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Ancien ministre de l’Intérieur puis Premier ministre, Bernard Cazeneuve était invité le 3 février, par le diocèse de Nanterre, pour échanger avec des élus des Hauts-de-seine et des chrétiens sur de nombreux sujets : attentats, actes antireligieux, laïcité, engagement politique… « Nul ne peut contester à l’Église son droit d’apporter sa contribution au débat public », assure-t-il à Aleteia.
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« Sur tous les événements que j’ai vécus, sur tous les sujets que j’ai eu à affronter, j’ai vu et entendu beaucoup d’approximations ». Ministre de l’Intérieur d’avril 2014 à décembre 2016 et Premier ministre jusqu’en mai 2017, Bernard Cazeneuve vient de publier un livre, À l’épreuve de la violence, dans lequel il revient sur ce qu’il a vécu place Beauvau. Vague d’attentats islamistes, laïcité malmenée, crise migratoire… Invité lundi 3 février à Vanves par le diocèse de Nanterre pour échanger avec des chrétiens, il est revenu pour Aleteia sur ses années en tant que ministre de l’Intérieur. « Aujourd’hui, j’ai souhaité contribuer moi-même à rétablir ce qui s’est réellement passé, l’histoire dont j’avais été l’acteur, et ne pas laisser aux autres le soin de le faire à ma place », confie-t-il à Aleteia. Entretien.
Aleteia : Vous êtes ministre de l’Intérieur depuis plus de deux ans quand vous apprenez, le 26 juillet 2016, l’assassinat du père Jacques Hamel alors qu’il célébrait la messe à Saint-Étienne du Rouvray. Quelle a été votre réaction ?
Bernard Cazeneuve : Plusieurs choses m’ont marqué. Au-delà de l’immense tristesse et du choc qu’on ressent face à un tel acte, j’ai été bouleversé par l’extrême bonté qui avait accompagné toute la vie de cet homme. J’ai aussi été profondément marqué, après cet acte d’une extrême violence commis par des barbares, par la très grande dignité des représentants de l’Église catholique. J’ai trouvé que cette élévation de la pensée et de l’esprit des catholiques dans ces circonstances était une leçon donnée au pays tout entier.
“J’ai trouvé que cette élévation de la pensée et de l’esprit des catholiques dans ces circonstances était une leçon donnée au pays tout entier.”
Frappé de plein fouet par ce crime abject, l’Église a réagi en appelant à la concorde, à la tolérance, aux valeurs de la République. J’ai trouvé que cette élévation de la pensée et de l’esprit des catholiques dans ces circonstances était une leçon donnée au pays tout entier. Ça a été pour moi une occasion de gratitude et d’admiration pour l’humanité profonde des catholiques.
Charlie Hebdo, Saint-Quentin-Fallavier, le Thalys, le Bataclan, Magnanville, Nice, Saint-Étienne du Rouvray… Vous avez dû faire face, quand vous étiez place Beauvau, à une longue série d’attentats terroristes. Qu’est-ce qui vous guide dans ces moments-là ?
Ce qui vous guide quand vous êtes ministre de l’Intérieur, si vous êtes ardemment républicain, ce n’est pas la jouissance que procure le monopole par l’Etat de l’usage de la force, c’est la volonté de faire en sorte que l’ordre public, la paix publique et les libertés puissent être, à chaque instant, préservés. Lorsque dans la violence extrême, des individus se revendiquent d’une religion dont ils ont dévoyé le message en semant autour d’eux la désolation, la République doit puiser au plus profond d’elle-même la force pour défendre l’Etat de droit et les libertés fondamentales. Quand on est ministre de l’interieur, il faut aussi être guidé par cette seule mission de la protection des Français et du service de l’État. C’est là une très belle mission et un très grand honneur que de pouvoir s’y consacrer. Il faut alors pour réussir rester concentré sur son métier et ne pas s’en laisser détourner par les facilités de la politique . En dépit des événements tragiques auxquels j’ai été confronté, j’ai gardé une grande foi en l’homme, en sa capacité à se dépasser, à se transcender et cela y compris dans les pires moments. Il y a chez chacun de nous des ressources infinies de résilience, qui donnent de l’espoir. Je ne suis pas un optimiste béat mais oui, j’ai foi en l’humanité , c’est là mon espérance.
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En France, en 2019, le ministère de l’Intérieur a recensé 1.893 faits antireligieux dont plus de 1.000 faits antichrétiens. Pensez-vous qu’un sentiment antireligieux s’installe en France ?
Il y a un climat d’irrespect, d’intolérance et de violence. Il y a aussi des actes, dont ceux qui les commettent ne comprennent pas à quel point ils peuvent atteindre. C’est la raison pour laquelle il faut être intraitable et faire en sorte que la justice puisse faire son œuvre en sanctionnant pénalement les auteurs de ces actes. Il faut aussi être tout près de ceux qui subissent la violence de ces actes antichrétiens. Cette violence qui monte s’explique aussi par la perte du sens de l’altérité, du vivre ensemble et par un profond irrespect. Il n’y a pas de société, de vivre-ensemble possible s’il n’y a pas, ancrée au plus profond de chacun d’entre nous, la notion de respect. Une notion qui malheureusement, aujourd’hui, s’étiole.
La laïcité française est-elle aujourd’hui menacée ?
Oui, elle est menacée car ceux qui en parlent souvent mal et ne sont pas dans une exigence de rigueur intellectuelle. Ils utilisent cette belle notion pour en faire un instrument destiné à poursuivre des objectifs politiques. Hors il y a des valeurs avec lesquelles on doit s’abstenir de faire de la petite politique, ce sont celles qui nous transcendent et la laïcité en fait partie. Elle garantit le respect de l’autre et permet de vivre ensemble.
Le respect de l’autre se traduit aussi par le respect de l’engagement de l’autre. Que pensez-vous de l’engagement de l’Église et des chrétiens dans la société ?
C’est la place de tous les citoyens, parmi lesquels les chrétiens, de s’engager. Ils ont d’ailleurs déjà une tradition d’engagement associatif forte. Je pense au Secours catholique, qui est très présent et qui mène une action remarquable, avec qui j’ai travaillé lorsque j’ai dû procéder à la mise à l’abri des migrants de Calais. Véronique Fayet, la présidente du Secours catholique, trouvait que je n’en faisais jamais assez et moi je trouvais que je faisais au mieux de ce que je pouvais faire. Je vivais ces reproches comme une manière d’injustice et elle, elle m’expliquait que ce qu’elle me demandait de faire était de nature à me stimuler davantage et que si je l’écoutais je pourrais faire mieux que ce que je faisais spontanément ! Avec le recul je constate qu’elle avait raison. L’Église catholique a beaucoup apporté à la République et continue de le faire .
Les chrétiens devraient donc s’engager encore plus ?
Je dis aux Français : engagez-vous, ayez la passion de votre pays, ayez la passion de la République. Et je le dis par conséquent aux chrétiens.
Y compris sur la bioéthique ?
Nul ne peut contester à l’Église son droit d’apporter sa contribution au débat public. Je ne suis pas toujours d’accord avec l’Église catholique lorsqu’elle prend position sur ces questions mais il ne me viendrait pas à l’esprit de lui contester le droit de le faire. Lorsque j’appelle au respect de l’autre, j’appelle au respect de la position qu’on ne partage pas nécessairement mais qu’on doit être capable d’entendre surtout si on est soucieux du débat, et au terme du débat de solutions qui se fondent parfois sur des compromis.
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