C’est le paradoxe antisocial du confinement : protéger autrui en rompant les contacts. L’épreuve nous oblige à réapprendre le prix de nos relations et le sens du prochain.
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En ce premier janvier 2020, personne ne pouvait imaginer que trois mois plus tard, plus de trois milliards de personnes vivraient confinées dans le monde entier, soit 43 % de la population mondiale, avec des centaines de milliers de personnes atteintes du coronavirus, des dizaines de milliers de morts et des conséquences économiques désastreuses. Notre arrogance technicienne est mise à l’épreuve, nous découvrons que les progrès scientifiques se sont révélés largement impuissants devant la progression contagieuse. Hors des hôpitaux, nous sommes renvoyés à des gestes-barrières, à un confinement, qui sont de bien humbles réactions devant un tel fléau !
La vie humaine, une valeur inconditionnelle
Un ennemi commun nous oblige à rompre avec notre vision habituelle : nous découvrons la valeur inconditionnelle des personnes. En situation de crise, la priorité est donnée à la vie humaine plutôt qu’à la vie économique : tout est mis en œuvre pour protéger les personnes, les soigner, les sauver, quoi qu’il en coûte. Toute vie humaine est digne, et elle mérite de notre part à tous un service inconditionnel. Nous prenons conscience que les plus fragiles sont prioritaires et qu’ils bénéficient d’un accompagnement remarquable grâce à ceux qui nuit et jour sont au front : les soignants. Réveil salutaire qui rétablit une juste hiérarchie des valeurs au profit de la vie des personnes, et non des biens matériels même légitimes. Oui, certains services sont plus vitaux que d’autres !
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Le confinement : une solidarité paradoxale
Le confinement est l’attitude la plus communément adoptée pour enrayer la contagion. Cette distance imposée est pourtant contre-nature : au lieu de nous porter vers les personnes qui en ont besoin, le mieux que nous pouvons leur offrir est précisément d’imposer une distance physique. Certes, nous compensons par les appels téléphoniques, et les “apéroskypes !”, mais il faut renoncer à la joie de leur présence, au contact physique, aux manifestations affectueuses. La proximité des corps devient une menace systématique, ce qui est une vraie révolution dans nos mœurs sociales.
Cette frustration est une épreuve qu’aucune autre relation ne peut totalement compenser. Elle nous oblige à réévaluer l’importance de la proximité des corps, à travers laquelle nous percevons l’autre dans son existence ineffable. Renoncer aux contacts physiques, affectueux, ou tout simplement civils peut nous conduire à redécouvrir la puissance de l’intention et des signes à distance. Et charger nos attitudes, nos paroles, notre sourire de réduire la distance imposée.
Espace restreint, espace vital
Nous devons également réapprendre la proximité avec nos proches. Dans un espace exigu, la difficulté est double : préserver des moments d’intimité, sommet de la relation, et éviter la promiscuité, saturation de la présence de l’autre. Introduire des distances dans un lieu confiné peut constituer un défi majeur, surtout si la clôture sonore et visuelle est difficile, si l’on est obligé de subir le raffut des autres. Respirer est pourtant vital en se réservant des moments avec soi-même. Outre la promenade et l’exercice physique, la lecture, la méditation, la musique, la création artistique accomplissent alors les voyages de l’âme aux confins du monde. Et les temps de conversation, où chacun rapporte ce qu’il vit, deviennent de fructueux échanges, des moments de fête.
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L’aventure ? Une crise acceptée
“La crise, c’est une aventure que l’on refuse, l’aventure, c’est une crise que l’on accepte”. Cette remarque du médecin explorateur Bertrand Piccard me paraît lumineuse pour définir la toute première attitude d’un confinement réussi. Et si nous faisions du confinement une chance pour explorer d’autres univers ? Derrière la crise réside toujours un horizon à conquérir, une promesse cachée à découvrir. Changer de registre plutôt que reproduire des habitudes inadaptées à notre nouvelle situation. Accepter le changement inattendu de nos vies, l’insuffisance de nos divertissements, oser croire qu’une fenêtre peut s’ouvrir dans un futur incertain… Se montrer curieux plutôt que craintif, savourer le présent pour une fois moins chargé, accepter le temps long, interroger l’essentiel de notre vie avec un livre, un travail d’écriture, un dialogue avec soi-même, un coaching, reformuler notre désir plutôt que subir l’emprise de la nécessité. Telle peut être pour nous tous la promesse cachée de notre confinement obligé.