C’est grâce aux médias que le savoir scientifique a du pouvoir, et la foi n’a pas à le redouter. C’est ce que montrent deux repentirs de chercheurs dont les travaux avaient fait sensation.
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Deux informations venues du monde anglo-saxon sont récemment venues éclairer la question du pouvoir qu’exerce la science dans notre monde et vis-à-vis de la foi. La première a eu quelques échos en France : c’est un article qui a été traduit et publié dans l’hebdomadaire Le Point, puis évoqué dans quelques débats télévisés sur des thèmes d’actualité. La seconde n’a, à ma connaissance, pas encore été relayée dans nos médias. Mais l’info est à peu près la même dans les deux cas : des universitaires admettent que leurs études étaient « scientifiquement » irrecevables, alors que l’on en avait fait grand cas parce que leurs résultats démolissaient des idées traditionnellement reçues et en confortaient des contestations avant-gardistes.
Le repentir sera-t-il aussi médiatisé que la falsification ?
Le Point a donc repris une « confession » parue sur le site australien Quillette, qui veut permettre de libres échanges sur les sujets les plus polémiques. L’auteur est un chercheur canadien, Christopher Dummit. Ses travaux sur la théorie du genre ont eu un beau succès dans les milieux où l’on soutient que le nombre des identités sexuées est pratiquement illimité et où ils ont servi à la propagande. Or il avoue là que ses conclusions n’étaient pas tirées de ses investigations, mais qu’à l’inverse il s’était intéressé uniquement à ce qui pouvait confirmer ce dont il était convaincu d’avance, comme la plupart de ses collègues sur les campus où règne le « politiquement correct ». Il reconnaît maintenant avoir ainsi écarté ou déformé les données qui n’allaient pas ou pas assez dans le sens iconoclaste et culpabilisant souhaité.
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Ce mea culpa ne paraît cependant pas devoir disqualifier si vite l’idéologie du genre. Celle-ci repose avant tout sur des absolus égalitaristes et libertaires. Elle a déjà inspiré toute une législation antidiscriminatoire et est même enseignée dans les écoles. De même, dans la deuxième affaire, si l’on recense les mentions dans les publications spécialisées et généralistes, la « découverte » sensationnelle a eu une audience vingt fois supérieure à sa rétractation.
Une erreur reconnue de bonne grâce
Dans ce cas, il n’y a pas eu de manipulation délibérée, mais une erreur de traitement de l’information. Il a fallu un an pour qu’un autre chercheur trouve pourquoi ces résultats étaient surprenants, encore un an pour que ceux qui s’étaient trompés reconnaissent leur erreur par un court rectificatif dans la même revue où elle avait été remarquée, et encore deux ans pour que cette revue retire de ses archives et de son site internet l’article qui continuait être cité pour justifier une opinion partisane — plus précisément antireligieuse —, alors que le démenti était bien moins répercuté, puisque moins émoustillant.
Le professeur Jean Decety, de l’Université de Chicago, avait en effet conclu d’une étude que les enfants qui reçoivent une éducation religieuse sont moins disposés à comprendre et aider les autres que ceux qui grandissent dans un milieu incroyant. L’erreur avait été de prendre en compte dans le traitement des enquêtes par ordinateur un élément codé arbitrairement : la nationalité — ce qui avait faussé les résultats. Cette anomalie a été détectée par un autre chercheur en Colombie britannique au Canada, le professeur Azim Shariff. Celui-ci avait été intrigué par cette conclusion qui contredisait celle de ses propres recherches. Le professeur Decety n’a pas seulement communiqué les détails de son travail à son collègue. Il a aussi admis s’être fourvoyé, accepté que l’article fasse l’objet d’un démenti puis soit retiré des bases de données, et il collabore même maintenant avec le professeur Shariff.
Autonomie chrétienne du scientifique comme du temporel
Ces deux affaires montrent d’abord qu’il ne faut pas désespérer ni des chercheurs ni des médias : s’ils ne contrôlent pas eux-mêmes la validité de ce qu’ils annoncent ou transmettent, leurs pairs finissent par s’en charger. C’est alors à d’autres, dans le public, qu’il revient de donner du poids à l’information en la relayant eux-mêmes avec les moyens dont ils disposent et en sollicitant les organes de presse par l’intérêt qu’ils manifestent. La propagation des idées suit les lois du marché, où la demande et l’offre se conditionnent réciproquement.
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On peut ensuite tirer de tout cela qu’il n’y a pas de conflit insurmontable entre science et foi, ou plus exactement entre découvertes dûment vérifiées et acquis procurés ou confirmés par la Révélation. En l’occurrence, rien sinon des a priori partisans n’autorise à remettre en cause, au nom de l’existence de sexualités marginales, la différenciation fondamentale entre l’homme et la femme telle qu’elle est présentée dans les premiers chapitres de la Genèse et permet à l’humanité de répondre à sa vocation en « croissant et se multipliant ». Et rien d’objectif ne justifie que la croyance en une transcendance rend moins solidaire de son prochain.
La distinction sans concurrence entre science et foi sera-t-elle un jour mieux admise que la dissociation entre État et institutions religieuses ? Leur séparation a mis du temps à se formaliser plus ou moins péniblement en France et en Occident marqués par le christianisme qui promeut l’« autonomie du temporel ». Et ce n’est pas près d’arriver dans la plupart des pays musulmans, ni désormais hindouistes et bouddhistes, ou même en Russie post-communiste…
Croire ne rend pas indifférent ni crédule
Mais les deux histoires de repentir qui viennent d’être signalées donnent aussi à réfléchir sur le fonctionnement de l’information et la manière dont elle façonne les visions de l’existence et les comportements. Les nouvelles qui sont le plus répercutées, sur les « réseaux sociaux » aussi bien que dans les médias, sont tout ce qui sort de l’ordinaire. Pour reprendre un vieil adage du journalisme : un homme mordu par un chien, pas la peine d’en parler ; mais si un chien est mordu par un homme, le public veut des détails ! Le sensationnel dont on est perpétuellement gavé fabrique une image du monde où ce qui est vécu au quotidien n’est pas reflété. On s’indigne, on s’inquiète, on se passionne pour des choses où l’on ne trouve pas sa place et qui laissent un sentiment d’être ignoré. Leur chaos cacophonique s’impose sans donner aucun sens à la vie ou alors remet en question celui auquel on tente de se raccrocher.
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Une solution est de se boucher les yeux et les oreilles en déclarant vaine toute cette agitation pour ne s’intéresser qu’à soi et à l’immédiat ou bien à l’au-delà. Une autre est de ne prêter attention qu’aux messages qui confortent ce que l’on sait déjà et décrète inébranlable. Aucune de ces deux attitudes n’est chrétienne. D’abord parce que l’indifférence ne l’est pas. Ensuite parce que l’information n’est pas que du divertissement, mais conditionne les positions et les décisions que l’on prend et qui ne concernent pas que soi-même. Enfin et surtout, croire ne rend pas crédule, mais donne, face à ce qui survient, se raconte et se dit, une liberté où se mêlent la distance critique (y compris envers soi) et la proximité empathique (pas seulement avec les victimes en tout genre, et aussi avec ceux qui pensent autrement).
La foi n’est pas plus incompatible avec l’information qu’avec la science. Elle-même utilise tous les médias en restant lucide sur leur fonctionnement et elle sait n’avoir rien à craindre d’approfondissements du savoir : elle les encourage même, exactement comme elle soutient la laïcité qu’elle a apportée dans le monde.