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L’ouverture des archives du Vatican sur le pontificat de Pie XII, ce lundi 2 mars, est un événement historique autant que symbolique. Son pontificat ayant couvert l’une des périodes les plus mouvementées de l’histoire contemporaine (1939-1958), les débats, fantasmes et controverses sont nombreux sur son rôle lors de la Seconde Guerre mondiale.
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“L’Église n’a pas peur de son histoire.” C’est par ces mots que le pape François a annoncé, il y a un an, l’ouverture des archives du Vatican datant du pontificat de Pie XII (1939-1958). Rappelant que Pie XII, de son vrai nom Eugenio Pacelli, s’est retrouvé à la tête de l’Église “en un moment parmi les plus tristes et sombres du XXe siècle”, le souverain pontife a déclaré qu’il espérait que “la recherche historique sérieuse et objective saura évaluer sous sa juste lumière, avec les critiques appropriées, les moments d’exaltation de ce Pape et, sans doute aussi les moments de graves difficultés, de décisions tourmentées, de prudence humaine et chrétienne”.
Quel rôle a eu Pie XII face au nazisme ? Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs personnalités juives ont rendu hommage au Pape pour son action. Mais à partir des années 1960, des voix ont se sont élevées pour l’accuser d’une trop grande passivité face à la déportation et l’extermination des Juifs pendant la guerre. En réaction, plusieurs historiens ont pris la défense du pontife, rappelant son antinazisme, sa crainte de voir l’hitlérisme dominer l’Europe et anéantir l’Église mais aussi sa vertu de prudence, son souci de ne pas commettre un faux pas irrémédiable, celui qui aggraverait la situation de l’ensemble des persécutés et déchaînerait plus encore la haine contre les Juifs.
L’ouverture de ces archives permettra-t-elle de clore les débats sur Pie XII et sa prétendue passivité ? “Ceux qui espèrent de terribles révélations vont être déçus”, explique à Aleteia Jean Sévillia, historien, journaliste et auteur du livre L’Église en procès. “Dès les années 60, le pape Paul VI avait nommé une commission d’historiens afin de permettre la publication de très nombreux documents sur la période de la Seconde Guerre mondiale. L’essentiel est connu”.
Pie XII parle peu mais il agit. À titre d’exemple, en octobre 1943, un mois après que Rome soit envahie par les Allemands, une première rafle de Juifs romains a lieu. Pie XII fait alors savoir qu’il va prendre la parole publiquement pour protester. “Moyennant le silence, des Juifs romains sont ainsi sauvés”, reprend Jean Sévillia. “Pie XII a ouvert les couvents et les monastères pour accueillir et abriter des Juifs. En agissant ainsi il en a sauvé des centaines de milliers”, explique de son côté Frédéric Le Moal, professeur au Lycée militaire de Saint-Cyr et à l’Institut Albert-le-Grand et auteur du livre Pie XII. Un pape pour la France. Par des actions de ce type, la diplomatie vaticane menée par Pie XII “a permis de sauver des centaines de milliers de personnes, en 1943-1944, en Italie, en Slovaquie, en Croatie, en Roumanie et en Hongrie”, assure Jean Sévillia.
L’action de Pie XII est d’autant plus connue que, outre les archives déjà publiées par le Vatican sur cette période sous Paul VI, “les archives françaises, italiennes, britanniques ou encore américaines, nous ont déjà beaucoup appris”, assure Frédéric Le Moal. “Elles constituent certes des sources indirectes, mais elles décrivent toutes la même attitude de Pie XII : une attitude réservée, une prise de parole mesurée, un silence assumé mais une action clandestine de sauvetage. À aucun moment Pie XII n’a été le pape d’Hitler. Il a toujours été fermement hostile au IIIᵉ Reich.”
Comprendre le processus de décision
Si l’on se félicite de cette ouverture aux chercheurs, “c’est parce que les archives de Pie XII vont nous apporter un éclairage sur ce que nous, historiens, appelons le processus de décision”, indique encore Frédéric Le Moal. “Elles vont nous permettre de comprendre comment le Pape a pris sa décision, qui a été consultée, le détail des discussions à l’intérieur de la Curie, les divergences ou les convergences dans l’entourage du souverain pontife, mais aussi sur la correspondance des nonces, les instructions qu’ils ont reçues, leurs actions concrètes sur le terrain”.
Surtout, ce sont les archives sur l’après Seconde Guerre mondiale que les historiens ont hâte de découvrir. “Le pontificat de Pie XII a duré jusqu’en 1958. Il a vécu l’entrée dans la guerre froide, son paroxysme avec la crise du blocus de Berlin, la guerre de Corée mais aussi la période post-stalinienne, la période de détente…”, s’exclame Frédérique Le Moal. “C’est une période sur laquelle, je pense, nous allons découvrir des choses passionnantes”.
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À l’occasion de l’ouverture de ces archives, le grand rabbin de Rome, Riccardo di Segni, a déclaré que l’histoire de Pie XII n’était pas une légende noire mais plutôt grise. Des propos que les deux historiens rejettent. “L’historien ne résonne pas avec ces qualificatifs”, assure Jean Sévillia. “Notre travail est d’expliquer le passé, de l’analyser. L’histoire est un phénomène extrêmement complexe car ce sont des hommes qui la font et ils sont eux-mêmes, de par leur nature, complexes”, reprend de son côté Frédéric Le Moal. “Pie XII est un homme qui a gouverné l’Église pendant la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire durant un conflit planétaire, un déchainement de haine et de violence comme jamais l’humanité n’en avait vu. Non, mettre des couleurs et des qualificatifs de cette nature ne correspond pas à notre travail”.
Ces archives vont permettre aux historiens d’interroger à nouveau, à l’appui d’une nouvelle source documentaire, une période complexe et cruciale pour l’histoire de l’Europe et du monde. “L’ouverture de ces archives crée un enthousiasme communicatif dans la communauté des historiens”, assure Frédéric Le Moal. “C’est un service à la vérité”.
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