Et en même temps, ces témoignages pluriséculaires de la foi des chrétiens tout au long de l’histoire, ces églises romanes et ces cathédrales qui nous parlent d’un temps de ferveur.
Les sacrements et la formation
Cet exercice d’analyse historique, sociale et culturelle laissera ensuite place à la contemplation de l’autre face de cette vie : ce service sacerdotal. Directeur de l’enseignement religieux du Cantal, vicaire dans plusieurs paroisses, notamment à Paris, la mission, la seule mission même pourrait-on dire, fut celle d’être prêtre au service des chrétiens. Célébrer l’eucharistie, célébrer les sacrements — le mariage, le baptême, le pardon — être présent : telle a été la vie profonde et continue de notre ami. À la retraite, il venait à Paris où les mois d’hiver, la paroisse Notre-Dame de l’Assomption l’accueillait avec les pères Duloisy et de Menthière et rendait service en visitant les personnes âgées, en célébrant les messes et en confessant. Son souci était de rester un prêtre utile. Et dans son oratoire personnel, il célébrait quotidiennement l’eucharistie et l’offrait au monde à travers la partie qu’il lui en était donné de voir par sa fenêtre tournée vers la ville de Mende.
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Fort de la formation reçue au séminaire et de sa vaste culture littéraire qui, de Péguy à Claudel, faisait vibrer en lui une fibre poétique contemporaine, à l’aise dans une histoire de la philosophie qui assurait l’articulation entre le thomisme revisité des années 1930 et l’inépuisable héritage augustinien, sans oublier les effets du cartésianisme, le père Jacques Virolleau représentait l’alliance réussie de la culture chrétienne et de la culture profane, de l’apport biblique avec le socle gréco-romain. Là aussi ce monde s’en est allé et c’est une révolution culturelle à laquelle nous avons assisté sans la mesurer.
Ce clergé fidèle qui a pris le Christ au sérieux
Pourquoi évoquer un prêtre, connu par beaucoup, comme c’est le cas de tant de nos prêtres, mais inconnu de beaucoup aussi ? Le père Virolleau ne fut ni un auteur, ni une figure médiatique. Il représente l’infanterie de l’Église : ce clergé séculier sans lequel le peuple chrétien ne peut vivre, ces hommes qui ont choisi de suivre le Christ et de prendre au sérieux, le temps de leur vie, l’image du serviteur fidèle. Sans cette troupe aussi discrète qu’indispensable, que serions-nous ?
Par gratitude, par amitié et par reconnaissance, je voulais, en ce soixante-quinzième anniversaire de son ordination, rendre témoignage pour lui auprès des lecteurs d’Aleteia. Car les prêtres que Dieu nous donne doivent être célébrés : non dans une soumission cléricale, mais pour que notre corps ecclésial soit équilibré et fidèle et que de nos églises montent une prière fervente et unie. Reposez en paix auprès du Dieu que vous avez aimé et servi, père Virolleau !
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