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Les contraintes sanitaires de lutte contre la pandémie permettent aux citoyens de confession chrétienne de se réapproprier le sens des rites dont ils sont privés. C’est aussi l’occasion de redécouvrir leur mission de serviteur en se reliant à tous les hommes confrontés, dans l’épreuve, aux grandes interrogations de l’existence.
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En bouleversant tous les champs de la vie personnelle, professionnelle, économique, sportive, les Français traversent une crise sanitaire inédite. Elle s’avère une occasion propice pour relier à nouveau le sérieux de la vie et le sérieux de la foi.
Le ralentissement du rythme des activités, dont nous déplorions si souvent l’accélération, permet de faire sauter les couches calcaires de nos habitudes. La pratique religieuse est aussi bousculée. Les sanctuaires ferment et les messes ne sont plus ouvertes à la présence des fidèles. Cet interdit permet incidemment de repenser au sens de ce qui était vécu et de vivre les rites en pensée, en paroles, en nommant leur signification. Si cet exercice est difficile, c’est sans doute que des années de répétions ont sédimenté une ritualité dont l’automatisme aura réduit la saveur.
La suppression des messes n’a qu’une question à poser : que gagne-t-on habituellement à y participer ? Et cette participation est-elle le tout de ce que l’on y gagne ? Si bien que lorsqu’il n’est plus possible d’y participer, que conserve-t-on que nul ne peut prendre ?
La foi dans tous les contextes
Avant le confinement général qui trancha toute question, certains furent choqués que les pouvoirs publics puissent assimiler la messe à un spectacle, à une activité de convivialité comme les réunions dans les bars et restaurants. En effet, le pain qu’on y sert n’est pas fabriqué par l’homme, et le vin qu’on y boit n’est pas issu d’une fermentation artisanale. Quand bien-même les pouvoirs publics le sauraient, et quand bien-même ils en conviendraient, cela ne changerait rien au fait que ce n’est pas à l’État de s’adapter à la foi des citoyens de confession chrétienne, mais aux chrétiens à s’adapter aux mesures de la vie sociale. La foi peut trouver son épanouissement et sa pratique dans tous les contextes et ne présupposent pas de condition préalable. Les éléments matériels et visibles des rituels sont des adaptations définies pour servir à l’expression d’un sens spirituel que rien n’atteint.
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Ce contexte inédit va permettre aux citoyens de confession chrétienne de se réapproprier le sens de ce qu’ils vivent dans leur culte, précisément à l’heure où ils sont privés de participation. C’est l’expérience même que rapporte la Bible, lorsque le peuple d’Israël, en exil à Babylone, fait mémoire du Temple de Jérusalem. C’est une manière d’habiter le Temple que de s’en souvenir. C’est en esprit que l’on s’invite désormais dans l’espace sacré inaccessible. Les citoyens de confession catholique seront appelés à expliquer ce qu’ils croient, pourquoi ils le croient et de quelle manière ils vivent ce qu’ils croient. Par-dessus tout, il faut expliquer en quoi ces pratiques rendent humbles, accueillants et prêts à accompagner les pauvres, les malades et les pécheurs. En voyant une société fragile comme la nôtre, il serait navrant que des chrétiens trouvent encore le moyen de tout rapporter à eux, au lieu de se relier aux autres, comme leur condition de serviteur les y invite. Même à l’approche de la fête chrétienne de Pâques, il n’y aura pas de dérogation au confinement.
Repenser au sens de l’existence
Le courage se voit dans l’imprévu des situations et parfois le sacrifice prend une forme inattendue, mais c’est un vrai sacrifice. Qui pourrait ne pas le comprendre ? Tous les Français font le sacrifice de leur vie sociale, professionnelle, économique et pour beaucoup familiale. Sa valeur est immense parce qu’il est un sacrifice de soi pour la vie des autres. Il ne reste qu’à le déposer dans le cœur du Christ-Jésus, qui le porte à son Père, pour que chacune de nos vies, soit baignée de sa paix : la vie d’un homme est plus que le nombre de ses jours sur la terre. Elle est dans sa confiance en l’amour qui préside à sa naissance, qui accompagne sa vie et illumine son trépas.
