À l’occasion de la journée mondiale de la trisomie 21, Aleteia vous propose de découvrir le témoignage d’Agnès de Chasseval, maman de deux jumelles porteuses de trisomie, arrivées dans la famille de façon complètement inattendue. Sixtine et Ombeline ont sacrément bouleversé la vie de leur famille. Agnès de Chasseval, 48 ans, était déjà mère de cinq enfants quand elle a donné naissance, il y a cinq ans et demi, à deux jumelles… toutes deux porteuses de trisomie 21. “Je ne m’attendais pas du tout à avoir encore des enfants. Cela a été une naissance surprise sur tous les plans”, confie-t-elle à Aleteia, évoquant un “scoop incroyable”. Durant sa grossesse, suivie de très près, les médecins constatent des anomalies cardiaques, mais elle refuse l’amniocentèse, qui présente des risques pour les enfants qu’elle porte. Suspectant une trisomie 21, le corps médical lui propose régulièrement de mettre fin à sa grossesse, mais pour elle, c’est niet. “Quel que soit le pronostic, cela ne changeait rien pour nous. Nous étions prêts à les accueillir quelles que soient les circonstances”. Un choix singulier. En France, avec le test de dépistage prénatal proposé de manière systématique à toutes les femmes quel que soit leur âge, 96% des fœtus suspectés de trisomique sont avortés.
Un arc-en-ciel qui a du poids
Pendant cette grossesse, Agnès et Jean, son mari, passent par des humeurs très changeantes mais reçoivent aussi plusieurs signes encourageants. Parmi eux, un arc-en-ciel double qu’Agnès aperçoit en rentrant d’une échographie difficile. “J’étais triste et j’ai vu cet énorme arc-en-ciel, très vif et double, qui enjambait littéralement notre jardin”. Pour elle, le signe est clair : le Ciel est bien là, à leurs côtés.
À la naissance, le diagnostic se confirme : les deux fillettes sont bien porteuses de trisomie 21. Cette réalité déconcerte leurs frères et sœurs aînés. “Pour eux c’était terrible. Leur réaction était : “On ne pourra pas leur parler, on ne pourra pas partir en vacances, elle ne pourront pas comprendre“. Il y avait aussi la peur qu’elles ne soient pas jolies, la crainte d’être marginalisés et que le rythme familial soit bouleversé”. Et pourtant, Sixtine et Ombeline conquièrent la fratrie. Agnès évoque ce grand frère qui, en rentrant de pension le week-end, se précipite vers ses petites sœurs avant même d’aller embrasser ses parents. “Elles fédèrent la fratrie. Ils s’en occupent tous à leur manière avec plus ou moins d’adresse, les obligeant parfois à aller plus vite, et cela les aide énormément. Elles sont obligées de s’adapter à des attentes, à des ras-le-bol, à des langages différents”. Chacune a bien sûr ses particularités. Sixtine, ultra-sensible, danse et sourit beaucoup, et adore sauter sur le trampoline. Ombeline, elle, développe une empathie énorme et sait réconforter en un rien de temps. Elle est très gourmande… au point de manger les croquettes du chat.
“Il faut les coacher tout le temps et c’est une vigilance de chaque instant. Mais on peut trouver un équilibre et un bonheur avec cette fragilité.”
Avec Sixtine et Ombeline, l’un des maîtres-mots est le temps. “Tout est très lent. Faire dix minutes de marche, pour elles, c’est compliqué. Tout est compté. Un trajet qui devrait durer cinq minutes en dure trente. Elles ne sont pas autonomes pour manger. Pour l’habillage, quand je demande à l’une de mettre son pied dans la jambe du pantalon, elle le fait, mais cela prend 20 secondes. Et 20 secondes, c’est hyper long !”, s’exclame Agnès. “Il faut les coacher tout le temps et c’est une vigilance de chaque instant. Mais on peut trouver un équilibre et un bonheur avec cette fragilité”.
Agnès reconnaît que ses filles l’aident à devenir meilleure. “Elles nous éduquent dans toutes les dimensions de notre être. Physiquement, elles mobilisent notre corps : il faut les stimuler car elles sont hypotoniques, leur faire des massages, des exercices de psychomotricité. Émotionnellement, elles sont comme des éponges et il faut apprendre à gérer cela, ainsi que les émotions des aînés, et prendre soi-même de la distance. Intellectuellement, nous essayons de comprendre leur fonctionnement qui est si particulier. Et il y a la dimension spirituelle. Lorsque l’on reçoit des enfants à particularité, hors normes, quelle que soit la différence, on est poussé à s’abandonner. C’est vraiment un appel à se laisser faire par le Seigneur et à lui faire confiance. Nous sommes souvent dans la maîtrise et nous voulons faire beaucoup de choses. Le grand secret, c’est de se laisser faire et tout devient un cadeau”.
Elle utilise volontiers la métaphore du bateau. Certains optent pour le bateau à moteur, mettent les pleins gaz et avancent droit vers le cap. Avec leurs filles, Agnès et Jean ont choisi de voguer en voilier, ne sachant pas à quel rythme ils avanceront ni où ils iront, mais en restant en symbiose avec la création, sans gâchis d’énergie. En d’autres mots, Sixtine et Ombeline les invitent à vivre une écologie du cœur.
“Elles voient vraiment avec les yeux du cœur, elles sont joyeuses, aimantes et rassemblent beaucoup de gens. Elles mobilisent la gentillesse. Elles sont très démonstratives et me reboostent. Quand la lassitude s’installe, mes filles me font des câlins pleins d’amour comme pour me dire : “Vas-y, maman, continue à nous faire du bien“. Cela nous retourne. Nous sommes acculés dans nos retranchements et cela nous oblige à puiser dans des ressources très profondes. Le chemin si particulier du handicap, c’est aussi un chemin de gratitude”.
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