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Pourquoi lire (ou relire) Étienne Gilson aujourd’hui ?

ETIENNE GILSON
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Florian Michel - publié le 18/12/19
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La parution des “Œuvres complètes” d’Étienne Gilson aux éditions Vrin permet de redécouvrir l’influence magistrale d’un philosophe chrétien engagé, dans l’Église de l’après-concile et dans la société. Auteur de sa biographie intellectuelle, Florian Michel rappelle comment l’œuvre de l’académicien peut éclairer encore le passage de témoins entre les générations catholiques.

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Depuis deux ans, la maison d’édition Vrin, située place de la Sorbonne, donne une nouvelle visibilité à la figure et aux travaux d’Étienne Gilson (1884-1978) par la publication d’une série de volumes d’études et par l’annonce officielle d’autres éditions encore à paraître.

Une influence magistrale

Au printemps 2018, paraissait la première biographie « intellectuelle et politique » d’Étienne Gilson, ouvrage primé par l’Académie française en décembre 2019. Qui était Gilson ? Spécialiste de l’histoire de la philosophie médiévale, de saint Augustin à saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure, professeur au Collège de France, ce membre de l’Académie française était un éminent intellectuel catholique, philosophe ami et critique de la démocratie chrétienne, observateur lucide des évolutions de la vie ecclésiale depuis Pie XI jusque Paul VI. Il fût un maître influent des papes Jean Paul II, qui le donne en exemple dans l’encyclique Fides et Ratio (1998), et Benoît XVI, qui le rencontre à diverses reprises et le commente abondamment dans ses travaux universitaires. Étienne Gilson a exercé une influence remarquable, magistrale, sur le plan intellectuel et politique, pendant plus d’un demi-siècle de l’histoire de l’Église et de la France.

À la rentrée 2018, un opuscule, plus modeste dans ses ambitions et destiné à un public étudiant l’histoire politique et l’histoire des relations internationales, était consacré à ce que l’on a appelé dans les médias « l’Affaire Gilson ». Entre 1949 et 1951, contre Raymond Aron et contre les partis qui soutenaient la IVe République, farouchement opposé à la signature des accords de l’OTAN, Étienne Gilson plaidait pour une « neutralité armée » de la France et de l’Europe, sans inféodation à « l’allié américain », qui ne pouvait pas « garantir » la sécurité de l’Europe et dont l’opinion publique — par définition — était, et est encore, imprévisible.

Des textes de feu

Plus substantiellement, en ce mois de décembre 2019, Vrin a lancé la publication de la série des Œuvres complètes d’Étienne Gilson, sous la direction éditoriale d’une huitaine d’universitaires, dont le Fr. Thierry-Dominique Humbrecht, Alain de Libera (Collège de France) et Jean-Luc Marion (Académie française). Longtemps dispersée dans de nombreux volumes, fragmentée dans de multiples journaux et revues, rendue inaccessible de ce fait, l’œuvre de Gilson était devenue, sous certains aspects, inconnue et inintelligible pour le lecteur contemporain. Le premier tome de la série publie plus de cent-quinze textes du « philosophe dans la cité » (1908-1943) : cours, discours, articles, recensions, interventions radiophoniques, entretiens parus dans la presse, ouvrages (dont Pour un ordre catholique de 1934), etc.


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Ce volume contient des textes de feu, qui n’ont rien perdu de leur pertinence et résolvent certaines des tensions essentielles au christianisme : « La vraie tradition catholique, écrit Gilson, est là dans la continuité, et l’inébranlable fidélité à soi-même, qui permettent seules de créer. […] J’aimerais penser qu’un jour viendra où devant la marée montante du matérialisme et du machinisme, le catholicisme s’engagera à fond dans la lutte pour les droits de l’âme et de la vie religieuse avec l’intégralité de sa tradition » (1925, p. 409).

La raison et la foi

Pourquoi lire ou relire Étienne Gilson aujourd’hui ? Les raisons ne manquent pas, et on en a déjà aperçu quelques-unes. Pour le dire avec les termes de Jean Paul II, Gilson est un « exemple significatif » d’une « voie de recherche philosophique qui a tiré un grand profit de sa confrontation avec les données de la foi ». Ses travaux sur saint Thomas, sur la philosophie médiévale, sur L’Être et l’Essence, sont de premier ordre. Selon la formule de Paul VI, Gilson a également porté « des paroles de bon sens, de sagesse et de fidélité ». 


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À ces raisons ecclésiales, signalons aussi des raisons de tempérament et de style. Gilson a une plume savoureuse, claire, inimitable, qui traduit un esprit lucide, tranché, voire « léonin » et parfois polémiste. Jean Guitton écrivait en ce sens en 1978 : « C’est bien en forme de lion que Gilson m’apparut, secouant sa crinière, affirmatif et même dogmatique, truculent, plantureux, débordant de vie et de certitude, jouissant de ses paradoxes. »

Le retour du consubstantialem

Gilson, par l’ampleur de ses travaux, révèle également le fruit de l’effort intellectuel, le sens de la longue durée de l’histoire, la profondeur de la tradition, le sens de la mesure et de la confiance. Ce n’est pas nous qui « sauvons » la vérité ; c’est la vérité qui nous sauve, écrit-il à un ami tenté par le schisme. Contre les extrêmes de tous les bords, il rappelle que « mal suivre les ordonnances du Concile n’autorise pas les autres à refuser de s’y soumettre ». L’actualité la plus récente de l’Église montre par ailleurs combien certaines analyses de Gilson, fondées sur la longue durée, étaient justes. L’annonce, en novembre 2019, du rétablissement dans le Credo de Nicée de la formule « consubstantiel au Père » avait ainsi été… prévue par Gilson dès le mois de décembre 1965 : « Le consubstantialem, écrit-il à un ami, est assuré de retrouver sa place, parce qu’il est inconcevable qu’un synode local abolisse le concile de Nicée ». Et à un autre ami, dans la tourmente post-conciliaire, Gilson tire le bilan d’une vie de réflexions : « Je sais à présent que je n’avais rien de neuf à dire, sinon que le vieux ne devrait pas être oublié, quand il est vrai, sous prétexte qu’il n’est plus neuf… »

Le passage de témoin entre deux moments de la vie de l’Église, la transmission, ou la rupture de transmission sur certains points, entre les générations catholiques, sont ainsi éclairés par l’œuvre d’Étienne Gilson.

Un philosophe dans la cité

Vrin

Un philosophe dans la cité (1908-1943), d’Étienne Gilson, Vrin, Décembre 2019, 816 pages, 38 euros. 

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