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Malade, notre société l’était déjà à tous les points de vue : économique, éducatif, artistique, sanitaire, social et spirituel, mais d’un coup en quelques semaines, la société est fébrile dans son corps tout entier : tous ses membres sont exposés à la maladie. Déjà le grand corps environnemental avait déjà donné des signes d’alertes de sa très grande faiblesse. Comment cette contagion de l’environnement n’aurait-elle pas aussi eu des effets sur le corps social des pays et le corps individuel de leurs habitants ?
Ce contexte de pandémie oblige à repenser au sens de l’existence, à purifier les représentations enfantines de la foi religieuse, pour se poser dans un face-à-face lucide avec l’énigme de la condition humaine. Si nous ne mourrons pas tous du covid-19, nous allons tous mourir un jour, et quitter ce monde, it’s just a matter of days before you die — « c’est juste une question de jours avant que tu meurs » dit l’adage. Ce monde n’est pas un lieu où l’on reste, mais un lieu où l’on passe. Ce n’est pas la vérité des uns, c’est la vérité pour tous. Celle que nous avions si délicatement relégué aux oubliettes des réalités essentielles.
Plus à donner
La question se reporte alors sur la valeur de chaque jour. Si le temps est compté pour tous, les citoyens de confession chrétienne ont plus à donner à cette époque qui souffre. Les identités religieuses sont toutes perméables à l’épreuve et à la peine. Aucune n’est épargnée. La responsabilité des chrétiens s’atteste dans l’annonce du triomphe de l’amour, celui que nous aurons su donner, celui que nous serons devenus. En refusant de capter ce monde pour soi mais y faisant resplendir déjà la lumière qui nous enveloppera tous un jour pour toujours. Une personne de confession chrétienne n’est-elle pas prophète du monde qui vient de par-delà la mort ?
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Une célébration religieuse dans une église n’est pas un îlot pour s’extraire du monde, mais une assemblée où le salut du monde entier est pris en compte. Lorsque nous pourrons communier à nouveau au Corps du Christ ressuscité, nous ne communierons pas pour nous, mais pour les autres, pour le monde. Plus exactement, pour que les autres trouvent en chacun, ce qu’ils ont le droit de trouver dans le cœur d’un frère, d’une soeur de confession chrétienne : l’accueil, le sourire, le pardon, l’amour et la confiance. Le pain de l’autel et le vin du calice sont devenus la chair vivifiée par l’Esprit et le sang de l’alliance. Ils ne sont pas le fait de l’homme mais de l’Esprit de Dieu qui consacre le fruit de la terre et du travail des hommes pour qu’ils deviennent par la foi de l’Église, la manifestation de l’amour du Père pour eux. Ainsi, le corps et le sang de Jésus ressuscité reforment les cœurs et disposent le corps à incarner l’amour dont le Père aime déjà chacun irrévocablement et sans condition. Cette soudaine privation de messes est à recevoir comme une invitation pour chaque français de confession catholique à redécouvrir ce qu’une célébration de la messe signifie et réalise.
La promesse de Pâques
Dans la grâce du pontificat du pape François, je prie pour que cette terrible crise sanitaire fasse retrouver à l’humanité, le sens de son unité, que notre société retrouve sa sensibilité aux questions spirituelles et religieuses. Je prie pour que les disciples de Jésus libèrent leur lucidité sur la destinée humaine et aident ceux qui ont la mission de conduire l’Église à l’engager dans une rencontre avec le monde tel qu’il est et non tel qu’il serait tentant de le rêver. Avec chacun de vous, je prie pour les soignants, les malades, les défunts et leur famille : qu’ils connaissent la paix que Jésus répand dans les âmes. Si nous devons fêter Pâques dans l’isolement du confinement, dans la peine du deuil, la promesse de Pâques sera notre consolation : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent toi, le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17, 3).
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