Ariane Geiger Hiriart a vécu avec son mari un incroyable parcours de conversion. Totalement agnostiques, ils vivaient comme si Dieu n’existait pas.
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Lorsque leur enfant unique meurt d’une leucémie foudroyante, Ariane planifie son suicide. Son mari Jacques parvient à l’en dissuader en lui demandant d’abord de chercher s’il y a quelque chose après la mort. Commence alors une recherche tous azimuts dans l’ésotérisme, le spiritisme, les religions… Des rencontres providentielles les mettent sur le chemin de la foi en Jésus-Christ. Transformés, ils se mettent au service d’une tribu persécutée d’Afghanistan et partent s’installer à Kaboul. Aujourd’hui, Ariane se confie à Aleteia.
Aleteia : Petite fille, vous aviez « donné votre cœur à Jésus ». Que s’est-il passé ensuite pour que vous le rejetiez ?
Ariane Geiger Hiriart : Après la mort de mon père, j’ai été scolarisée très jeune dans une pension particulièrement stricte tenue par des religieuses. À cette époque, en 1955, Dolto n’était pas passée par là et les religieuses ne manifestaient aucune affection aux enfants. Je voulais retrouver Jésus en action, j’ai déchanté. J’ai même été tellement malheureuse que j’ai voulu mourir. J’avais une grande soif de vérité et un caractère rebelle et je n’ai pas compris l’exemple que les sœurs nous donnaient. Quand on m’a obligée à faire ma communion solennelle j’ai crié intérieurement : « Non ! Si la foi, c’est cette hypocrisie, je n’en veux pas ! ». Je suis devenue une fille sans foi ni loi. Puis, je me suis mariée avec Jacques, déçu lui aussi par la pratique religieuse mais pas pour les mêmes raisons. Nous avons vécu comme si Dieu n’existait pas. Nous nous aimions et la naissance de notre fils Franz nous a comblés de joie. Nous sommes devenus boulangers à Colmar et avons projeté de gagner suffisamment d’argent pour partir nous installer en Australie. Tous les trois, nous étions soudés ensemble et rien d’autre ne comptait.
Mais la maladie de votre petit garçon a tout bouleversé…
Il avait 10 ans quand le diagnostic est tombé : leucémie. Nous avions tellement rejeté Dieu que nous n’avons même pas pensé à le prier. Nous pensions que la force de notre amour et les traitements pouvaient le guérir. Puisqu’il n’existait pas pour nous, nous ne lui en avons même pas voulu de la maladie et de la mort de notre enfant. Quand il est mort six mois plus tard, le 25 août, cela a été un tremblement de terre. Tout s’est écroulé : l’argent, la belle voiture, notre projet. Il n’y avait plus qu’un trou béant et dans ce trou, il n’y avait rien. Je ne voulais plus voir personne, nous vivions dans notre arrière-boutique que nous appelions la « boîte à chaussures ».
Vous avez alors pensé au suicide ?
J’avais tout préparé, les médicaments, l’alcool. J’ai dit à Jacques : « Je n’en peux plus, je n’ai plus aucun intérêt de vivre. » Et lui, a eu cette phrase venue tout droit du cœur de Dieu, inspirée du Saint-Esprit : « Je n’en peux plus moi aussi, mais serait-ce la meilleure façon de retrouver Franz ? Nous devrions d’abord chercher et essayer de voir si un Dieu existe quelque part et s’il y a quelque chose après cette vie. Si on ne trouve rien de solide, tu le feras et moi aussi ». Cela m’a stoppée net. Nous avons commencé une recherche tous azimuts par nos propres moyens, approché différentes pratiques dont le spiritisme, lu beaucoup de livres sur la vie après la mort, le New Age, la réincarnation…
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Avec Jacques, vous tenez toujours une croissanterie et, alors que vous ne voulez toujours voir personne, des clients vont vous aider…
Le Seigneur nous a envoyé Élisabeth, une catholique convaincue, que je n’ai jamais revue depuis. Elle est devenue notre amie. Elle a insisté pour que nous allions faire une retraite à l’abbaye d’Hautecombe, alors habitée par une communauté de Bénédictins. Elle nous a recommandé à un moine, Marc-François Lacan, un moine très proche des dirigeants du Chemin Neuf et de l’Emmanuel. Il nous a pris en amitié.
“La Bible est devenue notre compagnon de chaque jour.”
