C’est un joli message que Domenico Squillace vient de publier sur le site internet du lycée scientifique Volta, à Milan. Plutôt que tomber dans la peur irrationnelle, qui coupe des autres et de toute humanité, ce directeur d’établissement enjoint ses élèves à raison garder, à vivre, à lire et à se cultiver.
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C’est sur la page d’accueil du site internet de son lycée, que le directeur du lycée scientifique Volta de Milan, Domenico Squillace, a publié un message proposant une ligne de conduite raisonnable à ses élèves. Alors que le lycée, comme toutes les écoles de la région, ont été fermés pour cause de coronavirus, et qu’une psychose prend le pas chez certains, le directeur donne à ses élèves un brillant exposé, à la fois rassurant et intelligent, pour savoir raison garder. Découvrez son message:
Aux élèves du lycée Volta,
“La peste, que le tribunal de la santé avait craint de voir entrer dans le Milanais avec les bandes allemandes, y avait en effet pénétré avec elles, comme le lecteur en est instruit; et il sait également qu’elle ne s’y arrêta pas, mais qu’elle envahit et ravagea une grande partie de l’Italie…”
Les mots ci-dessus sont ceux qui ouvrent le chapitre 31 du Fiancé (roman d’Alessandro Manzoni et grand classique scolaire), un chapitre qui, avec le suivant, est entièrement consacré à l’épidémie de peste qui frappa Milan en 1630. C’est un texte éclairant d’une extraordinaire modernité que je vous suggère de lire attentivement, surtout en ces temps confus. Dans ces pages, il y a déjà tout, la certitude du danger des étrangers, l’affrontement violent entre les autorités, la recherche spasmodique du soi-disant patient zéro, le mépris des experts, la chasse aux faux remèdes, les rumeurs incontrôlables, les remèdes les plus absurdes, la razzia sur les biens de première nécessité, l’urgence sanitaire …
Dans ces pages, vous rencontrerez des noms que vous connaissez sûrement dans les rues autour de notre lycée, qui, ne l’oublions pas, est situé au centre de ce qui fut le Lazaret de Milan : Ludovico Settala, Alessandro Tadino, Felice Casati pour n’en citer que quelques-uns. En bref, plus que dans le roman de Manzoni, ces mots semblent aujourd’hui sortir tout droit des pages d’un journal actuel.
Chers élèves, rien de nouveau sous le soleil, dirais-je, pourtant l’école fermée m’oblige à parler. Notre institution fait partie de celles qui, avec ses rythmes et ses rituels, marquent le passage du temps et le déroulement ordonné de la vie civile, et ce n’est pas un hasard si la fermeture forcée des écoles est une mesure à laquelle les autorités ont recours dans des cas rares et vraiment exceptionnels. Ce n’est pas à moi d’évaluer l’opportunité de la mesure, je ne suis pas un expert et je ne prétends pas l’être, je respecte et je fais confiance aux autorités et j’observe scrupuleusement leurs indications, mais ce que je veux vous dire, c’est de garder la tête froide, de ne pas vous laisser emporter par le délire collectif, de continuer – avec les précautions nécessaires – à mener une vie normale.
Profitez de ces journées pour faire des promenades, pour lire un bon livre, il n’y a aucune raison – si vous êtes en bonne santé – de rester enfermé à l’intérieur. Il n’y a aucune raison de prendre d’assaut les supermarchés et les pharmacies, mieux vaut laisser les masques aux malades, ils sont plus utiles pour eux. La vitesse à laquelle une maladie peut se déplacer d’un bout à l’autre du monde est un enfant de notre temps, il n’y a pas de murs qui puissent l’arrêter, les siècles passés, elle se déplaçait tout autant, mais juste plus lentement. Un des plus grands risques dans de tels événements, comme Manzoni et peut-être encore plus comme nous l’enseigne Boccace (l’un des créateurs de la littérature italienne en prose), est l’empoisonnement de la vie sociale, des relations humaines, la barbarisation de la vie civile. L’instinct atavique, lorsque nous nous sentons menacés par un ennemi invisible, est de le voir partout, le danger est de considérer tous nos semblables comme une menace, comme un agresseur potentiel. Depuis les épidémies du XIVe et XVIIe siècles, nous avons la médecine moderne de notre côté, ses progrès et ses certitudes. La pensée rationnelle est là pour préserver le bien le plus précieux que nous possédons, notre tissu social, notre humanité. Si nous n’y parvenons pas, la peste aura vraiment gagné.
Je vous attends bientôt au lycée,
Domenico Squillace
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