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Durant la Première Guerre Mondiale, les soldats du front voulurent vivre en acte le sens universel de la fête de Noël. Au cœur de la violence absolue, les hommes déchirés par la guerre demeurent unis par le Prince de la paix.
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Le 25 décembre 1914, alors que l’on commence à réaliser que la guerre va durer plus longtemps que prévu, certains soldats vivent un Noël hors du commun. En plusieurs points du front occidental, une sorte d’arrangement amical s’improvise entre Français, Anglais et Allemands ; des trêves spontanées sont localement instaurées pendant la nuit de Noël, et même souvent pendant les premiers jours du mois de janvier.
La trêve du Pape
Noël est par excellence la fête de la paix, de la réconciliation de l’humanité avec son Créateur. Le pape Benoît XV, bouleversé par ce conflit entre nations chrétiennes, renoue avec les trêves de Dieu instaurées par l’Église au Moyen Âge : il exprime publiquement le souhait que les pays belligérants « fassent cesser le fracas des armes lorsque la chrétienté célèbrera la fête de la Rédemption du monde ». Bien que diffusé par la presse, cet appel n’est pas suivi par les gouvernements, mais il est spontanément vécu par de nombreux soldats dans les tranchées.
Pour ce premier Noël de guerre, les autorités civiles et les familles ont voulu permettre aux soldats de réveillonner eux aussi. En France, grâce à de nombreuses initiatives privées, les hommes présents sur le front reçoivent vêtements chauds, cigares, tabac, confiseries. Les autorités allemandes font un effort particulier afin que chaque unité soit dotée d’un sapin pour décorer sa tranchée. Aux dires de tous les témoins, dès le matin du 24 décembre, l’état d’esprit sur le front se trouve considérablement transformé. Les conditions climatiques n’y sont pas étrangères : après plusieurs jours de pluie, le ciel se dégage, et le gel recouvre le front de son blanc manteau, donnant une allure féerique au champ de bataille, jusqu’aux barbelés. La boue, dans laquelle on patauge, durcit, rendant les déplacements beaucoup plus aisés. Les coups de feu cessent progressivement de part et d’autre pendant la journée. Le silence inhabituel qui s’installe contribue aussi à rendre l’atmosphère nettement plus paisible.
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Adeste fideles
Le soir du 24 décembre 1914, Français et Anglais découvrent avec étonnement le parapet des tranchées adverses décoré avec les sapins illuminés. Puis les Allemands entonnent des chants religieux, auxquels les Alliés répondent par d’autres chants. Il s’en suit une joyeuse alternance jusqu’à ce que l’utilisation du latin, avec l’Adeste fideles, unisse fraternellement les ennemis dans une fervente prière à l’Enfant-Dieu. Au matin de Noël, des dizaines d’hommes sortent de leurs tranchées et se retrouvent dans le no man’s land, sympathisant avec l’adversaire, échangeant chocolat, cigarettes, verres de vin ou menus objets. Des photos sont prises, des parties de football sont improvisées. Les trois autres Noël de la guerre, sans être témoins de fraternisations aussi intenses, donneront lieu également à des suspensions d’hostilité, des chants religieux entonnés et repris par tous, des échanges de cadeaux lancés d’une tranchée à l’autre.
Le sens vécu de Noël
Les trêves de Noël vécues pendant la Première Guerre mondiale ne remettent nullement en cause le patriotisme des soldats. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces fraternisations entre ennemis. Elles correspondent tout d’abord à un moment de détente salutaire, et à une tentative bien légitime d’humaniser la guerre. Elles viennent aussi assouvir la curiosité des hommes pour un ennemi que l’on entend vivre dans la tranchée adverse, parfois à quelques dizaines de mètres seulement. Cependant, l’élément déclencheur et unificateur est bien évidemment la fête de Noël, qui apparaît pour tous comme une date sacrée, un jour où il est impossible de tuer. Pour les hommes qui participèrent à ces fraternisations, jamais le sens de Noël ne put être vécu de façon plus intense. En célébrant la naissance du Prince de la paix, ils s’attachèrent pendant quelques heures à considérer leur ennemi comme un frère, et à vivre avec lui la paix destinée aux hommes de bonne volonté.