Il aura passé trois années au service du pape François, dans les rangs de la Garde suisse. Vincent Perritaz, 26 ans, a décidé de conclure son aventure vaticane de la même manière qu’il l’avait commencé, en pèlerin, par la célèbre Via Francigena. Récit d’une conversion intérieure.Vincent Perritaz revient de loin. Bien sûr, il a parcouru à pieds des centaines de kilomètres, que ce soit sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle ou celui de la Via Francigena. Mais son plus long voyage, celui qui a bouleversé sa vie, a commencé il y a quatre ans. « C’était en 2015, j’avais 21 ans », se souvient le jeune homme. « En marchant sur le chemin de Compostelle, j’ai longuement réfléchi à ma vie, à ma foi. J’étais baptisé, j’avais fait ma confirmation mais je n’avais pas de conviction religieuse », explique-t-il d’une voix calme. « À un moment, j’ai compris qu’en tournant mon regard vers le Christ, je voyais un horizon très, très lointain. Mais pour l’atteindre, c’est comme s’il y a avait un terrain infranchissable : j’ai réalisé que je ne connaissais pas grand-chose, que je n’avais aucune pratique ». Au fil des kilomètres, laissant son esprit vagabonder, il réalise que la Garde suisse serait le meilleur moyen pour lui de découvrir le Christ. « Quoi de mieux qu’être au service du Saint-Père, au Vatican ? Je me suis dit que c’était un bon point de départ pour parcourir cette distance ». Ou plus exactement pour apprendre à parcourir cette distance.
C’est en pèlerin, arpentant la Via Francigena, qu’il arrive à Rome. Pendant trois ans, du 31 mai 2016 au 31 mai 2019, Vincent Perritaz revêt l’uniforme chatoyant des gardes suisses. « Être garde suisse, c’est avoir la chance de servir le Saint-Père, d’être directement à son service. C’est de vivre et grandir dans le cœur magistériel de l’Église. J’y ai noué de nombreuses amitiés, j’ai rencontré beaucoup de prêtres travaillant dans des domaines variés ». Que ce soit des chefs d’État, des célébrités ou des anonymes, tous les invités du Saint-Père passent entre les mains de la Garde suisse. « Quand on est garde suisse, on voit le visage universel de l’Église. Le monde entier vient voir le Pape, par conséquent nous voyons le monde entier ».
Chef de l’Église catholique, le Pape, outre son rôle de pasteur, est aussi un chef d’État. François est le 266e pape d’une longue liste ininterrompue depuis saint Pierre. Au fil des siècles, il a hérité de nombreux noms qui mettent en lumière différents aspects de son ministère. « Parmi ses nombreux titres, il y a « serviteur des serviteurs de Dieu ». Le pape François l’incarne parfaitement, il se donne corps et âme pour l’Église du Christ, que ce soit lors des audiences générales ou dans des cercles plus privés. Il ne s’est pas assis sur le trône comme un roi mais l’utilise pour servir. François s’assoit sur ce trône pour porter l’Église et marcher avec elle. Lors d’une interview où un journaliste lui demandait comment il se sentait lorsqu’il arrivait sur la place Saint-Pierre, il avait répondu qu’il se sentait comme l’âne qui portait le Christ lors de son entrée à Jérusalem. Je pense que c’est exactement comme ça qu’il faut le voir, comme quelqu’un qui vient porter le Christ », assure Vincent Perritaz. « J’étais là pour le servir mais quand j’étais en contact avec lui, j’avais l’impression que c’était lui qui me servait ». Il décrit le souverain pontife comme un homme attentionné, proche des gens. « Dans la même journée, il va pouvoir rencontrer 20.000 personnes en audience générales, des personnalités l’après-midi… Mais il est à 100% présent à la personne au moment où il est avec elle.
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Au-delà du Pape, être garde suisse, c’est vivre au Vatican. « Le fait d’y vivre permet d’enlever le voile de fantasmes que beaucoup de médias portent, véhiculent sur lui », souligne encore le jeune homme. « Le Vatican n’est pas le cœur de l’Église. Il est le siège de l’autorité du magistère, il est le dépositaire de la foi mais le cœur de l’Église c’est la foi et l’objet de la foi est le Christ ressuscité ». À titre personnel, il reconnaît une certaine difficulté : « Quand on est garde suisse, on vit au Vatican. Parfois, il peut y avoir une certaine complaisance à se dire que comme on travaille pour le Pape, on sert forcément l’église et on fait du bien donc on se repose dessus ». « Il ne faut pas perdre de vue l’intérêt de faire les choses par charité », assure Vincent Perritaz. « Et il n’y a pas besoin de travailler au Vatican pour servir l’Église ».
“L’expérience la plus forte que j’ai reçue sur ce chemin est la confiance et l’accompagnement de Dieu dans nos vies.”
Au bout de trois ans, il décide néanmoins de partir. « L’engagement standard d’un garde c’est deux ans, je l’ai renouvelé pour un an. Mais je ne me voyais pas garde toute ma vie ». Il finit par choisir de partir comme il est arrivé, en pèlerin, en empruntant la Via Francigena. Au-delà des kilomètres, de Rome à Cantorbéry, Vincent Perritaz relit ces dernières années, vécues au côté du Pape. Il pense être seul, sur la route, et pourtant… Il l’accompagne. Au fil des kilomètres le bruit intérieur s’estompe jusqu’à cesser complètement. « L’expérience la plus forte que j’ai reçue sur ce chemin est la confiance et l’accompagnement de Dieu dans nos vies. C’est ce qui m’a renversé. Le silence intérieur devient alors parole, il devient habité ». Si à l’aller il lui aura fallu 43 jours pour faire la Via Francigena, 37 jours lui suffiront au retour.
Sur la route, le passage de Jésus marchant sur l’eau lui revient régulièrement à l’esprit. « Quand Jésus demande à Pierre de le suivre, il y va. Mais il prend peur et commence à s’enfoncer. C’est exactement ce que j’ai ressenti : quand je me suis trompé d’itinéraire, que je n’ai pas marché aussi vite que je le souhaitais… j’ai senti de la colère en moi, de l’énervement. Mais c’était en fait un manque de confiance en Dieu. J’ai voulu faire ma volonté et non la sienne. Comme Pierre, finalement. Cette colère nait du fait qu’on va plutôt contempler sa chute dans l’eau que de regarder le Christ. Mais ce qui est plus beau, c’est que Jésus n’est pas représenté comme une bouée mais carrément au-dessus de l’eau ! Il faut s’entraîner à regarder le Christ ».
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Vincent Perritaz est désormais étudiant en théologie à Fribourg. « Pour être en cohérence avec moi-même j’ai envie de m’imprégner chaque jour un peu plus de la Parole de Dieu », indique-t-il. « Je veux que ses projets soient mes projets et devenir ainsi artisan de sa volonté ». C’est habité de ses doutes et de ses attentes que Vincent Perritaz est allé à Rome pour rejoindre la Garde suisse et chercher Dieu. « Sur le chemin aller j’ai semé mes graines d’espérance », résume le jeune homme. « Au retour, j’en ai récolté les fruits ».