Découvrez ces expressions que nous utilisons depuis notre plus jeune âge. Certaines ont tellement imprégné notre culture qu’on ne soupçonne pas qu’elles puissent avoir une origine biblique. Aujourd’hui : un judas.
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Pierre, Jean, Philippe, Thomas, Luc, Matthieu… dans les cultures chrétiennes, les noms des apôtres de Jésus sont devenus des prénoms classiques et indémodables qui traversent les générations. L’un d’entre eux fait pourtant exception à la règle : Judas. Le prénom du disciple qui a trahi Jésus et l’a livré à ses ennemis suscite chez les chrétiens une réaction instinctive de rejet. Impopulaire, tacitement interdit, il est devenu un nom commun dont le sens courant est traître. Bref, un prénom aussi difficile à donner qu’à porter ! La trahison de Judas est d’autant plus révoltante qu’il l’accompagne d’un baiser, geste normalement synonyme d’amour ou d’affection qui devient là le baiser de la mort.
“Jésus parlait encore quand Judas, l’un des Douze, arriva et avec lui une foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres, les scribes et les anciens. Or, celui qui le livrait leur avait donné un signe convenu : “Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le, et emmenez-le sous bonne garde.” À peine arrivé, Judas, s’approchant de Jésus, lui dit : “Rabbi !” Et il l’embrassa.” (Mc 14, 43-45)
L’expression est restée, Judas est le traître, le baiser de Judas est le baiser du traître, celui d’une personne qui, sous couvert d’amitié ou d’affection trahit de la façon la plus méprisable. Cette trahison et ce baiser sont devenus au cours des siècles le symbole de toutes les tromperies, les infidélités.
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Le mot judas désigne également, comme le détaille le dictionnaire de l’Académie Française, « une petite ouverture, fermée d’une grille, d’un grillage, d’une trappe amovible pratiquée généralement dans une porte, parfois dans une cloison, plus rarement dans un plafond ou un plancher, et permettant de voir sans être vu ». Une définition qui reste dans le même esprit de dissimulation, à l’image de Judas, en apparence compagnon de Jésus et des apôtres, en réalité de mèche avec des grands prêtres et des pharisiens.
Une figure ambiguë et énigmatique
Traître par excellence, Judas ne pouvait avoir qu’une fin tragique. Les récits bibliques en donnent deux versions différentes : d’après l’évangile de saint Matthieu, Judas, pris de remords, se serait suicidé (Mt 27, 5) tandis que dans les Actes de Apôtres, il se serait blessé mortellement :
“Puis, avec le salaire de l’injustice, il acheta un domaine ; il tomba la tête la première, son ventre éclata, et toutes ses entrailles se répandirent.” (Ac 1, 18).
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Cette description sordide et violente apparaît comme le « juste » retour d’un acte ignominieux. Et pourtant, tout n’est peut-être pas aussi simple qu’il n’y paraît et Judas est certainement l’une des figures les plus ambiguës et énigmatiques des Écritures. Son personnage a fait couler beaucoup d’encre et continue de susciter de nombreuses interrogations. La cupidité était-elle la seule motivation de sa trahison ? Était-il possédé par le diable (Jn 13, 2, Lc 22, 3) ? Lui qui attendait la libération militaire et politique de son pays, a-t-il été déçu par Jésus qui prônait l’amour et la non-violence ? Ou au contraire était-il complice avec lui ? A-t-il été un instrument du salut ? Pourquoi Jésus l’a-t-il choisi et lui a-t-il accordé sa confiance ?
Dans son ouvrage Judas, le coupable idéal, paru chez Albin Michel en 2018, la bibliste Anne Soupa développe la thèse selon laquelle la figure de Judas aurait permis de décharger les autres disciples d’une culpabilité collective, trop lourde à porter. À la façon du bouc émissaire, il les libérerait ainsi de la culpabilité d’avoir abandonné Jésus, tous s’étant enfuis ou l’ayant renié. Seul saint Jean est présent au pied de la croix.
Lors d’une entrevue avec les Dominicains de Belgique, Anne Soupa avance que « cette vision donne une fonction essentielle à Judas, [..] Jésus savait que Judas allait le livrer, il ne l’a pas écarté, il l’a gardé avec lui, il a partagé son dernier repas avec lui et lui a lavé les pieds comme à Pierre ». Un geste qui, pour l’auteure, montre que Jésus accordait d’avance son pardon à Judas. Un pardon dont Judas a douté… Car finalement, la grande faute de Judas, au-delà d’avoir livré Jésus, est d’avoir douté de sa miséricorde, lui qui jusqu’au bout l’appelle « mon ami ».
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Jésus lui dit : « Mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le ! » (Mt 26, 50). C’est pour nous, analysait le pape Benoît XVI lors d’une audience générale en 2006, « une invitation à toujours nous rappeler ce que dit saint Benoît à la fin du chapitre V de sa Règle, qui est fondamental : Ne désespère jamais de la miséricorde divine ».