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Pourquoi Marie n’était-elle pas la seule à attendre la venue du Messie ?

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La Passion du Christ.

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Vittorio Messori - publié le 23/02/20
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C’est un fait historique prouvé : l’attention du monde se concentre, au premier siècle de notre ère sur la lointaine province romaine de Judée. La date de la venue d’un Messie est annoncée par une longue série de prophéties précises connues des juifs, mais aussi des païens. Cette attente unique est celle que la Vierge Marie porte dans son cœur. Elle s’accomplira pour elle et pour le monde dans la venue du Sauveur, à la plénitude des temps fixés.

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Lorsqu’elle était enfant, la Vierge Marie attendait comme tout son peuple la venue du Messie. Celui-ci n’a pas été annoncé par un seul homme, mais par une longue série de prophètes, complétant au fil des siècles leurs prédictions. Marie attendait au cœur du petit peuple d’Israël, ballotté par l’histoire, survivant à toutes les confrontations avec les empires voisins. Israël sera finalement le seul peuple résistant à la dissolution du monde antique, conservant intacte son identité, et gardant toujours la certitude inébranlable d’être l’instrument d’un destin éternel, aux dimensions du monde.


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Les prophéties annonçant alors la venue du Messie définissent d’une manière surprenante le portrait de l’Attendu, de sa naissance, de sa vie, de sa mort, de sa mission et de son destin, tel qu’il a été espéré par les contemporains du Christ et reconnu par les chrétiens qui ont suivi Jésus.

Une attente unique au monde

Le Messie était spécialement attendu au début de notre ère, au temps de la Vierge Marie, comme en témoignent l’Évangile (« Or le peuple était dans l’attente » (Lc 3,15)) et les écrits juifs et païens de l’époque : certaines prophéties parlaient explicitement et précisément du moment de sa venue. Quand Jean-Baptiste parut, tous lui demandaient : « Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (Lc 7,19).

C’était une situation absolument unique et cet aspect caractéristique du christianisme, à lui seul, est suffisant — c’est l’avis de maints spécialistes — pour le situer tout à fait à part dans l’histoire religieuse du monde. L’attente de l’accomplissement des temps était devenue tellement forte et précise, en cette période particulière de l’histoire, qu’il y eut plus de cent candidats « Messies » recensés par les historiens. Gamaliel y fait référence dans son intervention en faveur des apôtres devant le Sanhédrin. La raison de cette attente du peuple est à chercher dans plusieurs prophéties qui désignaient précisément le temps de la venue du Messie.

L’antique prophétie de la Genèse s’accomplit avec Hérode

La première des prophéties évoquant le moment de la venue du Messie se trouve dans la Genèse (Gn 49, 1-10), quand Jacob, né d’Isaac, bénit ses fils avant de mourir. « Rassemblez-vous pour que je vous annonce ce qui vous arrivera dans l’avenir. » Et il poursuit : « Le sceptre ne s’écartera pas de Juda, ni le bâton de commandement d’entre ses pieds jusqu’à ce que vienne celui auquel il appartient et à qui les peuples doivent obéissance. »

Ce passage, qui a toujours été entendu par les exégètes d’Israël en un sens messianique, prend une actualité nouvelle au temps de la Vierge, après qu’Hérode Ier ait été nommé roi de Judée en mettant fin à la dynastie hasmonéenne juive. Les juifs d’Israël seront désormais régis par un roi édomite, fils d’une nabatéenne issue d’une tribu arabe, et ami des Romains même s’il est officiellement converti au judaïsme. La Judée devient alors une province vassale de Rome et elle le restera jusqu’à la destruction de Jérusalem en 70 après Jésus-Christ.


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Quand Octave confirme à Hérode Ier le titre de roi de Judée, de Samarie, d’Idumée et de Galilée en lui offrant aussi le plateau du Golan et les villes côtières de la Méditerranée qu’il avait dû rendre à Cléopâtre précédemment, Jérusalem est secouée par un tremblement de terre qui cause dix mille victimes. Avec l’avènement d’Hérode Ier l’autorité passe aux Romains et le signe messianique s’accomplit puisque le sceptre s’éloigne définitivement de Juda. À tel point que les juifs pourront maintenant répondre très justement à Pilate, lors du procès du Christ : « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur » (Jn 19,15).

