L’un des grands renversements opérés par la Modernité, c’est que la religion fut reléguée au rang des vérités relatives quand la science était érigée au rang des vérités absolues.
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L’épidémie de coronavirus met davantage en lumière le rôle des grandes institutions qui influent sur notre vision du monde et de l’histoire, notamment la science, la politique et la religion. Face à cette crise sanitaire, la science — plus particulièrement la médecine — est à l’honneur. Le pouvoir politique appuie la légitimité de ses décisions sur les “sociétés savantes”, renforçant ainsi encore l’autorité de la science. Ici se présente un écueil : le possible affaiblissement du politique au profit de l’expertise.
La science ne peut pas tout
S’il est nécessaire que le politique s’appuie sur l’expertise, c’est bien à lui cependant que revient la responsabilité finale des décisions stratégiques majeures pour conjurer l’épidémie, tout en assurant autant que possible la continuité des activités dites essentielles, avec les risques que cela comporte. Le politique peut d’autant moins se retrancher exclusivement derrière la science que les expertises elles-mêmes ne sont pas toujours unanimes. La crise sanitaire vient rappeler deux vérités parfois oubliées : premièrement, la science n’est pas exclusivement le domaine de la preuve irréfragable ; deuxièmement la science ne peut pas tout.
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Il apparaît en effet plus clairement aujourd’hui que la science, même portée au plus haut niveau de sophistication et de performance, demeure un lieu où se déploient des certitudes, mais aussi le doute, l’hypothèse, la théorie, l’expérimentation tâtonnante, l’affirmation puis la négation, le revirement ; et même parfois une certaine forme de croyances… Et il apparaît que la nature, dans ses énigmes les plus impénétrables, résiste toujours à la volonté de maîtrise totale de la science et de la technique.
Le silence de la religion, plus ou moins imposé ?
Il faut considérer l’histoire pour comprendre ce que cela signifie. L’homme religieux de jadis attribuait aux grandes vérités métaphysiques le caractère de l’absolu et aux vérités naturelles le caractère du relatif, voire du contingent. L’un des grands renversements opérés par la Modernité, c’est que la religion fut reléguée au rang des vérités relatives — voire dans la catégorie des superstitions inutiles — quand la science était érigée au rang des vérités absolues. Un certain scientisme entendait substituer la science à la religion comme source de vérité absolue.
Demeure la dimension prophétique de l’Église qui proclame que Dieu est le maître de l’histoire et que l’homme doit revenir à Dieu dans les tribulations.
Dans la crise actuelle, nous voyons que la religion ne prétend entrer en concurrence, ni avec la science ni avec le politique. Elle accepte même à contrecœur l’idée que la religion soit exclue des activités jugées essentielles à maintenir pendant le confinement. Cela eut été impensable pour l’homme religieux face aux grandes pestes d’antan, quand l’Église soignait à la fois les âmes et les corps dans ses hospices.
L’Église : une mission prophétique
Aujourd’hui, la religion joue la partition qui lui reste ; et elle n’est pas négligeable : promouvoir la charité concrète et donner un sens métaphysique, voire eschatologique et apocalyptique, aux événements de l’histoire. Certes, on n’entend plus — ou alors rarement — les sermons d’hier sur le châtiment divin en raison du péché de l’homme. Cependant, demeure la dimension prophétique de l’Église qui proclame que Dieu est le maître de l’histoire et que l’homme doit revenir à Dieu dans les tribulations.
Vendredi 27 mars, la bénédiction du monde et de l’humanité par le pape François, ostensoire brandi vers le ciel, sa prière et ses paroles, portent bien cette signification profonde du rapport du religieux à l’histoire : d’une part la supplication faite à Dieu d’épargner les hommes ; d’autre part l’appel pressant à l’humanité de retrouver ce Dieu trop longtemps oublié.
Chronique publiée en partenariat avec Radio Espérance, 1er avril 2020.