Alors que le 11 mai marque le début du déconfinement en France, Frédéric Gautier, directeur du Collège Stanislas, revient pour Aleteia sur la manière dont son établissement, tout particulièrement les élèves et les enseignements, traverse cette période difficile.
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Ils ont dû trouver une nouvelle manière d’enseigner pour les uns, d’apprendre pour les autres. L’établissement scolaire Stanislas, qui compte 3.660 élèves, 240 professeurs et 150 salariés, s’est transformé du jour au lendemain. Frédéric Gautier, directeur de Stanislas, est resté vivre avec une quarantaine d’autres salariés au sein de l’établissement. Il revient pour Aleteia sur la manière dont l’établissement s’est adapté. Évolution de la relation entre les élèves et les enseignants, qualité des échanges au sein du corps éducatif, enjeu de la continuité pédagogique et pastorale… “Cette distanciation sociale transforme les codes sociaux et dans une situation de tension, de détresse, de difficulté ou de solidarité et de soutien mutuel, nous sommes paradoxalement plus proches les uns des autres”, assure-t-il.
Aleteia : Quelle est la vie à Stan aujourd’hui ?
Frédéric Gautier : Quand la période de confinement a démarré, l’établissement s’est presque totalement vidé. Nous avions l’espoir de pouvoir permettre aux internes de rester mais cela n’a pas été possible compte tenu des règles sanitaires. Dans cette épreuve, nous avons eu la chance de pouvoir conserver les cadres qui vivaient déjà dans l’établissement : les aumôniers, le directeur des classes préparatoires, son épouse et ses enfants, le responsable du lycée, l’intendant et sa famille, le maître d’internat et sa famille, quelques surveillants d’internat, auxquels se sont joints d’autres cadres qui ont choisi de se confiner dans Stan pour continuer de travailler. Au total, nous sommes une quarantaine, enfants compris, à être restés à Stan. Et notre quotidien est bien rempli ! Mgr Benoist de Sinety, vicaire général de Paris, qui est aussi membre de la Fondation Stanislas pour l’Éducation, nous a demandé que l’établissement soit l’une des plateformes logistiques pour la distribution des paniers-repas pour les sans-abris à Paris. Nous avons commencé à 250 paniers-repas jour et aujourd’hui nous en sommes à 1400. Une belle manière de vivre nous-mêmes le sens du service de la Cité, auquel nous invitons nos élèves tout au long de l’année.
Comment vous organisez-vous ?
Nous avons un groupe WhatsApp, « Les confinés de Stan », sur lequel notre intendant énumère la veille pour le lendemain le nombre de repas nécessaires par paroisse. Les produits sont ensuite livrés par les canaux habituels et des membres de l’intendance qui vivent également à Stan s’occupent de les réceptionner et les stocker dans nos chambres froides. Ensuite, chacun vient donner un coup de main, dans le respect des règles sanitaires bien sûr. Nous étalons tout sur des tables dans la salle de restauration et nous constituons les paniers qui vont être distribués. Nous avons ainsi le sentiment d’être un maillon modeste d’une belle chaîne de solidarité. Ensuite, vers 11h30, les voitures des bénévoles du diocèse de Paris et des différentes paroisses viennent chercher les paniers que nous installons avec des affiches correspondant à chaque paroisse. Par ailleurs, nous accueillons également une petite dizaine d’enfants de soignants.
Au niveau pédagogique, comment Stan répond-il à sa mission d’éducation et de formation pendant la période de confinement ?
Depuis deux ans nous réfléchissions à une infrastructure informatique beaucoup plus solide et fiable que celle que avions et nous l’avons mise en place. Mais si nous avions déployé ses potentialités administratives et de gestion, nous ne l’avions pas encore fait pour les activités pédagogiques. C’est désormais chose faite. Avant le confinement, nous avons organisé un ‘amphi’ de formation avec nos informaticiens afin de permettre à chacun de se former. Après les tâtonnements inévitables de la première semaine, les choses se sont mises en place de façon efficace, grâce à la qualité de l’engagement des professeurs, à l’accompagnement des préfets des études et à l’intérêt des élèves pour cette nouvelle modalité de la relation pédagogique.
