Après 23 années de ministère auprès des armées, le père Ducourneau vient de publier « Le café du Padre – Chroniques de vie d’un aumônier militaire » (Salvator). Coïncidence poignante, il répondait aux questions d’Aleteia alors que la France apprenait la mort de treize de ses soldats au Mali.Aleteia : Comment réagit un « Padre » à une tragédie aussi dure que celle qui vient de frapper l’armée française au Mali ?
Père Jean-Yves Ducourneau : C’est dans ces circonstances que l’on éprouve la valeur de la fraternité. La fraternité d’armes est aussi une fraternité de larmes. Et la mort de ces treize hommes représente un choc pour chacun d’entre nous. Ce sont des frères qui s’en vont. La mission des aumôniers militaires va être extrêmement difficile car il va falloir tirer cette tragédie vers l’espérance en s’en remettant à Dieu et à Sa Grâce, en particulier par la prière. Prier pour ceux qui sont partis, et pour ceux qui restent : j’ai une pensée toute particulière pour les épouses et les enfants de ces militaires qui étaient tous jeunes. Il va falloir leur montrer, en dépit des révoltes prévisibles, que l’armée demeure une famille. Cet accompagnement sera long et difficile. Ces hommes étaient des soldats en mission, loin de chez eux. Ils connaissaient la dangerosité de leur engagement. Le choc qui a nous a saisi ce matin montre que la France aime et respecte profondément son armée. N’oublions pas enfin que malgré nos morts, et c’est aussi une difficulté dans la vie d’un soldat, le combat contre le terrorisme jihadiste continue. En ce sens, nos soldats sont des héros, c’est-à-dire des hommes et des femmes capables de surpasser leurs émotions pour continuer à servir leur pays et donc chacun d’entre nous, capables de nous protéger contre le terrorisme.
L’aumônier n’est plus ce prêtre qui distribuait la communion sous le feu (même s’il est prêt à cela le cas échéant) : quelle est la “nouvelle” nature de votre mission ?
Le « Padre » est toujours celui qui vit de la communion et qui doit la distribuer, même si ce n’est plus de la même manière que durant la guerre de 1914-1918 par exemple. Vivant de la communion avec le Christ, il est appelé à la partager dans le « compagnonnage », c’est-à-dire dans le partage du pain quotidien qui permet de présenter, lorsque le temps le favorise, le pain du Christ. Bien entendu, il agrémente ce compagnonnage de sa disponibilité autour, par exemple, du « café du Padre » que l’on vient prendre dans son bureau et qui est toujours meilleur lorsque le sucre de l’histoire personnelle des soldats vient lui donner le bon goût de la vie partagée.
“Aujourd’hui, en plus des risques graves, les missions extérieures supposent un « déracinement » que les Padre prennent en comptent dans leur accompagnement quotidien”
La « nouvelle » nature de la mission est consécutive aux « nouvelles » missions des soldats qui sont, pour la plupart, envoyés au loin pour défendre les intérêts de la France, mission qu’ils ne choisissent pas mais reçoivent du pouvoir politique qu’ils acceptent de servir jusqu’au sacrifice possible de leur vie. Cela a commencé en Indochine ou en Algérie bien que ces régions étaient encore sous le régime français et s’est prolongé avec le Tchad, le Liban, le Golfe, les Balkans, puis les opérations des années 2000, comme l’Afghanistan et le Mali par exemple. La tragédie que nous avons apprise aujourd’hui nous le rappelle douloureusement. Durant les deux conflits mondiaux, les combats se déroulaient chez nous donc en lien avec nos racines. Aujourd’hui, en plus des risques graves, ces missions extérieures supposent un « déracinement » que les Padre prennent en comptent dans leur accompagnement quotidien, avec une dimension psychologique qu’ils ne doivent pas édulcorer.
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Pour autant, il s’agit de la « même » mission que celle de nos anciens aumôniers, celle qui consiste à être une présence d’Église là où l’Espérance, la Paix et la Joie sont battues en brèche par les évènements. Le Padre, volontaire et formé pour ça, est envoyé au cœur même de cette violence, car là où il y a de l’homme, il y a de l’âme.