Tous les matins, nous avions un entretien avec lui. Je pleurais, Jacques posait des questions un peu agressives. Au bout de huit jours, nous devions partir très tôt, il est sorti de la chapelle où il priait la nuit et nous a proposé d’acheter la Bible. Il a écrit sur la première page les références de l’Évangile de Luc 10, 42 (Marthe et Marie) et la phrase : « Ce qu’il faut est unique : écouter la Parole ». Nous étions le 29 juillet 1989. À partir de là, nous nous sommes vraiment convertis. Nous étions convaincus que Dieu nous parle à travers la Bible. Elle est devenue notre compagnon de chaque jour.
Aviez-vous toujours envie de vous suicider ?
Oui. Ce n’est pas parce que j’étais devenue chrétienne que la tristesse s’était envolée mais à chaque fois, il y avait quelqu’un qui entrait pour me sortir de mes idées noires : par exemple cette Élisabeth ou Luc, un frère franciscain qui est au ciel aujourd’hui. Nous avions encore beaucoup de révoltes mais jamais contre Dieu, seulement dans la façon dont il nous était parfois présenté. Nous avons couru partout où il y avait des grands rassemblements. Catholiques, protestants, la couleur de l’église nous importait peu et en Alsace des réunions de prière œcuméniques sont fréquentes. Et c’est ainsi que nous sommes devenus chrétiens de cœur.
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Aujourd’hui, je vis toujours l’absence de mon petit garçon au quotidien mais avec beaucoup plus d’apaisement qu’avant. Je connais de grands moments de tristesse mais la foi me donne de continuer à avancer malgré la souffrance.
Continuant votre chemin, vous avez fondez l’ONG Le Pélican. Pourquoi ?
Après avoir rencontré le Seigneur et sans notre fils, notre idée d’aller nous installer en Australie nous a paru creuse. Nous avons répondu à une annonce d’une association humanitaire publiée dans un journal chrétien. Elle cherchait un couple parlant anglais et sans enfant en bas âge. Nous nous sommes engagés et avons été envoyés en Afghanistan. Là, nous avons pris la mesure de l’extrême pauvreté et du besoin d’éducation. Notre projet a mûri et nous avons créé une ONG, Le Pélican, qui œuvre particulièrement en faveur des Hazaras, une tribu afghane rejetée et persécutée à Kaboul. En 2002, nous nous y sommes installés et avons commencé notre travail. Les difficultés, les obstacles n’ont pas manqué — ils ne manquent toujours pas — mais je me souviens très bien de Jacques affirmant : « Ce n’est pas notre projet mais celui de Dieu. Par conséquent c’est lui qui va résoudre les problèmes ». En 2013, mon mari a été rapatrié à cause d’un cancer. Pendant sa maladie, j’ai prié : « Seigneur, guéris-le. Nous avons dit aux Afghans que nous allions revenir. Mais, comme ton fils à Gethsémani, que ta volonté soit faite ». Et même si notre projet était au nom du Seigneur, sa volonté était qu’il meure et Jacques est mort le 16 novembre 2013.
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Cela a été un arrachement, comme si on m’amputait une partie de moi-même. Je ne voulais plus voir personne, je n’allais plus à l’église. J’étais chez moi mais je restais connectée au ciel, je priais, je lisais la Bible. Je dis : « Seigneur je n’en peux plus, il faut que tu m’aides, je ne peux même plus me tuer car je suis devenue ton disciple ! ». Un jour j’étais par terre, en larmes, appuyée sur le canapé quand une intuition s’est inscrite profondément dans mon cœur : « Va dans ton église ». J’y suis allée et j’ai entendu un prêche sur le livre des Juges et sur l’histoire de Gédéon auquel le Seigneur dit : « Je t’ai choisi pour combattre les Madianites. Va avec la force que tu as. C’est moi qui te donnerai la force ». J’ai pensé que Dieu me répondait par cette phrase : « Va avec la force que tu as ».
Êtes-vous retournée en Afghanistan ?
Ma place est là au milieu des Hazaras. J’essaye de tout mon cœur de suivre Jésus. Je n’ai plus Jacques avec moi mais j’ai Jésus avec moi. Aujourd’hui, Le Pélican a deux écoles dont une pour les enfants sourds et 48 salariés. Le Seigneur bénit son œuvre. Nous sommes dans un pays en guerre. Les talibans et Daech font toujours la loi et ils détestent les Hazaras. Toute l’école est verrouillée par un important système de sécurité. La toute petite partie où j’habite est blindée. C’est franchement dangereux de vivre ici mais je ne vais pas, pour cette raison, abandonner des personnes que j’aime et qui m’aiment. Ces gens que j’aime, je veux le leur prouver en partageant leurs risques, leur inconfort. Je veux apporter l’amour du Seigneur là-bas. Je pense toujours à la phrase de Jésus : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
De Colmar à Kaboul, Ariane Geiger Hiriart, BLF éditions, juillet 2019, 16,90 euros.