« Discréditer le discours d’autrui en refusant d’entrer dans un dialogue intelligent, c’est de la censure. Une censure indirecte, mais de la censure. »
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Mgr Michel Aupetit a donné, lundi 25 novembre, un entretien au quotidien suisse 24 heures. Interrogé sur l’annulation par l’université de Bordeaux d’une conférence de la philosophe Sylviane Agacinski, opposante à l’extension de la PMA et à la GPA, il a réagi vivement : « La censure, contrairement à ce qu’on raconte, existe bel et bien en France, puisque quelqu’un qui pense autrement que la pensée majoritaire ne peut pas s’exprimer dans des lieux publics. Si on pense autrement, on est taxé de réactionnaire, d’homophobe… »
Discréditer, c’est censurer
L’archevêque de Paris exagère-t-il ? Après tout, la France est encore un pays de libre opinion. Il est toujours possible de s’exprimer sur ces sujets, de manifester, de défendre des options contraires à l’air du temps politico-médiatique. S’agissant de Sylviane Agacinski, ce n’est pas l’université qui l’a censurée, mais un petit groupe d’agitateurs qui est parvenu à intimider la direction de l’Université. Alors, pourquoi parler de « censure » ? Le mot est fort…
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Dans ce même entretien, Mgr Aupetit précise son propos de manière plus générale : « Discréditer le discours des autres en refusant d’entrer dans un dialogue intelligent fondé en raison, c’est de la censure, je suis désolé. Une censure indirecte, mais une censure quand même. »
Chez le psychiatre
C’est ici que le débat devient intéressant. Il ne s’agit pas de censure formelle, comme elle existe dans les régimes autoritaires, mais d’une autre forme de censure : une censure indirecte. Quand l’adversaire idéologique est disqualifié par principe sans que ses arguments soient étudiés au fond, c’est une manière de la mettre à l’écart de la chose civique, comme s’il était un élément dangereux qui perturbait l’agora.
“Si vous dites que votre adversaire est “phobe”, vous n’avez pas à argumenter, vous l’envoyez chez le psychiatre.”
Auteur de l’essai L’Empire du politiquement correct (Cerf), l’intellectuel québécois Mathieu Bock-Côté explique ainsi ce processus, dans un entretien donné à la revue Permanences : « Reconnaître un adversaire comme légitime, c’est admettre le noyau rationnel de sa pensée et le contredire sur le terrain de la rationalité. Si vous dites que votre adversaire est “phobe”, vous n’avez pas à argumenter, vous l’envoyez chez le psychiatre. »
Un dispositif inhibiteur
Et le sociologue de définir le processus du « politiquement correct » comme « un dispositif inhibiteur qui contribue à psychiatriser, à diaboliser ou à criminaliser ceux qui expriment un désaccord avec le régime “diversitaire” contemporain et ses avancées ». Et il ajoute : « C’est une manière de chasser de l’espace public, ou au minimum de ridiculiser ou décrédibiliser ceux qui ne suivent pas l’esprit du temps ou ne marchent pas à son rythme. C’est le nouveau système idéologique qui permet de contrôler l’espace public, de neutraliser l’adversaire politique. »
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Lutter contre ce « dispositif inhibiteur » commence par soi-même. En effet, le système du « politiquement correct » n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il produit l’auto-censure, tant il est vrai qu’exprimer certaines opinions demande aujourd’hui du courage. C’est ce courage qu’il faut cultiver ; et c’est une manière de cultiver la belle vertu de force.
Chronique publiée en partenariat avec Radio Espérance, 27 novembre 2019.