En quoi le ministère très particulier que vous exercez offre-t-il, hors du diocèse aux Armées, des pistes nouvelles pour évangéliser dans un monde sécularisé ?
Ce ministère très particulier n’est pas un ministère à part. Il est un ministère d’Église, comme celui d’aumônier de prison et d’aumônier des gens de la rue, missions que j’ai déjà eu l’honneur de servir. L’Église est envoyée auprès des plus pauvres, ceux qui sont ou paraissent à la marge, comme le soulignait le pape François. Le diocèse aux armées n’est pas plus « original » qu’un autre diocèse, il est serviteur d’une communauté d’hommes et de femmes qui ont, aussi, leur histoire en dehors du cercle militaire, car, comme les autres, ils consomment, ils ont des enfants en école privée ou laïque, ils participent à des activités sociales, sportives et culturelles dans leurs lieux de vie, bien que l’exercice du « métier » de militaire ne soit pas codifié par des horaires journaliers classiques et que ce « métier » exige une disponibilité à toute épreuve, y compris celle du feu !
“En tant que serviteur, un “padre” reste humble et, comme tout prêtre, il doit exercer une autorité en lien avec celle du Christ, mais non un pouvoir, puisque le Christ y a renoncé dans son abaissement.”
Ceci étant dit, le Padre s’adapte à ce milieu particulier, il étudie ses codes, ses langages, il porte sa tenue, il respecte ses règles disciplinaires, il honore les chefs tout en assurant de son respect toute la hiérarchie militaire, du moins au plus gradé, puisque Dieu ne connaît pas les grades mais les cœurs. En tant que serviteur, il reste humble et, comme tout prêtre, il doit exercer une autorité en lien avec celle du Christ, mais non un pouvoir, puisque le Christ y a renoncé dans son abaissement. C’est un ministère souvent « isolé » en ce sens que l’aumônier est seul sur sa base, son régiment ou en école. Il doit donc, comme le montre la collégialité de l’Église, avoir de bons rapports fraternels avec le clergé civil local et bien entendu ses frères (et sœurs) aumôniers qu’il ne manque par de retrouver lors de réunions de travail ou de convivialité.
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Le message à donner est toujours, in fine, celui de l’Évangile, non pas comme une vérité acquise mais une vérité, ou plutôt LA vérité, proposée qui commence par cet humble compagnonnage que j’ai évoqué plus haut, parfois dans le « crapahut », parfois dans la douleur partagée de la perte d’un soldat (souvent d’une violente manière), mais aussi dans les rites de cérémonie et dans la joie d’une partage de rations de combat ou d’un « café du Padre », en accueillant bien entendu tout le monde mais aussi en se laissant accueillir. Pour ce faire, il ne doit pas être un Padre de sacristie, mais un Padre de contact.
L’appel au retour de la paternité dans le sacerdoce se fait de plus en plus prégnant. Quel type de paternité exercez-vous ? Partagez-vous ce besoin d’une paternité revivifiée dans l’Église ?
Revenons sur l’appellation de « Padre » qui explique déjà certaines choses. Ce mot espagnol veut dire « père » ou au pluriel « les parents », donc la notion de paternité est intrinsèquement liée à cette appellation que l’on peut qualifier d’affective. L’appellation officielle est « monsieur l’aumônier » qui, finalement, n’engage personne puisqu’elle est assez « neutre ». Lorsque le terme de « Padre » est donné à l’aumônier, il se crée, de fait, une relation sympathique, même si la personne qui l’emploie n’est pas catholique. Ce terme de « Padre », venant de la Légion étrangère lorsque celle-ci était grandement hispanophone (au XIXe siècle), s’est répandu dans toute l’armée française, principalement l’armée de terre. Il y a donc, en lui-même, la notion de paternité, au même titre que l’emploi du mot « Père », ou même « abbé » (abba, en hébreu, veut dire père), pour désigner monsieur le curé par exemple.
