Le syndicaliste répond au président de la Mutualité française qui défend le droit à l’euthanasie, alors que la solidarité collective serait plus fondée à soutenir la mise en place de structures permettant à tous de finir leur vie terrestre dans la dignité.
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« L’aide active à mourir, un débat nécessaire » tel est le titre de la tribune que le président de la Mutualité française a récemment publié dans le Journal du dimanche. C’est la révision de la loi bioéthique et l’exploration de « certains territoires touchant au droit à la vie, voire à la vie “augmentée” ou “accompagnée” : PMA pour toutes les femmes et intelligence artificielle » qui ont motivé le mutualiste à plaider pour « le droit de choisir une fin de vie digne ».
Ancien membre du CESE (Conseil économique social et environnemental), celui-ci il devrait savoir que ce débat a récemment eu lieu au sein de cette noble assemblée et qu’il en est ressorti onze préconisations faisant consensus et trois faisant dissensus. Nous pourrions penser que la mise en œuvre des recommandations faisant l’unanimité mobilise toute l’énergie de la mutualité française qui, pour mémoire, vit des cotisations des salariés quelles que soient leurs opinions philosophiques. Il s’agit notamment du nécessaire accroissement de l’offre de soins palliatifs, du renforcement de la formation des professionnels de santé pour développer l’accompagnement des personnes en fin de vie, d’une meilleure prise en compte de la place des aidants — professionnels comme familiaux ; de l’augmentation des moyens de la recherche scientifique sur les soins palliatifs et la fin de vie, du renforcement du contrôle et de l’évaluation des dispositifs de soins palliatifs et d’accompagnement en fin de vie, de l’amélioration du financement des soins palliatifs à domicile… Autant de thématiques pour que toute fin de vie soit naturelle, paisible et digne.
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Il ne suffit pas que la loi pose le principe de la prévention de l’acharnement thérapeutique, le renforcement de la prise en charge de la douleur et affirme : « Le droit [pour toute personne et sur l’ensemble du territoire] d’avoir une fin de vie digne accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance », enjoignant aux professionnels de santé la mise en œuvre de « tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté », encore faut-il que l’offre de soins palliatifs soit en adéquation avec les besoins, tant en termes de nombres de services spécialisés qu’en personnels formés, ou en prise en compte de la volonté de la personne concernant la prévention de l’acharnement thérapeutique.
Derrière les mots, les actes
Il y a là suffisamment de grain à moudre pour nos amis mutualistes afin qu’ils participent activement à la mise en place de structures permettant à tous de finir leur vie terrestre dans la dignité. Or nous sommes loin de « l’exploration de certains territoires touchant au droit à la vie, voire à la vie augmentée ou accompagnée » pour reprendre les mots de M. Beaudet. Derrière les mots il y a des actes.
Le premier, c’est le suicide dit assisté. C’est-à-dire la mise à mort par un tiers. Qui, à la vue d’une personne menaçant de se jeter dans le vide, va passer derrière elle pour la pousser ? Notre devoir d’humanité est-il de tendre la main à la personne en souffrance ou de participer à son élimination définitive ? Le définitif prenant ici tout son sens.
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Le second est l’euthanasie, ce que nos nouveaux Tartuffe nomment « soin ultime de médication expressément létale », en bon français : donner la mort. Leur slogan : laissez-moi choisir ma mort, c’est ma liberté ! Patrick Bloch, représentant de la Grande Loge de France, médecin ayant une expérience réelle des soins palliatifs a répondu fort pertinemment à cet argument lors d’une audition organisée par le CESE. Ayant par hasard secouru un homme faisant une crise cardiaque dans la rue, il lui fit la remarque suivante : « Vous avez eu de la chance que nous passions avec l’équipe de réanimation au moment de votre attaque, sans cela, c’était fait », et le réanimé a répondu : « Non, ma chance c’est que vous n’aviez pas vu le papier que j’avais dans ma poche », document sur lequel était inscrit qu’en cas de syncope, cette personne demandait à ne pas être réanimée. La vie l’avait emporté sur la mort à la grande satisfaction du patient.
Se reconnaître faillible
Au-delà des arguments des uns et des autres concernant ces choix bioéthiques essentiels pour les personnes comme pour la société, ce qui est le plus frappant, ce sont les deux conceptions qui s’opposent. Les uns prétendent posséder la Connaissance qui leur permet d’être les maîtres de la vie et de la mort. Ils se posent en êtres supérieurs à l’infaillibilité absolue. Les autres ont conscience de la réalité de leur humanité et reconnaissent qu’ils sont faillibles et peuvent se tromper. De l’acceptation de cette faiblesse découle la capacité de ne pas nier ses propres défauts et d’admettre que son prochain puisse également en avoir. Cette réalité permet d’avoir un regard de vérité sur soi-même et ses relations avec les autres, condition essentielle pour éviter la toute-puissance qui mène à la tyrannie.
Faute de quoi, c’est le despotisme qui l’emporte, celui qui trie entre les êtres humains ceux qui peuvent vivre et les autres, ceux que l’on peut acheter et vendre et les autres, ceux qui méritent d’être « augmentés » et les autres. Veillons à ne pas être les complices des modernes nécromanciens, de ceux qui, pour paraphraser le Tartuffe de Molière, « par de pareils objets blessent les âmes et font venir de coupables pensées ».
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