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Ainsi le jeune Jacob Libermann devint le vénérable François

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Thérèse Puppinck - publié le 12/11/19 - mis à jour le 02/02/24
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L'Église célèbre le 2 février le vénérable Jacob Libermann. Converti à la foi catholique le 13 novembre 1826 dans sa mansarde du collège Stanislas, le jeune juif devint un maître de l’apostolat missionnaire.

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Né à Saverne, en Alsace, le 12 avril 1802, Jacob Libermann, François de son nom de baptême, eut un itinéraire remarquable. Fils de rabbin, destiné au rabbinat lui-même, il se convertit au catholicisme, devint prêtre et fonda une société missionnaire, renouvelant en profondeur l’œuvre missionnaire catholique en Afrique. Il fut déclaré vénérable le 19 juin 1910.

Intrigué par le Christ

Au début du XIXe siècle, la présence juive était très forte en Alsace. Lazare Libermann, le père de Jacob, faisait partie des personnalités éminentes de la communauté. Impressionné par les exceptionnelles qualités intellectuelles de son dernier fils, le rabbin de Saverne l’envoya étudier les textes saints à Metz, puis à Paris. Pendant son séjour à Metz, Jacob se détacha progressivement de sa judaïté : déjà très intrigué par le personnage historique du Christ, il fut fortement ébranlé par la conversion, en 1824, de son frère aîné, médecin à Strasbourg, et de son épouse. Deux autres de ses frères se firent également baptiser quelques années plus tard.

La conversion de Jacob Libermann s’est élaborée autour de la quête, à la fois sincère et tourmentée, du Messie. Cette quête fut d’abord intellectuelle. En étudiant avec rigueur et détermination les textes bibliques, il en arriva à la conclusion que le Christ ne pouvait être que le Messie promis par Dieu à son peuple. Tout en s’approchant de la vérité, Jacob ne l’avait toutefois pas encore atteinte car, s’il avait désormais la connaissance intellectuelle, il lui manquait l’éclair de la foi, qui est donné par Dieu à tout homme qui le cherche avec un cœur sincère. Ainsi, cette première conversion, purement intellectuelle, se doubla d’une grâce illuminative, le 13 novembre 1826.

Portrait signé « Eugene Sch del », 1880

« Je vis la vérité »

Ce jour-là, Jacob était en prière dans sa mansarde du collège Stanislas à Paris. Il se sentait particulièrement seul et découragé. Voici ce qu’il vécut : « Ce moment fut extrêmement difficile pour moi […], mon cœur se sentit oppressé par la plus pénible mélancolie. C’est alors que, me souvenant du Dieu de mes pères, je me jetai à genoux et je le conjurai de m’éclairer sur la véritable religion. Je le priai, si la croyance des chrétiens était vraie, de me le faire connaître, et si elle était fausse, de m’en éloigner tout aussitôt. Le Seigneur, qui est près de tous ceux qui l’invoquent du fond de leur cœur, exauça ma prière. Tout aussitôt je fus éclairé, je vis la vérité, la foi pénétra mon esprit et mon cœur. » Jacob ressentit immédiatement l’effet libérateur de la foi, et tout s’enchaîna alors très vite. Déjà catéchisé par Paul Drach, autre juif converti, il se fit baptiser à Noël 1826, prenant les prénoms de François, Marie, Paul. Il résolut aussitôt de se consacrer totalement au Christ dans la prêtrise.

Ce moment fut extrêmement difficile pour moi […], mon cœur se sentit oppressé par la plus pénible mélancolie. C’est alors que, me souvenant du Dieu de mes pères, je me jetai à genoux et je le conjurai de m’éclairer sur la véritable religion.

Le chemin de conversion de François Libermann fut parsemé de longues et pénibles luttes intérieures. Le renoncement à la foi de ses ancêtres fut une étape douloureuse, mais sa rigueur, sa droiture intellectuelle et sa quête absolue de la vérité l’aidèrent considérablement à surmonter cet obstacle. Encore plus difficile pour lui fut la réaction de son père : ulcéré par les conversions successives qui frappaient sa famille, il maudit ses fils et prit leur deuil. Pour François, l’invitation de Jésus à quitter ses parents et à le suivre, revêtit son sens le plus poignant, car il abandonna réellement son père dans l’ancienne croyance pour suivre le chemin tracé par le Messie. La conversion des juifs permet de prendre conscience, avec une singulière acuité, de toute la portée de l’expression quitter le vieil homme pour revêtir l’homme nouveau.