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Ceci étant dit, il convient de préciser que le Padre qui va au contact de ses frères militaires leur propose, non par un pouvoir mais uniquement par son charisme, sa disponibilité et son autorité (l’autorité fait grandir, le pouvoir écrase), ce que je dis dans mon livre « le café du Padre », d’être un « Re-Père », surtout lorsque les jeunes soldats n’ont plus en eux l’image et la présence d’une autorité masculine qui peut leur donner certains repères de vie quotidienne. Il ne s’agit pas de confondre les rôles et de posséder l’autre en faisant de ce « Re-Père » une puissance qui domine mais juste un relais, une balise de lumière (terme que j’emploie d’une manière récurrente dans plusieurs de mes livres) pour découvrir, in fine, la seule paternité qui fait de nous des fils et des frères, celle de Dieu Père. Or, il est clair que lorsque l’’image de la paternité familiale est brouillée, la paternité de Dieu est encore plus difficile à apprécier. Il ne faut donc pas que le prêtre use de son « autorité » pour en faire un obstacle, voire un scandale. En fait, il est évident que le « Padre » ne peut se prévaloir d’être un « Re-Père » que lorsqu’il se sait lui-même enfant de Dieu ayant besoin de sa miséricorde pour continuer à grandir et que lorsqu’il est persuadé que celui qu’il accueille est le Christ lui-même.
“Lors des opérations extérieures très dangereuses, j’ai vu des jeunes qui se découvraient et de fait, je les découvrais autre que ce que je pensais.”
Quel regard portez-vous sur l’armature psychique et morale des jeunes recrues qui rejoignent les armées, se fragilise-t-elle inexorablement ?
Il faut se méfier des « on dit » lorsqu’on évoque la psychologie des soldats. Notre jeunesse, du moins celle qui entre dans les enceintes militaires, est incontestablement généreuse. Elle vient chercher ce qu’elle espère trouver : une réalisation d’elle-même. Les instructeurs, dont l’aumônier peut humblement faire partie, sont là pour réveiller et accompagner ce dynamisme qui n’attend que ça. Lors des opérations extérieures très dangereuses, j’ai vu des jeunes qui se découvraient et de fait, je les découvrais autre que ce que je pensais, surtout lorsque je voyais leur visages encore candides juste avant de monter dans l’avion qui nous conduisait dans des endroits violents où la mort ne regarde pas l’âge de ceux qu’elle fauche. Certes, les fragilités sont là. Ce ne sont pas des robots sans âmes, ni sans larmes. Il y a la fatigue, la désillusion parfois, le fait de ne pas être reconnu dans ce qui se vit de délicat, la crainte de la mort ou de la blessure, et tout ce qui fait la vie humaine qui n’est pas étranger à la vie des soldats, loin s’en faut. Lorsqu’on perd un camarade, un « compagnon » avec lequel on a partagé tant et tant de choses en plus du pain, on a mal et on souffre, dans son cœur, dans son esprit et dans son corps. Mais c’est justement aussi pour cela que les aumôniers sont à leurs côtés.
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C’est pour cela que je parle également, lors d’homélies par exemple, de cette « technicité » qui n’a de « pouvoir » que si l’intériorité de l’être n’est pas en compote et qu’elle est aussi bien « entrainée » que le corps qui revêt cette technicité, qui malgré tout, n’est pas une garantie contre la blessure ou la mort. J’ai la chance d’avoir étudié, lors de ma formation initiale en théologie, la psychologie via l’analyse transactionnelle qui m’aide à « lire » les dits ou les non-dits de nos soldats sur leur éventuelle détresse intérieure, la grâce de Dieu aidant.
Quant au « Padre » lui-même, il n’est pas, non plus un super-héros. Étant un « soutien », une épaule et un « Re-Père » pour ses frères soldats dont il a la charge spirituelle au nom de l’Église, il doit lui-même avoir un soutien puisque sa mission en opérations extérieures peut l’isoler, non seulement géographiquement mais aussi spirituellement. Il est important qu’il sente que des communautés de métropole prient pour sa mission et les hommes qu’il porte au Christ. Il est important qu’il s’attache plus que jamais au Christ lui-même dans la prière et l’Eucharistie qu’il célèbre parfois sur des endroits aussi incongrus qu’une grosse pierre de désert, une caisse de munitions, un capot de voiture ou une table de campagne, même s’il peut aussi tout faire pour qu’une petite chapelle soit érigée au sein du camp de fortune, parfois même malgré l’opposition ou le scepticisme de la hiérarchie.
