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Querelles historiques dans l’Église : retrouver la force purificatrice du débat

La Dispute du Saint-Sacrement par Raphaël, fresque, Palais du Vatican.

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Fr. Édouard Divry, op - publié le 21/01/20
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L’histoire de l’Église est jalonnée de disputes intellectuelles parfois très longues et très violentes. Le Magistère a toujours encouragé le débat. Il convient aux jeunes générations de retrouver cette force purificatrice du débat, sans alimenter la polémique et les arguments “ad hominem” (contre les personnes).

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Les débats dans le monde catholique n’échappent pas aux travers de la justice procédurale où il doit sortir un vainqueur et un vaincu, faisant l’impasse sur la vérité objective des faits. D’Outre-Atlantique l’expression binaire, l’axe du bien — celui des vainqueurs — face à l’axe du mal — celui des vaincus —, pénètre insensiblement les esprits, même si elle a pu être critiquée à juste titre. À tout niveau, la course à l’information la plus rapide cherche à faire l’économie de la vérité objective. Caméléons au gré des circonstances, les acteurs médiatiques transforment le débat en rapports de force ou en lutte de pouvoir.

Le débat dans l’histoire de l’Église

Le cœur de l’homme est en fait partagé ; l’axe du bien et l’axe du mal s’entremêlent et le partagent. La recherche de la vérité en est obscurcie et s’avère difficile. L’Église, « mère et maîtresse » de vie spirituelle et de manière conjointe de vérité, avertie par les expériences douloureuses des premiers siècles, a observé la nécessité de maintenir le débat à la fois sur les réalités pratiques et sur celles théoriques. La formule latine, antique, Quod omnes tangit ab omnibus tractari et approbari debet (« Ce qui concerne tout le monde doit être discuté et approuvé par tout le monde »), n’a pas été récusée par le Moyen Âge chrétien mais au contraire enrichie. Le Magistère de l’Église a considéré l’importance de maintenir une diversité d’écoles de théologie ne serait-ce que pour préserver la qualité du débat théorique et pratique. Qui croire à la fin ? Seul le Magistère légitime, aussi faillibles soient les hommes qui le composent, a le « charisme certain » de l’interprétation des Écritures (Dei Verbum, n. 8). Les débats ont parfois atteint une ampleur telle comme à propos de la prédestination et de la querelle de la grâce qu’il a fallu clore d’autorité le débat entre les partis opposés.


POPE
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Des affrontements parfois paroxystiques

L’affrontement doctrinal entre la Compagnie de Jésus et l’Ordre des prêcheurs a atteint un tel paroxysme lors des congrégations (disputes organisées) dites De Auxiliis (2 janvier 1598) ordonnées initialement par le pape Clément VIII, qu’un de ses successeurs, le pape Paul V, demanda de mettre un terme aux discussions (28 août 1607) en laissant entière liberté à chaque parti de s’exprimer pourvu qu’ils s’abstiennent d’offenser celui opposé. Paul V finit d’ailleurs par verrouiller les publications, le 1er décembre 1611 ; position difficile à soutenir au point qu’un des successeurs de ce même pape dut en rappeler la vigueur (22 mai 1625). De même, il a fallu attendre quelques décennies pour que le Saint-Siège tranche une autre controverse conséquente par rapport à celle sur la prédestination et repousse certaines thèses jansénistes sur la grâce (bulle Unigenitus du 8 septembre 1713) sans que le débat initial soit jamais tranché. Pour le débat sur le célibat sacerdotal, ne faudrait-il pas une trêve similaire pour parvenir à une expression définitive pour le bien de tous ?

Toute vérité vient de l’Esprit saint

Des questions difficiles demeureront toujours. La sagesse ecclésiale a promulgué des textes sur bien des sujets. Il est parfois fatigant de voir revenir sur la scène publique de vieux arguments éculés et déjà repoussés par le Magistère. Chaque génération doit s’approprier les débats anciens sans avoir la présomption de se croire capable de tout réinventer. Il n’empêche que la culture du débat, respectueuse du Magistère, demeure capitale pour l’éclosion de la bonne expression de la vérité, qu’elle soit théorique (ici la grâce) ou pratique (le célibat sacerdotal). Il convient aux générations en route de retrouver cette force purificatrice du débat, sans alimenter la polémique et les arguments dits ad hominem (contre les personnes). « Ce qui unit en effet les fidèles est plus fort que ce qui les divise : unité dans le nécessaire, liberté dans le doute, en toutes choses la charité » (Gaudium et Spes, n° 92, §1). Bien que cette citation de saint Jean XXIII (29 juin 1959) soit à l’origine un aérolithe protestant (cf. Pierre Meiderlin [Meuderlinus, alias Rupert Meldenius], Paraenesis votiva pro pace Ecclesia, 1626) la sagesse ecclésiale pense que « toute vérité quiconque la dise vient de l’Esprit saint » (Ambrosiaster, repris par saint Thomas d’Aquin, In prima Cor 12,3). Il faut avoir la patience d’écouter ce qu’Il dit à l’Église.

Le bon ordre du débat

Benoît XVI, dans son Exhortation apostolique Sacramentum caritatis (22 fév. 2007), rappelait il n’y a pas si longtemps le rapport qui doit être maintenu entre le dogme, l’aspect législatif qui en découle, et la juste attitude pastorale : « Il est nécessaire d’éviter de comprendre la préoccupation pastorale comme si elle était en opposition avec le droit. On doit plutôt partir du présupposé que le point fondamental de rencontre entre le droit et la pastorale est l’amour de la vérité : cette dernière en effet n’est jamais abstraite, mais elle s’intègre dans l’itinéraire humain et chrétien de tout fidèle » (n°29). C’est le bon ordre du débat.



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Justement « l’Église du Dieu vivant, colonne et support de la vérité » (1Tm 3, 15) enseigne de manière pérenne un juste rapport à maintenir entre la bonne doctrine et la rectitude de nos actes : « Il existe un lien organique entre notre vie spirituelle et les dogmes. Les dogmes sont des lumières sur le chemin de notre foi, ils l’éclairent et le rendent sûr. Inversement, si notre vie est droite, notre intelligence et notre cœur seront ouverts pour accueillir la lumière des dogmes de la foi (cf. Jn 8, 31-32) » (CEC, n. 89).

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