Malade, pauvre et missionnaire

Au mois d’octobre 1827, François rentra au séminaire Saint-Sulpice mais, la veille de son ordination au sous-diaconat, il fut terrassé par une violente crise d’épilepsie. La fréquence des crises obligea le directeur du séminaire à repousser l’ordination sine die. On le garda cependant en raison de sa profonde piété. Quelques années plus tard, deux séminaristes créoles éveillèrent en lui l’intérêt pour les missions. François se sentit appelé à cet apostolat, et il réfléchit à fonder une société dont le but serait de fournir des prêtres pour l’évangélisation du continent africain. Il partit pour Rome en 1840 afin de solliciter l’approbation de son projet. Humainement parlant, sa démarche avait peu de chance d’aboutir : il n’avait aucune lettre de recommandation, et il n’était même pas prêtre. Totalement abandonné à la Providence, il resta cependant plusieurs mois à Rome, vivant dans une très grande pauvreté, mendiant sa nourriture et visitant les prisonniers. Sa foi et sa confiance en Dieu furent largement récompensées, car il reçut finalement du Vatican une réponse très positive, l’encourageant à commencer immédiatement son œuvre. Miraculeusement guéri de ses crises d’épilepsie après un pèlerinage à Lorette, François acheva ses études de théologie à Strasbourg et reçut l’ordination sacerdotale en 1841, à l’âge de 39 ans. Trois jours plus tard, le père Libermann fonda la Société du Saint Cœur de Marie ; il se consacra désormais tout entier à la formation d’un clergé missionnaire.

François Libermann façonne une spiritualité missionnaire et définit l’attitude fondamentale de l’évangélisation : se dépouiller de soi-même et se faire le serviteur des autres.

Serviteurs des esclaves

Alors que plusieurs juifs convertis, à l’instar de Paul Drach, se tournent vers leurs anciens coreligionnaires pour tenter de les évangéliser, le nouveau prêtre ressent quant à lui l’impérieuse nécessité de faire connaître le Christ en Afrique équatoriale, au sein d’une population particulièrement défavorisée, celle des anciens esclaves. Sa vocation, ainsi d’ailleurs que tout son parcours spirituel, est fortement rattachée à celle de saint Paul : tout comme l’apôtre des Gentils, il se tourne vers ceux qui n’ont jamais entendu le nom de Jésus. Il souhaite, plus que tout, les sortir de l’ignorance afin de leur permettre d’accéder à la vérité qui, seule, peut les rendre libres et les sauver. François Libermann façonne une spiritualité missionnaire et définit l’attitude fondamentale de l’évangélisation : se dépouiller de soi-même et se faire le serviteur des autres. C’est la notion de kénose, de dénuement, développée par saint Paul dans sa lettre aux Philippiens où il évoque le Christ : « Lui qui est de condition divine […] s’est dépouillé lui-même, prenant condition d’esclave. » Libermann veut ainsi devenir le serviteur des anciens esclaves, à l’instar du Christ qui se fit notre serviteur, nous qui étions esclaves du péché. Comme l’explique le père Paul Coulon, il ne conçoit pas la mission comme un dé-paysement exotique (sortir de chez-soi), mais bien plutôt comme un dépassement kénotique (sortir de soi).

Apôtre de l’Afrique

Dans un souci d’efficacité, la Société du Saint Cœur de Marie fut intégrée à la Congrégation du Saint-Esprit. François Libermann réussit à discerner les moyens les plus adaptés pour relancer l’activité missionnaire. Avec des pratiques renouvelées, il a su poser les fondements définitifs du catholicisme en Afrique équatoriale, et il aida l’Église à reprendre pleinement conscience de sa vocation missionnaire. Épuisé et usé, ayant travaillé sans relâche à son œuvre au service des populations noires, François Libermann meurt à Paris le 2 février 1852. Son commentaire de saint Jean et sa correspondance, admirable de pénétration psychologique et de connaissance biblique, font de lui un des écrivains spirituels les plus profonds du XIXe siècle.

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