La figure de saint Vincent de Paul est régulièrement évoquée dans vos propos. Que faut-il retenir du message de ce grand saint pour aujourd’hui ? En quoi vous guide-t-il chaque jour ?
Je suis de la Congrégation de la Mission, fondée par saint Vincent de Paul en 1625. En France, on nous appelle les Lazaristes, du nom du lazaret, maison parisienne où l’on enfermait les lépreux et les aliénés que les familles ne voulaient plus, qui a été donnée à Vincent pour la formation des siens. Il est donc « naturel » que ce génial fondateur soit un de mes maîtres à penser spirituellement. Cet homme n’a jamais hésité, la grâce de Dieu aidant — comme il le dit lui-même — à aller vers tous ses frères en humanité, les pauvres bien entendu (qui restèrent sa priorité), mais aussi les plus aisés (bien souvent pauvres spirituellement) et les soldats (depuis 1636, des Lazaristes furent dépêchés dans les armées du roi), avec le souci de la « damnation des âmes » qui se perdaient sans Dieu. Qu’il fut aumônier des galères, de la reine Margot, celui du roi Louis XIII, conseiller spirituel de la reine Anne d’Autriche, membre du Conseil de Conscience du Royaume de France, créateur avec l’École française de Spiritualité (Bérulle, Jean Eudes, Jean-Jacques Ollier…) des premiers grands séminaires suite au Concile de Trente (XVIe siècle), mais aussi confesseur des plus pauvres des campagnes, prédicateur et fondateur de structures d’Église et de Charité (les Filles de la Charité, les Équipes dites de Saint-Vincent, l’Œuvre des Enfants trouvés), il a montré la « puissance » de l’Évangile à tous.
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Ceci me guide et me rassure dans mon indignité et mon imperfection. Il me pousse à ne jamais me décourager et à revenir de cœur et d’âme vers Celui qui, sans doute avec beaucoup d’humour au regard de mon parcours quelque peu chaotique, m’a montré qu’il était d’abord tout amour pour moi. Vincent de Paul me montre, grâce à Dieu, que je dois partager cet amour avec et dans ma propre pauvreté. Lorsque je sens que je m’embourbe dans les méandres vaseux, je me tourne vers la prière de saint Vincent : Seigneur tirez-nous après vous, c’est-à-dire, Seigneur, tu es le seul à pouvoir me guider et me sortir de ma propre boue. Je suis donc convaincu que ce ministère aux armées entre dans la spiritualité « vincentienne ». L’uniforme n’empêche pas la misère d’être au sein du monde militaire (misère matérielle, misère spirituelle, misère psychologique surtout face à la mort et la violence, misère familiale avec par exemple, un taux de divorce très élevé…). C’est d’ailleurs la Congrégation de la Mission elle-même qui, en répondant à l’appel de l’évêque aux Armées de l’époque (1996), m’a envoyé en mission dans ce monde.
Ce qui se vit dans les aumôneries des armées pourrait-il aussi s’avérer utile pour penser la laïcité aujourd’hui ? De quelle manière ?
Absolument. La laïcité n’étant pas l’athéisme, il est important de noter que la République française tient compte de la liberté de culte, la respecte et même la promeut. En 1880, sous un régime pas franchement favorable à l’Église, sont créées les trois aumôneries d’État : prisons, hôpitaux et armées, dans des lieux où, la mort frappant régulièrement, il était difficile d’avoir accès à cette liberté de culte ouvertement professée par un gouvernement socialiste franc-maçon. Il est donc important de signaler que ce n’est pas une entorse à la laïcité et que nous sommes, en tant « qu’aumôniers d’État », les garants de cette liberté de culte. Nous avons donc une « tenue » qui rappelle notre mission, c’est pourquoi nous devons la porter. Ce n’est pas une entorse à la laïcité que de porter la Croix de Jésus dans des milieux d’État, mais c’est une entorse à cette même laïcité quand des responsables de structures d’État empêchent les aumôniers officiellement nommée à ce poste de porter leurs attributs et obligent ces derniers à les cacher. Il s’agit là d’un abus de pouvoir et d’une méconnaissance des lois de notre pays. Les deux autres aumôneries d’État peuvent, à ce titre, prendre exemple sur l’aumônerie militaire, dont les aumôniers de tous les cultes portent, sans opposition aucune, leur signe distinctif, soit la croix pour les aumôniers catholiques et protestants, soit le croissant pour les aumôniers musulmans, soit les tables de la Loi pour les aumôniers israélites.
