Afin de défendre sa ville des horreurs de la guerre sino-japonaise, le père Jacquinot va déployer des trésors de diplomatie et obtenir la création d’une zone neutre démilitarisée. Parti pour évangéliser, ce missionnaire trouvera le sens profond de sa vocation dans la défense des populations civiles chinoises.
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Août 1937, Shanghai est sous les bombes. Le Japon a enfin trouvé un prétexte pour envahir son voisin chinois et faire avancer ses prétentions impérialistes sur le continent asiatique. L’armée japonaise procède au pilonnage en règle des positions du chef du gouvernement chinois, le général Tchang Kaï-chek qui lui répond en envoyant ses armées. La ville portuaire compte à l’époque plus de 3 millions d’habitants, et c’est malheureusement là que pendant plus de trois mois, les deux belligérants vont s’affronter. Les conséquences, on l’imagine aisément, sont désastreuses et laisse déjà présager l’horreur des bombardements de masse de la Seconde Guerre mondiale. Les civils meurent par milliers et sont souvent pris pour cible par les Japonais, ou tués par mégarde par les troupes nationalistes chinoises.
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Dans ce contexte terrible, une personne va alors avoir une idée lumineuse, et cet homme est un missionnaire français du nom de Robert Jacquinot de Besange. Né en 1878 à Saintes, ce prêtre fait partie de la tradition missionnaire jésuite en Chine, celle qui remonte au grand Matteo Ricci. Pendant sa jeunesse, un terrible accident de chimie lui avait fait perdre un bras, ce qui lui vaudra le surnom de “prêtre à un bras” pendant toute sa vie. Entré dans un séminaire jésuite en Angleterre et ordonné prêtre à la fin du XIXe siècle, il est envoyé à Shanghai pour servir dans une mission portugaise locale en 1913. Là, il aide la population et participe notamment à la formation spirituelle, mais aussi scientifique des chrétiens et missionnaires chinois. Quand il voit éclater le conflit, le second à Shanghai depuis les incidents de 1932 entre la Chine et le Japon, le prêtre est très inquiet des conséquences que pourraient avoir un tel conflit sur la population. Il réussit à imposer dès le début du conflit une trêve de quatre heures pour évacuer les nombreux civils pris entre deux feux.
S’appuyant sur les puissances occidentales, très présentes à Shanghaï du fait des concessions portuaires instaurées depuis des années dans le port, il demande alors la création d’une zone de sécurité que les deux parties adverses s’engagent à ne pas bombarder ou pénétrer. Immédiatement, on la surnomme “Zone Jacquinot”. Le prêtre ne le sait pas, mais il vient d’inventer le principe du couloir humanitaire, une zone dans laquelle peuvent être évacués les civils dans un conflit. La zone Jacquinot sera maintenue pendant trois ans, mais surtout, elle fera des émules. À Nankin, l’industriel allemand John Rabe met en place une convention identique dès 1937. À Hankou, Zhangzhou et Shenzen, on prend aussi exemple sur le Jésuite.
De Shanghai à Berlin
Le Français est évacué en 1940, quand le Japon s’installe et met en danger la présence des occidentaux en Chine. On le retrouve cependant en 1946… à Berlin ! Là encore, dans une ville en ruine, il est chargé d’organiser l’aide aux réfugiés et personnes déplacées. Il s’éteint dans la capitale allemande le 10 septembre 1946. Mais son nom restera dans l’Histoire, puisqu’il fait partie des grands inspirateurs de la Convention de Genève de 1949, qui met en place un droit international humanitaire pour garantir la sécurité des blessés, civils et secours en cas de conflits. Et aujourd’hui encore, son invention, celle du couloir humanitaire, continue à sauver des milliers de vies chaque année.
En 2019, un documentaire nommé Le Samaritain de Shanghai, réalisé par Sébastien Cassen, a rendu hommage à l’action du père jésuite, rappelant combien le prêtre est encore vu aujourd’hui comme un héros par les Chinois.
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