Alors que la France est en pleine pandémie de coronavirus et que le nombre de décès ne faiblit pas, la baisse significative des obsèques à l’église au mois de mars, par peur ou méconnaissance des règles sanitaires, a suscité une légitime inquiétude chez les catholiques. Mais la tendance s’inverse aujourd’hui, le besoin spirituel est immense, comme le constate le père Thierry Magnin, de la Conférence des évêques de France, contacté par Aleteia.
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C’est notamment par le biais du numéro vert d’écoute (0806 700 772) mis en place par la Conférence des évêques de France (CEF) et la Conférence des religieux et religieuses de France (COREF), que la problématique est remontée dès la mi-mars : par peur, méconnaissance ou manque de temps, de nombreux défunts du coronavirus n’ont pu bénéficier d’obsèques chrétiennes, laissant les familles dans un grand désarroi, et les prêtres inquiets.
Tout au long du mois de mars, de nombreux prêtres l’ont constaté, ils n’ont pas ou peu été sollicité pour des obsèques, alors que, même hors coronavirus, cela fait partie de leur quotidien. Un constat qui a suscité inquiétude et tristesse pour ces prêtres, dévoués à leurs paroissiens. Des situations parfois difficiles comme le témoigne un curé de Lyon, apprenant presque par hasard, la mort et mise en terre d’un de ses paroissiens, avec comme seule présence, l’employé des pompes funèbres.
Quel accompagnement ensuite pour ces familles endeuillées, privées des rites de funérailles pour amorcer leurs deuils ? Des problématiques qui ne seront pas sans conséquences à l’avenir, ce dont l’Église a tout à fait conscience. Le père Thierry Magnin, le secrétaire général de la Conférence des Évêques de France (CEF), revient sur la situation pour Aleteia.
Aleteia : Depuis le début de la pandémie en France, avez-vous constaté une hausse ou une baisse des obsèques religieuses ?
Père Thierry Magnin: À partir de la mi-mars, nous avons eu beaucoup de remarques négatives et de problématiques qui remontaient d’un peu partout en France, notamment via le numéro vert lancé pour répondre au questions sur les morts du Covid. Concernant les obsèques, c’est vrai, nous avons constaté début mars une baisse très importante du nombre d’enterrements, alors qu’il y a eu une hausse des décès.
Comment expliquez-vous cela ?
D’un endroit à l’autre, c’est très inégal, il y a des endroits où cela se passe très bien, avec dialogue et compréhension, d’autres où c’est plus problématique. Certaines entreprises de pompes funèbres souhaitent aller vite, souvent par souci de sécurité sanitaire, et proposent aux familles d’aller directement au cimetière ou au crematorium. Conscients de ces problématiques, conjointement, la CEF, les services funéraires des diocèses, et l’État, avons pu contacter les grands entreprises des pompes funèbres pour leur rappeler que, oui, il est tout à fait possible (et sécurisé) d’organiser des obsèques à l’église en temps de coronavirus. Pour cela, nous communiquons sans relâche et rappelons à tous les règles sanitaires mises en place : pas plus de 20 personnes dans l’église, toutes assises à 1 mètre ou 1,5 mètre d’écart, et pas de messe, mais le rite de funérailles habituel.
Pensez-vous que le message soit passé ?
Les chiffres d’enterrement reviennent “à la normale”, si j’ose dire, donc oui, il y a une amélioration depuis une quinzaine de jours. D’ailleurs, nous constatons moins d’insatisfaction ou de retour négatif sur nos lignes dédiées. Je pense que le message est passé, nous avons vu des améliorations mais restons vigilants.
C’est une question de santé publique, car un deuil mal vécu peut engendrer de grandes souffrances à venir.
Vous dites que l’État est conscient de cette problématique ?
Pas plus tard que ce matin, j’avais en ligne un conseiller du ministre très conscient des problématiques rencontrées sur le terrain ! Comme le président de la République nous l’a demandé le 16 mars dernier, en recevant les représentants des cultes, il compte sur nous pour soutenir les gens et les familles endeuillées. Et je constate de la part de l’État une vraie prise de conscience de la nécessité de bien accompagner les gens dans leur deuil, c’est même une question de santé publique, car un deuil mal vécu peut engendrer de grandes souffrances à venir.
Et concernant la mort à l’hôpital, quels sont les retours que vous avez ?
Grâce à nos aumôneries sur place, nous avons pu aussi rappeler à quel point la présence de l’aumônier était importante auprès des défunts. Permettre que l’aumônier, et si possible avec un membre de la famille, puisse venir bénir le corps avant sa mise en bière, même si c’est derrière une vitre, c’est indispensable pour pouvoir dire un dernier adieu. Cela console aussi les familles de savoir que le défunt a reçu une dernière bénédiction. Dans l’ensemble, nous constatons que les équipes sont très à l’écoute, et laissent venir les aumôniers. Là encore, si cela dépend d’un hôpital à l’autre, il ne faut pas y voir de la mauvaise volonté du personnel, parfois c’est juste trop compliqué, mais tous font au mieux. Nos services y veillent, nous sommes là pour soutenir nos aumôniers dans leurs démarches. (Dans son allocation du 13 avril, le président de la République a demandé aux hôpitaux de s’organiser pour permettre “la visite aux malades en fin de vie afin de pouvoir leur dire adieu”, NDLR.)
Et comment soutenez-vous les familles endeuillées ?
Outre l’accompagnement du défunt, l’autre enjeu de cette crise est effectivement de bien d’accompagner les familles en deuil. Nous constatons beaucoup de souffrance et le poids de la culpabilité chez de nombreux proches qui se demandent : “et si c’est moi qui ai transmis à ma grand-mère le coronavirus ? Suis-je responsable de la mort de mon père ?” Ce sont des douleurs terribles qu’il faut écouter et accompagner, sinon elles seront enfouies et très lourdes à porter. L’Église apporte une vraie réponse, nous avons des équipes formées et attentives dans tous les diocèses. Et le constat est très clair : il y a une très forte attente spirituelle.
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