Le gouvernement s’est engagé à maintenir l’enveloppe allouée aux droits familiaux dans son projet de réforme des retraites, mais plusieurs mesures envisagées soulèvent l’inquiétude des familles. Plusieurs propositions ont été faites pour rendre la réforme à la fois plus juste et moins coûteuse auprès des députés de l’Entente parlementaire pour la famille par le mouvement Make Mothers Matter (MMM) France, auditionné ce 10 décembre à l’Assemblée nationale.
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Les Français ont bien compris que la réforme des retraites était inéluctable si nous voulons laisser aux générations à venir un système qui fonctionne et qui soit supportable financièrement. Dans une réforme qui va nécessairement demander des efforts, il est impératif d’être le plus juste possible : les efforts requis doivent être raisonnables et partagés pour être acceptables du plus grand nombre possible de nos concitoyens. D’où la question : est-il possible de faire une réforme des retraites juste pour les familles, sans lesquelles il ne peut y avoir d’enfants pour financer l’avenir, sans surcoût excessif ?
Le gouvernement l’a dit : il veut faire sa réforme en maintenant l’enveloppe allouée aux droits familiaux. Les droits familiaux, ce sont l’ensemble des bonifications de retraite dont bénéficient les familles pour rétribuer aussi justement que possible le temps et l’argent qu’elles consacrent à éduquer et entretenir la génération qui vient. Comment parvenir à financer ces droits en respectant la réalité familiale ? Plusieurs propositions ont été soumises ce 10 décembre aux députés de l’Entente parlementaire pour la famille, en réponse aux propositions connues du projet du gouvernement :
Prendre en compte chaque naissance
Première proposition : attribuer des droits à la retraite correspondant à deux ans de salaire moyen (5% d’une carrière) pour la naissance de chaque enfant. Le rapport Delevoye recommande la suppression des huit trimestres dont bénéficient les salariés du privé (quatre chez les fonctionnaires) pour chaque enfant. Or huit trimestres, cela correspond à 5% du total des trimestres exigés pour avoir une retraite à taux plein : ils seraient remplacés par une bonification de 5% du total de la pension pour chaque enfant élevé. Les conditions de transfert ou de partage avec le père sont identiques à celles des trimestres actuels de bonification. Pourtant les bénéficiaires ne seraient pas les mêmes : les trimestres de bonification sont utiles aux mères ayant des carrières incomplètes. La bonification de 5% bénéficierait surtout aux femmes n’ayant jamais interrompu leur carrière. Pour reconnaître le temps qu’une mère ou qu’un père doit consacrer à son enfant, il serait plus juste d’attribuer des droits à la retraite correspondant à deux ans de salaire moyen (5% d’une carrière complète) pour la naissance de chaque enfant (bonification à attribuer comme pour les trimestres à la mère et transférable ou partageable avec le père). Le coût de cette mesure est identique à celui des 5% de bonification préconisé par le gouvernement.
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Deuxième proposition : maintenir la bonification de 10% dont bénéficient les deux parents des familles ayant élevé trois enfants. Le gouvernement prévoit de supprimer les 10% de bonification dont bénéficient les deux parents des familles ayant élevé trois enfants et plus. Gérald Darmanin s’était pourtant engagé en avril 2019 à maintenir cette bonification. Dans le cadre d’un maintien de l’enveloppe alloué aux droits familiaux, il serait particulièrement injuste de réduire la pension des familles nombreuses qui investissent plus que les autres dans l’entretien et l’éducation de la génération qui vient, au détriment de leur propre capacité d’épargne pour assurer leurs vieux jours.
Protéger les familles d’enfants handicapés
Troisième piste : maintenir l’assurance vieillesse des parents au foyer pour les parents (AVPF) d’enfant handicapé. Le gouvernement a prévu de supprimer purement et simplement l’assurance-vieillesse qui assure des droits à la retraite sur la base du SMIC aux parents d’un enfant handicapé réduisant leur activité professionnelle pour prendre en charge eux-mêmes leur enfant. C’est particulièrement injuste envers ces parents qui font face du mieux qu’ils peuvent aux difficultés de leur enfant, s’engagent pour l’aider à surmonter le mieux possible son handicap et rendent par la même occasion un énorme service à la société en limitant les frais d’internat spécialisé.
Quatrième piste : créer des droits à la retraite sur la base du SMIC pour les parents en congé parental. Pour sa part, le gouvernement propose de verser des droits à la retraite sur la base de 60% du SMIC aux parents réduisant leur activité professionnelle pour garder eux-mêmes leur enfant dans le cadre d’un congé parental. Or le système de retraite à points envisagé, en donnant des droits à la retraite calculés sur la totalité de la carrière au lieu des 25 meilleures années (ou même des six derniers mois) est particulièrement pénalisant pour les parents qui, notamment quand ils ont plusieurs enfants, réduisent leur activité professionnelle pour s’engager dans l’éducation de leurs enfants. Il serait juste que les parents gardant leur enfant dans le cadre d’un congé parental qui économisent aux finances publiques le coût d’une crèche (1.350 € par enfant et par mois) ou d’une assistante maternelle (850 € par enfant et par mois) ne soient pas massivement pénalisés pendant cette période. Des droits de retraite calculés sur la base du SMIC paraissent le minimum de justice à leur allouer.
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L’équité en cas de divorce
Cinquième recommandation : une répartition type des droits à retraite à proposer pour les couples qui divorcent. Le rapport Delevoye prévoit de supprimer la réversion pour les conjoints divorcés. Il appartiendrait aux juges de partager les points acquis par chacun des deux conjoints à l’occasion d’un divorce. Ceci supposerait lors de la promulgation de la réforme d’avoir des juges qui statuent sur tous les couples déjà divorcés auxquels s’appliquerait le nouveau système de retraite. Encombrement des tribunaux garanti ! Il y a fort à craindre également que les juges peinent à répartir équitablement les points lorsque l’un des conjoints a réduit ou interrompu son activité pour éduquer les enfants (c’est l’attitude qui prévaut aujourd’hui pour les pensions compensatoires de niveau de vie entre les ex-conjoints). Il serait utile de fixer une répartition type des points acquis au cours du mariage en cas de divorce. Les couples pourraient également s’entendre sur un partage différent (consentement mutuel). La justice trancherait uniquement les cas litigieux. Il serait souhaitable que chaque ex-conjoint garde pour lui 50% des points acquis au cours du mariage et partage 50/50 avec son ex-conjoint l’autre moitié des points acquis.