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Au-delà de l’outil informatique, y a-t-il un encadrement humain supplémentaire ?
Bien sûr ! Les préfets des études (trois par niveau, un niveau comptant 330 élèves, ndlr) continuent d’assurer leur mission d’accompagnement : ils connaissent et accompagnent leurs élèves afin de leur donner des conseils pédagogiques, d’assurer un soutien moral, de faire le lien avec le professeur principal… Ils créent des ponts entre les professeurs, les parents et les élèves et vérifient que les connexions se passent bien, que le moral est bon et que les cours sont bien intégrés. Pour conserver aussi un lien professionnel et amical avec les professeurs et les personnels, nous avons créé une infolettre « Stan hors les murs » qui relate la vie de l’établissement, donne les informations rectorales, sociales, administratives et laisse aussi un peu de place à la détente à travers quelques vidéos un peu « exotiques » auxquelles les élèves répondent par d’autres vidéos avec beaucoup d’humour et d’esprit.
“La dimension fraternelle gagne ce que perdent les conventions sociales”.
Comment réagissent vos professeurs ?
Ils font un travail admirable. Cette situation a complètement changé la nature de la relation pédagogique. L’âme de l’éducation, c’est la relation. Malgré le confinement ils ont réussi à la maintenir sous une forme nouvelle. Par écran interposé, certes, mais quand même ! La Directrice du primaire, les Censeurs Directeurs (responsables des cycles collège, lycée et classes préparatoires, ndlr) sont en lien avec les professeurs et échangent avec eux sur les difficultés rencontrées par mail ou par téléphone. J’ai l’impression que, paradoxalement, cette fameuse « distanciation sociale » au sens de l’absence d’une relation physique, simplifie la relation. Il y a certes une distanciation physique mais aussi une vraie proximité spirituelle. Je découvre moi-même que dans mes mails aux enseignants ou aux cadres, je suis parfois plus direct et spontané dans l’expression de mes sentiments. Un peu comme si au fur et à mesure que le côté social décroissait, une relation plus personnelle se développait. Cette distanciation sociale transforme les codes sociaux et dans une situation de tension, de détresse et de difficulté, en ayant davantage besoin les uns des autres, nous nous sentons sans doute plus proches. En résumé, la dimension fraternelle gagne en spontanéité ce que perdent en mondanités les conventions sociales.
Et vos élèves ?
Je les trouve courageux ! Mais nos les élèves le disent : rien ne remplace la relation pédagogique dans la classe. Le premier enseignement de ce confinement est que les élèves et les parents redécouvrent le lien précieux du professeur présent dans ce lieu matriciel qu’est la classe. Il y a une dimension irremplaçable de la relation professeur-élève qui se vit in situ. Ce qui jusqu’à présent pouvait être vécu comme une contrainte est désormais ce à quoi les élèves aspirent. On retrouve le rôle précieux et irremplaçable des enseignants comme pédagogues… Chacun redécouvre combien la relation pédagogique incarnée dans la classe est précieuse.
Comment assurez-vous la continuité spirituelle ?
Dès le début l’abbé Olivier Scache, aumônier général de Stanislas, a tenu à poursuivre l’enseignement spirituel et les catéchèses à travers des courriers, des textes de prière, des méditations…Il a également mis en place le réseau de prière Frassati afin que chacun puisse partager ses intentions de prière. Un cierge brûle en permanence dans l’une des chapelles de Stan pour toutes les intentions de notre Collège, heureuses ou douloureuses.
Un mot pour conclure ?
Une formule de Ben Sirac le Sage : « C’est dans l’épreuve que l’on fait ses preuves ». Je suis admiratif de la façon dont les adultes et les élèves de Stan ont relevé avec panache le défi de cette épreuve.
En partenariat avec le Collège Stanislas Paris