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De plus, cela ne pose aucun problème à l’Armée lorsque nous célébrons des offices religieux lors des fêtes militaires comme pour la Sainte-Geneviève pour les gendarmes (souvent en présence des autorités de l’État comme le préfet ou le sous-préfet et les maires des villes dans lesquelles l’office est donné), ou comme la fête de saint Michel, patron des parachutistes par exemple, ou encore les messes de baptême de promotion que j’ai remis, avec l’aval des autorités militaires, au goût du jour à l’école de formation des sous-officiers. Les aumôniers des autres cultes s’associent à ces offices, ils y ont leur place légitime. Pour illustrer ceci, je cite ici une phrase prononcée par le responsable de l’aumônerie militaire musulmane, qui rend hommage à l’histoire chrétienne de notre pays, phrase qui donne un fort écho à ce que je viens d’écrire : « Les messes relèvent de la Tradition. La France “Fille aînée de l’Église” a une histoire très forte avec le catholicisme » (Le Monde, 4 juin 2018). Voilà un bon exemple d’une laïcité bien comprise. On se souvient aussi de la phrase restée célèbre du Général de Gaulle : « La France est chrétienne mais la République est laïque ». On ne peut donc nier cette histoire. La laïcité ne nie pas l’histoire, contrairement à l’athéisme, elle la continue. La laïcité (dont le mot n’est même pas présent dans la loi de 1905 sur le « sujet » de la séparation de l’Église et de l’État) n’est donc pas une destruction et une négation des religions, mais un cadre dans lequel celles-ci peuvent vivre librement sans interférer sur les lois de la République. D’ailleurs les religions reconnues par l’État peuvent et doivent, par leur conscience, éclairer sereinement ces mêmes lois en donnant leur avis consultatif.
Pour finir, je dirai que la laïcité à la mode militaire est un peu comme un laboratoire pour l’ensemble de la Nation, qui peut voir en ce milieu le moyen de cesser un combat stérile ne mettant pas en valeur ceux qui le promeuvent au nom d’une idéologie qui, justement, nie la liberté de conscience et voudrait ériger la laïcité en nouvelle religion d’État, ce qu’elle n’est nullement.
Parmi les moments de grâce que vous avez connus autour du café du Padre, s’il fallait en retenir un ?
Beaucoup de moments de grâce jalonnent ma vie comme des balises de lumière qui m’empêchent de suivre les chemins de désespérance, notamment lorsque cette grâce semble être éclipsée par la haine et la souffrance. Parmi tous ces moments de grâce dont le Seigneur m’a comblé, il m’est difficile d’en choisir un. Ce ne sera pas forcément le plus fort mais c’est celui qui me vient à l’esprit en répondant à cette question. Lors de la préparation au baptême d’un caporal chef qui faisait du sport avec moi (milieu que le Padre doit fréquenter puisque c’est une activité importante dans le monde militaire, non pour le plaisir mais par obligation d’être apte à servir en tous lieux et en tous moments), j’ai eu la joie et l’honneur d’entendre de sa bouche qu’il souhaitait que je sois son parrain et qu’il souhaitait de tout cœur que j’entre dans sa famille. Cela m’a profondément ému et touché et ce n’était pas des paroles en l’air. Aujourd’hui, partageant encore souvent avec lui « le café du padre », je suis très proche de cette — épouse, enfants, parents, frères et sœurs, beaux-frères et belles-sœurs — tant géographiquement que spirituellement, et il ne se passe pas une journée sans que j’ai des nouvelles d’elle, grâce à Dieu. Pour ce militaire, avec l’aide de Dieu, le Padre a été vraiment ce « Re-père » dont je parlais tout à l’heure. Que Dieu en soit loué !
Le café du padre – Chroniques de vie d’un aumônier militaire, par Jean-Yves Ducourneau, Salvator, 19 euros.