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La signification du lavement des pieds, Jésus l’a révélée par ses paroles et par ses gestes. Il dit à Pierre : "Ce que je fais, tu le comprendras plus tard. Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi. Si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns les autres. Je vous ai donné l’exemple, pour que vous agissiez comme j’ai agi envers vous. Heureux serez-vous si vous le faites" (Jn 13, 7-17). Le Christ nous demande donc de nous mettre au service les uns des autres. Mais ce qu’il veut faire passer se réduit-il à une consigne de charité mutuelle ? Il y a dans la pensée catholique, depuis quelques temps, un malentendu autour de la notion de charité. Disons plutôt "dans la pensée de beaucoup de catholiques", car la théologie catholique est demeurée, bien sûr, dans la vérité. Le mot "charité" en est venu à désigner l’amour pour nos frères et sœurs.
La liturgie du Jeudi saint que les chrétiens vont vivre, cette année, sans pouvoir participer à une messe solennelle, met en relation le geste du Christ qui lave les pieds à ses disciples avec l’institution de l’Eucharistie. Pendant le lavement des pieds, les moines de mon monastère chanteront : Ubi caritas est vera, Deus ibi est - "Là où est Dieu, là est la charité". De quelle charité s’agit-il ? De l’amour de Dieu ou de l’amour fraternel ? Fausse alternative, car il n’y a qu’un amour, celui que les trois Personnes divines échangent entre elles, que le sacrement de l’Eucharistie nous communique et qui se répand ensuite entre nous. Benoît XVI utilisait volontiers, pour parler de l’Eucharistie, cette belle formule traditionnelle : sacramentum caritatis, le sacrement de l’amour.
Sous les apparences…
Quels points communs et quelle différence devons-nous reconnaître entre ce qui s’est déroulé au Cénacle, Jésus lavant les pieds de ses disciples, et ce qui se déroule habituellement pendant la liturgie du Jeudi saint ? Il s’agit du même geste ; ceux qui acceptent de se laisser laver les pieds sont des disciples du Maître ; ils ont besoin d’être purifiés : donc, pas de changement sur ces points. Le Christ n’est plus présent physiquement, ce n’est plus lui qui lave les pieds, mais un ministre qui le fait à sa place. Peut-on donc se passer de lui et suffit-il de se comporter entre nous comme il nous l’a demandé ? En réalité, il continue à agir, bien que les apparences soient différentes.
Creusons encore un peu. Quand le Christ a déclaré aux disciples, au cours du dernier repas : "Il est bon pour vous que je m’en aille", que voulait-il exprimer ? Il a lié son départ à l’envoi de l’Esprit saint : "Si je pars, je vous l’enverrai" (Jn 16, 7). Les disciples avaient vécu trois ans avec le Christ qui leur avait enseigné les voies du salut et avait arbitré leurs querelles. Après l’Ascension, ils devront s’affronter sur bien des questions avant de déclarer : "L’Esprit et nous avons décidé de…" (Ac 15, 28). Pourtant l’Esprit n’avait rien dit de clair sur les questions débattues. Serait-ce que Jésus, par son Esprit, demeure invisiblement présent au milieu d’eux, non sans leur confier une responsabilité sur la communauté des croyants, responsabilité qu’ils n’avaient pas quand Jésus vivait visiblement avec eux ?
"Faites ceci en mémoire de moi"
Après avoir donné à ses disciples son Corps et son Sang, le Christ leur a demandé de renouveler cet acte : "Faites ceci en mémoire de moi". Chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, le Christ nous communique ce qu’il nous a obtenu autrefois par sa Passion, sa mort et sa Résurrection. Celui qui le reçoit avec foi et un cœur disponible pourra dire, comme saint Paul : "Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi" (Ga 2, 20). De même, après avoir lavé les pieds de ses disciples, Jésus leur a demandé de renouveler ce geste. Il leur a confié le soin de se purifier mutuellement en son nom. Dieu seul a la puissance de pardonner et de purifier, et celui qui n’est pas pur ne peut avoir de part avec Jésus. Aujourd’hui encore, avant d’accéder à l’Eucharistie, nous avons besoin d’être purifiés. Le rite du lavement des pieds nous est donné comme un signe : nos frères, agissant au nom de Jésus, peuvent devenir l’instrument de notre purification, soit que nous recevions par leur ministère le sacrement de la réconciliation, soit dans nos rapports mutuels : en famille, dans la communauté monastique, partout où l’on s’efforce de vivre selon l’Évangile.
N’ayons pas peur
Nos rapports mutuels ont quelque chose de décapant, et plus encore quand notre espace de vie est réduit. Le rite du lavement des pieds pourrait placer, exceptionnellement, ce décapage inévitable et souvent bienfaisant sous le signe du Seigneur. Il nous faut accepter de nos proches qu’ils nous purifient, comme chez Pierre, mais quelque chose en nous résiste. Il ne s’agit pas de se purifier mutuellement, en nous armant de notre seule bonne volonté ! Il s’agit de faire ce que Jésus lui-même a fait et nous a demandé de faire. Alors allons-y, n’ayons pas peur et faisons lui confiance ! Ne doutez pas que les moines se trouvent proches, par leur prière et leur service liturgique, de ceux qui en sont privés.