Avec son film de guerre “1917”, le réalisateur britannique Sam Mendes rejoint le palmarès des prouesses cinématographiques du genre : l’illusion d’un long plan séquence. On retrouve ici le fils aîné de “Captain fantastic” (2016) en héros solitaire joué par John MacKay.
Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l’impôt sur le revenu
1917 est sans doute à l’armée britannique ce qu’a été le film Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick pour les Américains : un chef d’œuvre du genre qui rend hommage aux soldats d’un pays. Nul fantasme sur la guerre, nul romantisme autour de la difficulté d’y être. Pas trop de violon pour mieux faire passer la pilule ou arracher des larmes. Le réalisateur de Skyfall raconte, au plus près du réel, les histoires recueillies par le caporal Alfred H. Mendes, du 1er bataillon du corps royal des fusiliers du roi, à qui il dédie ce film. Il s’agit de son grand-père.
On savait Sam Mendes génial depuis le succès d’American Beauty, on le sait désormais virtuose. Car au beau milieu de la boue, des tranchées, du no man’s land, des villages abandonnés, des rivières et des arbres, la caméra ne s’arrête jamais. L’illusion d’un plan séquence est totale, jusqu’à la fin. Et ce durant près de deux heures. Gonzalez Inarritu l’avait déjà fait dans Birdman, par exemple.
Le spectateur suit donc Blake et Schofield, deux soldats britanniques chargés d’une mission à haut risque, dans une immersion des plus réalistes. Pour ce faire, pas loin d’une cinquantaine de plans montés au cordeau, avec une prouesse technique des plus abouties. La caméra, parfois un drone, se faufile partout et nous entraîne au cœur du conflit de la Première Guerre mondiale. C’est au directeur de la photographie Roger Deakins que l’on doit la beauté des images uniquement captées grâce à la lumière naturelle. Cela nous offre des plans d’une grande beauté, comme celui dans la nuit où des ombres dansent au rythme du feu des batailles. Ou encore dans le sous-sol d’une maison abandonnée, à la lueur d’un feu de cheminée. Mais le plus estimable est sans doute de ne jamais faire décrocher le spectateur. De bout en bout, l’on s’identifie à Schofield, à l’image d’un jeu vidéo ; si la comparaison s’arrête toutefois au fait qu’on quitte rarement son visage et que les arts ne se confondent pas.
L’armée britannique, entre espoir et carnage
Pendant près de 24 heures, la mission a pour but d’empêcher un bataillon britannique, fort de plusieurs compagnies comptant 1.600 hommes, de tomber dans un piège allemand. Et donc d’éviter le carnage. Le seul moyen de les prévenir est de les rejoindre sur place, d’atteindre le colonel MacKenzie. En repli sur la Ligne Hindenbourg, entre Lens et Saint-Quentin, les Allemands dressent leur plan. Les puristes de la Première Guerre mondiale trouveront peut-être le film pas assez fidèle à certains lieux, jaugeant ici et là la véracité des tactiques militaires. Mais la force du film, ailleurs très pointilleux au niveau du décor et des costumes, est de réussir l’immersion. Les personnages sont sans cesse en déplacement. Leur jeu est impeccable et bluffant. De plus, la solitude du soldat se fait sentir à chaque seconde. Face à l’ennemi quasiment invisible, la menace est de tous les instants. Comme dans un jeu vidéo, encore une fois.
Loin du film à thèse et à point de vue dominant, le réalisateur introduit tout de même un second conflit au sein du premier. Il oppose deux formes d’espoir, celle du soldat déterminé à remplir sa mission, et celle du chef d’armée, le colonel MacKenzie. L’espoir peut être parfois terrible, déplore-t-il, quand il se rend compte de la fascination pour le combat, nourri à l’espoir de voir la guerre finie. Nous sommes ici dans la geste militaire d’un héros ordinaire. Celui-là même qui répète tout au long du film n’en avoir rien à faire des médailles, des honneurs, pourvu d’aller au bout de sa mission d’homme : être courageux sans retours.
1917, de Sam Mendes, avec John MacKay, Dean-Charles Chapman et Mark Strong, 1h56, en salles le 15 janvier.
Lire aussi :
En images : ces hauts lieux de mémoire de la Grande Guerre