Les quatre royaumes du songe de Nabuchodonosor

La seconde importante prophétie évoquant le moment de la venue du Messie se trouve dans le dernier livre de l’Ancien Testament, celui de Daniel, qui, au temps de la Vierge Marie était composé et lu dans sa forme actuelle depuis déjà deux siècles. Le livre rapporte au chapitre 2 le songe de Nabuchodonosor dans lequel le roi voit une pierre qui brise une grande statue d’or, d’argent, de bronze, de fer et d’argile mêlés. Le roi est troublé et empêché de dormir jusqu’à ce que Daniel puisse lui donne la juste interprétation (Dn 2, 39-45) :

Après toi s’élèvera un autre royaume inférieur au tien, ensuite un troisième royaume, un royaume de bronze qui dominera la terre entière. Il y aura un quatrième royaume, dur comme le fer, […] il pulvérisera et brisera tous les royaumes. […] Ce royaume sera divisé […] comme tu as vu du fer mêlé à l’argile. […] Au temps de ces rois, le Dieu du ciel suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, et dont la royauté ne passera pas à un autre peuple. Ce dernier royaume pulvérisera et anéantira tous les autres, mais lui-même subsistera à jamais […]. Le grand Dieu a fait connaître au roi ce qui doit ensuite advenir. Le songe disait vrai, l’interprétation est digne de foi.

Or, après Nabuchodonosor, sont venus les Perses aidés par les Mèdes, puis les Grecs qui ont dominé toute la terre avec Alexandre, puis les Romains qui, par le fer, ont réduit en poussière tous leurs adversaires, avant qu’Israël ne soit au Ier siècle divisé entre le fer de Rome et l’argile d’Hérode. La pierre qui brise la statue doit devenir une grande montagne qui remplira toute la terre. L’humble Vierge du Seigneur pouvait peut-être imaginer la modestie des débuts du règne messianique qui « jamais ne sera détruit et subsistera éternellement » en méditant comme Blaise Pascal sur la prophétie de la petite pierre qui devient montagne : « Il est prédit que Jésus-Christ serait petit en son commencement et qu’il croîtrait ensuite. »

La prophétie des soixante-dix semaines du prophète Daniel

Le prophète Daniel précisa ensuite de manière très étonnante le temps de l’avènement du Messie par la prophétie des soixante-dix semaines. Ce fameux passage du chapitre neuf de Daniel commence ainsi : « Soixante-dix semaines (“septénaires”) ont été fixées à ton peuple et à ta ville sainte, pour faire cesser la perversité et mettre un terme au péché, pour expier la faute et amener la justice éternelle, pour accomplir vision et prophétie, et consacrer le Saint des saints » (Dn 9, 24). Le monde nouveau (l’iniquité qui cesse et est expiée, le péché qui est « mis sous scellés », la justice éternelle qui règne) adviendra donc quand le Christ aura « reçu l’onction ». Alors prendront fin les visions des prophètes mêmes. Et tout cela se produira après « soixante-dix semaines ».


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Cette indication temporelle, la seule de tout l’Ancien Testament, n’a jamais suscité de polémiques excessives parmi les interprètes. Il est clair qu’il s’agit de “septénaires”, c’est-à-dire des périodes de sept jours ; si l’on compte a priori en années, la prophétie désigne la venue du Messie au bout de 490 ans. Mais à partir de quoi doit-on commencer à les compter ? Selon le texte biblique, « depuis le surgissement d’une parole en vue de la reconstruction de Jérusalem » après l’exil à Babylone. Certains calculaient à partir du décret d’Artaxerxès, en 458 avant Jésus-Christ, d’autres à partir de la première mission de Néhémie, en 445, d’autres à partir de Cyrus, en 538, dès la libération d’Israël, certains en années solaires, d’autres en années lunaires. La découverte de parchemins du Ier siècle avant notre ère retrouvés à Qumran montre que la communauté qui vivait là-bas se préoccupait beaucoup des signes des temps et qu’ils s’appuyaient aussi sur la prophétie des « soixante-dix septénaires ». Ils avaient calculé que les temps du Messie devaient commencer en 26 avant Jésus-Christ et c’est à cause de cette attente qu’ils se retiraient au désert. Il y avait encore une petite « erreur » de vingt ans dans leur calcul, mais comme le dit le bibliste britannique Hugh Schonfield, « nous voyons bien aujourd’hui à quel point — presque à la lettre — Jésus pouvait proclamer en inaugurant sa mission : “Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche” (Mc 1,15) ».

