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Domeníkos Theotokópoulos, appelé Le Greco, est né en Crète en 1541. D’abord modeste peintre d’icônes grecques, il rejoint en 1566 l’atelier de Titien à Venise. Installé à Rome en 1570, il y subit l’influence des maniéristes et obtient, grâce à un prêtre espagnol, des commandes pour la cathédrale de Tolède, où il réside dès 1580. Les commandes affluent dans son important atelier, véritable petite usine où ses assistants réalisent les toiles d’après des prototypes. Célébrissime pendant sa vie, la peinture de cet artiste hors norme ne correspondait pourtant pas aux attentes de l’époque. Il meurt à Tolède en 1614, et fut oublié pendant trois siècles, jusqu’en 1900.
Le Miracle du Christ guérissant l’aveugle, daté de 1570, dont il existe trois versions, est conservé au Metropolitan Museum of Art de New York. Il appartient à la période plus maniériste du peintre, qui précède les grandes toiles aux fonds dramatiques sur lesquels des formes à l’élongation exacerbée claquent dans des couleurs pures. Il illustre remarquablement l’Évangile selon saint Jean que l’Église nous donne à méditer en ce 4e dimanche de Carême. Mathieu, qui relate également l’épisode, l’insère dans celui des marchands chassés du Temple : Des aveugles et des boiteux s’approchèrent de lui dans le Temple, et il les guérit : la source du Greco est sans doute matthéenne et permet de nous faire entrer dans la compréhension de la composition, agitée et complexe.
Pourquoi les scribes s’indignent-ils ?
Sous un ciel chargé de nuages, deux groupes de personnages s’opposent au premier plan d’une vaste composition d’architectures et de colonnades qui entraînent le regard vers une lointaine perspective. Toute l’importance est donnée à la maison du Père, lieu central de l’épisode. À gauche, le Christ guérissant un aveugle, à droite, les scribes et sacrificateurs du Temple indignés par cette action.
De part et d’autre, un personnage de dos éclaire notre lecture : l’un désigne l’action miséricordieuse du Christ, tandis que l’autre pointe le ciel. Voilà bien l’essentiel : le Christ guérissant un aveugle dans le Temple annonce la venue du règne de Dieu sur terre. N’est-ce pas merveilleux ? Mais alors, pourquoi les scribes s’indignent-ils ?
Occuper le Temple autrement
Le Temple, dans sa construction, présentait une série de barrières : dehors le parvis des païens, des non juifs, à bonne distance les femmes, puis les Juifs, puis le Saint des Saints, inaccessible. Au moment de la grande affluence pascale, Jésus vient d’expulser les marchands de la cour extérieure du Temple, la cour des païens, réservée à la prière des étrangers. Cela crée un passage d’entrée pour les pauvres, représenté par ce grand espace libre derrière le Christ. Ainsi aveugles et boiteux ont la hardiesse de s’approcher. Jésus les guérit.
Depuis le roi David, cet acte est une infraction au règlement. Or Jésus, qui vient d’être proclamé « fils de David » par la foule, ne respecte pas cette tradition. Les sacrificateurs sont indignés car ils ont l’impression que Jésus se prend pour plus grand que le roi David. En réalité, Jésus a chassé les marchands du Temple pour l’occuper autrement. Il y ouvre un chemin de rédemption pour tous les peuples.
Il n’y a pas d’exclus dans la maison du Père
Par son geste, Jésus montre ce que doit être le Temple : un lieu d’accueil non pas réservé aux « grands » mais offert aussi aux nécessiteux. Ainsi, comme le peint Le Greco, les femmes et les étrangers du premier plan peuvent-ils pénétrer sur le parvis, et mieux, s’approcher du Christ, nouveau Temple. Il affirme par ce geste que son royaume sera établi non par des grands, mais par l’accueil des tout-petits. La citation du psaume 8 dans la suite de la séquence biblique le confirme : De la bouche des enfants, des tout-petits, tu as fait monter une louange. C’est pourquoi l’homme d’aujourd’hui, comme l’aveugle d’autrefois, peut s’approcher avec confiance du trône de la grâce.
Cette vocation du Christ éclaire la manière dont nous-mêmes, son peuple, devons occuper l’Église : nous sommes appelés à rester petits, à faire bon accueil aux plus petits, à nous mettre à leur service, à l’image du Christ de miséricorde.