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« S’engager avec le cœur autant qu’avec l’esprit » pour sauver la beauté du monde

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Agnès Pinard Legry - publié le 03/12/19
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Changer son regard et s’émerveiller pour sauver la planète, c’est l’appel que lance Jean-Claude Guillebaud, ancien correspondant de guerre, dans son ouvrage « Sauver la beauté du monde ». Entretien.

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De la guerre du Biafra (Nigeria) à Sarajevo (ex-Yougoslavie), Jean-Claude Guillebaud a passé plus de 25 ans à couvrir des conflits. Récompensé par le prix Albert-Londres en 1972, il a suivi la plupart des conflits des années 1970, 1980 et 1990. « Au fil de mes reportages, j’ai appris que la beauté et la laideur se côtoyaient en permanence », explique-t-il. « La joie et l’accablement aussi. J’ai réalisé que dans les pires situations, les plus terribles et terrifiantes, des gens ne désarment pas, refusent de flancher ».

Aleteia : Grand reporter, vous avez reçu le prix Albert Londres en 1972 après avoir couvert de nombreux conflits, côtoyant de près l’horreur de la guerre. Cela vous a-t-il aidé, paradoxalement, à voir la beauté du monde ?
Jean-Claude Guillebaud : La beauté du monde absolument, mais aussi la beauté des gens. J’ai couvert ma première guerre au début des années 1970. Je venais de quitter la faculté de droit de Bordeaux dans laquelle je préparais l’agrégation en droit constitutionnel et d’être embauché comme journaliste à la rédaction de Sud Ouest. Pour mon premier reportage, le directeur de l’époque m’a envoyé couvrir la guerre du Biafra, au Nigeria. J’avais 23 ans, je n’avais jamais pris l’avion, je n’avais jamais vu un mort. Un de mes amis de l’époque qui était en médecine s’était porté volontaire pour la Croix rouge et était déjà là-bas, je suis donc parti en-dehors de la filière officielle, c’est-à-dire non en tant que médecin. Cela m’a permis de passer quatre semaines au plus près de la population. Tous les trois jours, des camions de l’armée biafraise nous amenait une soixantaine de blessés. Seule une trentaine survivait. Ce reportage, cette expérience, ça a été ma première rencontre avec la violence et la guerre. Et ça a décidé de la suite de ma carrière. Au fil de mes reportages, j’ai appris que la beauté et la laideur se côtoyaient en permanence. La joie et l’accablement aussi. J’ai réalisé que dans les pires situations, les plus terribles et terrifiantes, des gens ne désarment pas, refusent de flancher. Ils m’ont donné une leçon de dignité, d’espérance de courage et de sang-froid. Si j’avais sombré, j’aurais eu le sentiment de les tromper. Oui, je peux dire que depuis ce reportage au Biafra, je garde inexorablement un œil sur la beauté des gens.

Qu’est-ce que la beauté du monde ?
Il y a d’abord la beauté physique du monde. Dégradée sans cesse, elle n’en est pas moins toujours là. Il suffit de la regarder, de ne pas l’oublier : le vol délicat d’un oiseau, la couleur d’une fleur, la beauté d’un paysage… Et puis il y a la beauté morale, c’est ce que j’appelle les belles personnelles. Ce sont ceux qui font que, quand on les rencontre, on est content d’être humain comme eux. Ces personnes rayonnent, elles irradient de joie, de générosité et de présence au monde.


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Dans votre livre vous affirmez que c’est en prenant conscience de la beauté, de la splendeur du monde que nous sauverons la planète. À première vue cela peut paraître quand même un peu léger comme argument face au réchauffement climatique et aux différentes formes d’instabilités…
Depuis près de 30 ans, les études savantes et les modélisations de prévisions datées se sont multipliées à l’intention des politiques et des citoyens. On parle régulièrement des rapports du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, de l’IMT0, l’indice mondial de température terre-océan… Bien sûr, tout cela est nécessaire tout comme l’est l’obligation de formuler une réponse politique, économique etc. Mais espère-t-on vraiment soulever les foules et les énergies avec un tel discours ? Notre cerveau est capable de comprendre ces chiffres et ces concepts mais notre cœur n’en est pas forcément ému. Il faut donc y ajouter une dimension de passion, d’engagement. Je pense intimement que pour comprendre et sauver la beauté du monde, il ne faut pas être uniquement dans un discours doloriste et catastrophé mais aussi dans un discours qui encourage à s’engager avec le cœur autant qu’avec l’esprit.

Quelle place doit occuper la beauté dans le cœur de l’homme ?
La première ! Je me souviens d’une conversation avec un ami philosophe qui m’avait dit : « Vous savez Jean-Claude, il faut bien comprendre notre rapport entre la connaissance et le sentiment. Quand vous dites : j’aime cette femme parce que je la connais, vous vous trompez. Vous connaissez cette femme parce que vous l’aimez. L’amour, le sentiment, ce n’est pas le résultat d’un calcul algébrique ». C’est l’amour qui nous introduit à la connaissance. Il faut aimer la Terre, aimer notre planète si on veut la connaitre dans toutes ses dimensions et tout faire pour la sauver. Cela n’exclus pas un discours scientifiques et technologique mais il ne doit pas être sec.

“Ce qui compte sont des choses qui ne peuvent pas se compter, qui sont hors de portée des algorithmes et des statistiques.”

L’éducation à la beauté, à l’émerveillement est donc essentielle ?
Absolument. Le monde ne mourra pas par manque de beauté et de merveilles mais par manque d’émerveillement. Et je pense que cette éducation est d’autant plus urgente aujourd’hui que les choses mathématiques tendent à gouverner notre rapport au monde et excluent tout émerveillement et toute chose qui n’est pas comptable. C’est un sujet sur lequel j’ai longuement échangé avec Edgar Morin qui me disait : « Les gens finissent par confondre ce qui compte avec ce qui se compte ». Hors, précisément, ce qui compte sont des choses qui ne peuvent pas se compter, qui sont hors de portée des algorithmes et des statistiques. Le fracas de la mer qui bouleverse, le cirque de montagne qui efface la mélancolie, la musique d’un rire d’enfant qui réchauffe, le pas d’une femme qui interpelle… Oui, il faut éduquer à la beauté car la beauté fait lever en nous cette exaltation ravie qui ressemble au bonheur. C’est sur cet émerveillement continuel qu’il faut miser pour sauver la beauté du monde.

En tant que chrétien, avons-nous un devoir supplémentaire, une obligation de plus ?
Oui, nous avons une obligation spirituelle qu’est le partage. Toute notre vie, partager ce que nous avons reçu, ce que nous croyons, est notre premier devoir.

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L’Iconoclaste

Sauver la beauté du monde, Jean-Claude Guillebaud, L’Iconoclaste, octobre 2019, 17 euros.

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