Tout correspond très bien…

La prophétie parle de soixante-dix septénaires à compter à partir d’une parole pour la reconstruction du Temple, mais elle ne précise pas si ce compte doit être faire en années, en mois, en jours ou autre. À partir de cela, l’interprétation traditionnelle a été de compter en années, mais il est aussi possible d’imaginer que ce fut en années lunaires dont on se sert dans le calendrier juif. En ce cas, puisque 490 années lunaires représentent 441 années solaires, si l’on compte à partir de 445 avant Jésus-Christ, date de la première mission de Néhémie rapportée au chapitre 2 du livre de Néhémie, on arrive en 4 avant Jésus-Christ, qui est effectivement exactement la date de la présentation de Jésus au Temple.

Par ailleurs, si l’on compte en jours, les soixante-dix septénaires représentent 490 jours, ce qui est exactement le temps entre l’Annonce faite à Zacharie et la présentation de Jésus au Temple, à laquelle se réfère la prophétie : six mois entre l’Annonce à Zacharie et l’Annonce de l’Ange à Marie (180), neuf mois de grossesse de Marie (270 jours) et quarante jours avant la Présentation au Temple : total, 490 jours.

La « Paix d’Auguste » et l’attente païenne du « Dominateur »

Au temps de la Vierge Marie, les juifs attendaient donc leur mystérieux Christ précisément en ces années-là. Il était attendu comme le Prince de la Paix et le Talmud explique qu’il devait venir quand le monde aura cessé de se battre. Et c’est bien ce qui est arrivé, au temps de la paix d’Auguste. Vingt-cinq années de paix, sans aucune guerre. Une trêve jamais vue, au cœur de laquelle est effectivement né le Prince de la Paix.

Nous avons aussi des témoignages indubitables et des plus précis d’une attente universelle de quelqu’un qui devait venir de Judée. Deux des plus grands historiens latins, Tacite et Suétone, nous apprennent comment les Romains étaient en effervescence à l’approche du siècle que nous appelons « le premier après Jésus-Christ ». Tacite écrit dans les Historiæ : « La plupart étaient persuadés qu’il se trouvait écrit dans les anciens livres des prêtres, que, vers ces temps, l’Orient grandirait en puissance. Et que de Judée viendraient les dominateurs du monde. » De même Suétone, dans la Vie de Vespasien :« Par tout l’Orient, une idée gagnait les esprits : l’opinion constante et fort ancienne selon laquelle il devait être écrit dans le destin du monde que de la Judée viendraient en ce temps-là les dominateurs du monde. » Ces deux historiens écrivaient à la fin du premier siècle et au début du second, sans pouvoir connaître le triomphe, encore à venir, de celui qui serait effectivement un jour le « dominateur » du monde occidental.

La prophétie de la Sibylle de Cumes

Au temps de Marie, l’attente des Romains correspond aussi au grand oracle rapporté par Virgile dans la 4e Églogue de ses Bucoliques : « Voici les derniers temps marqués par l’oracle de la Sibylle de Cumes : la longue série des siècles recommence. Voici venir la Vierge, et le règne de Saturne. Voici descendre du ciel une race nouvelle. Un enfant nouveau-né sous le règne de l’Empereur Auguste éliminera la génération de fer et suscitera par tout le monde une génération d’or. » La Vierge Marie en qui descendra le Fils de Dieu ne devait certainement pas connaître cet oracle, mais Jésus, qui est bien né sous le règne de l’empereur Auguste a effectivement transformé le fer de l’oppression dans l’amour que l’or symbolise. Et en plusieurs sanctuaires du monde (comme Longpont, Nogent-sous-Coucy, Chartres), on vénérait de manière étonnante, dès avant le Christ, la Virgini Parituræ : « la Vierge qui doit enfanter ».

L’explication de l’étoile de Bethléem ?

