Après des semaines de tergiversations, Hassan Diab a finalement été nommé premier ministre du Liban ce jeudi 19 décembre. Il succède à Saad Hariri, qui a démissionné fin octobre face à la pression de la rue. Les manifestants, qui réclament plus de transparence, estiment ne pas avoir été entendus.
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Carine Lahoud-Tatar est docteur en science politique, diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris, et professeur à l’Institut des sciences politiques de l’université Saint-Joseph de Beyrouth. Selon elle, même si Hassan Diab se présente comme un technocrate qui ne fait pas partie de la classe politique traditionnelle, sa procédure de nomination est restée très floue.
Aleteia : Hassan Diab est un universitaire peu connu du grand public, qui arbore un profil idéal. Pourquoi sa nomination n’a-t-elle pas permis de calmer les manifestations ?
Carine Lahoud-Tatar : Plusieurs facteurs expliquent que les manifestations continuent. Les protestataires réclamaient un candidat issu de la société civile, mais Hassan Diab a quand même été ministre du gouvernement de Najib Mikati de 2011 à 2014. Apparemment, il serait très proche du président de l’Assemblée nationale Nabih Berri, le chef du mouvement Amal. De plus, la procédure de sa nomination d’Hassan Diab est restée très floue. Il est sorti du chapeau de Nabih Berri à 2h30 du matin, alors que les consultations contraignantes du Parlement devaient avoir lieu le lendemain. Sa nomination est le fait d’un accord entre les députés du Hezbollah, du Amal, et du Courant patriotique libre (CPL), mais les autres partis politiques regrettent de ne pas avoir été plus consultés.
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La tradition libanaise veut qu’il y ait toujours un consensus religieux. Et d’une manière générale, les vœux des députés sunnites sont souvent écoutés. Là, Hassan Diab et certes un candidat sunnite, mais il a été a imposé et ne représente rien au sein de la communauté sunnite. Donc les sunnites estiment être les grands perdants de la mobilisation, puisque les chiites et les chrétiens sont toujours représentés. Dans ces conditions, ils préfèreraient encore que Saad Hariri revienne.
La Banque mondiale a récemment affirmé que le pays devrait connaître une récession de 0,2 % en 2019, subissant de plein fouet de la crise actuelle. De plus en plus de clients veulent au plus vite retirer leurs économies dans les banques… Le pays peut-il éviter la banqueroute ?
Cela me semble très difficile. La presse étrangère parle d’un premier ministre très proche du Hezbollah et des mouvements chiites, mais la communauté internationale a pourtant été très claire : si vous voulez recevoir une aide financière, il faut un gouvernement complètement indépendant du Hezbollah. Pour l’instant, on ne sait même pas si Hassan Diab va parvenir à former un gouvernement, mais cela semble compliqué sans la confiance de la rue et de la communauté internationale.
Il n’y a aucune raison pour que les manifestants qui ne sont pas satisfaits par la nomination d’Hassan Diab finissent par lâcher. Ils sont tellement désespérés qu’ils se disent que s’ils veulent changer le système et en finir avec la corruption, c’est maintenant ou jamais. Dès le mois de janvier-février, le Liban va se retrouver dans l’œil du cyclone concernant la crise économique et financière.
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