Il semble désormais scientifiquement prouvé que les astrologues babyloniens aussi attendaient la naissance du « dominateur du monde » à partir de l’an sept avant Jésus-Christ. Kepler, un des pères de l’astronomie moderne, observa en décembre 1603 la conjonction très lumineuse (c’est-à-dire la rencontre sur une ligne droite) de Jupiter et de Saturne dans la constellation des Poissons. Il établit grâce à ses calculs que le même phénomène (qui provoque une lumière intense et éclatante dans le ciel étoilé) devait s’être produit également en 7 avant Jésus-Christ. Il découvrit ensuite un ancien commentaire de l’Écriture, du rabbin Abarbanel, rappelant que selon une croyance des juifs, le Messie devait apparaître précisément lorsque, dans la constellation des Poissons, la lumière de Jupiter et de Saturne ne ferait plus qu’une. Mais on n’attacha guère d’importance à la découverte de Kepler notamment parce que la critique n’avait pas encore établi avec certitude que Jésus était né avant la date traditionnelle, suite à l’erreur de Denys le Petit.



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L’alignement rarissime de Jupiter et Saturne

Plus de deux siècles après Kepler, la savant danois Münter découvre et déchiffre un commentaire hébraïque médiéval des « soixante-dix septénaires » du Livre de Daniel qui indique la croyance rappelée par Kepler. En 1902, est publiée ce que l’on appelle la « Table planétaire », aujourd’hui conservée à Berlin : un papyrus égyptien qui porte avec exactitude les mouvements des planètes de 17 avant J.-C., à 10 après J.-C., qui rappelle qu’en 7 avant J.-C. on avait remarqué la conjonction entre Jupiter et Saturne, visible dans son plus bel éclat sur toute l’étendue de la Méditerranée. En 1925 enfin, on publie une description du Calendrier stellaire de Sippar : une tablette en terre cuite avec des inscriptions cunéiformes provenant de l’antique cité de Sippar, sur l’Euphrate, qui était le siège d’une importante école d’astrologie babylonienne. Sur ce « calendrier » sont portés tous les mouvements et conjonctions célestes de l’an 7 avant J.-C. justement. Pourquoi ? Parce que selon les astrologues babyloniens, cette conjonction qui ne s’observe une seule fois tous les 794 ans s’était produite trois fois en 7 avant JC : le 29 mai, le 1er octobre et le 5 décembre.

Les savants de l’époque considéraient Jupiter comme la planète des dominateurs du monde, Saturne comme la planète des protecteurs d’Israël et la constellation des Poissons comme le signe de la fin des temps, c’est-à-dire du commencement de l’ère messianique. Il est désormais certain, en effet, qu’entre le Tigre et l’Euphrate, non seulement on attendait comme dans tout l’Orient, un Messie qui devait venir d’Israël, mais que l’on avait également établi avec une sûreté stupéfiante qu’il devait naître en un temps et un moment déterminés.

Une polarisation universelle

Dans les Pensées (Pensées 708 et 709), Blaise Pascal constate :

Le temps de la venue du Messie a été prédit par l’état du peuple juif, par l’état du peuple païen, par l’état du Temple, par le nombre des années : il fallait que les quatre monarchies, le sceptre ôté de Juda et les soixante-dix semaines arrivassent en même temps, et le tout avant que le deuxième Temple ne fût détruit.

Les païens de l’Antiquité bénéficiant de leurs propres annonces, il y a comme une polarisation de l’attention, le sommet d’une attente jamais vue dans l’histoire du monde, aux alentours précisément des années où Jésus apparut. C’est un fait historique prouvé : tout inexplicable qu’elle semble, l’attention du monde se concentre, au premier siècle, sur un seul point, cette lointaine province romaine. Cette attente unique est celle que Marie porte plus que tout autre en son cœur, dans sa prière auprès du Saint des saints. Elle s’accomplira pour elle et pour tous les chrétiens dans la venue du Sauveur, à la plénitude des temps fixés.

Mais pour ceux qui ne l’ont pas reconnu, le rendez-vous manqué posera longtemps question. Comme l’observe le Talmud lui-même : « Toutes les dates qui ont été calculées pour la venue du Messie sont désormais passées » (Traité Sanhédrin, 97). Et sous le coup de la déception, les docteurs d’Israël en viendront à tenter de réinterpréter l’attente du Messie. En attendant, « les temps (de Daniel) sont accomplis, et le règne de Dieu s’est approché » (Mc 1,14).

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