Les réalisateurs “d’Intouchables” (2011), et plus récemment “Le sens de la fête” (2017), confirment encore une fois leur talent pour la comédie. Ils sont revenus ici à l’émotion de leur premier grand succès, dans lequel François Cluzet incarnait Philippe Pozzo di Borgo, un riche tétraplégique. Cette fois, le duo évoque le monde singulier des jeunes autistes, classés hors normes par les institutions.
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Traiter de sujets de société avec humour est un des habitus du cinéma français. Mais l’autisme, qui s’en soucie vraiment pourtant ? Ce n’est pas, comme d’autres plus fragiles de la société, les premiers à être mis au cœur des débats nationaux. Étant donné la complexité du sujet, on ne peut que saluer le travail des réalisateurs d’avoir révélé l’action d’hommes de l’ombre, qui ne seront jamais soutenus ni devancés par l’État. Plongée dans l’univers de l’autisme, la caméra garde la distance nécessaire pour permettre au spectateur d’observer et de comprendre sa spécificité. Rythme, action et humour nous font presque oublier la gravité du sujet, tant l’alchimie fonctionne et nous convainc. Le résultat est même impressionnant.
Un film inspiré de faits réels
Bruno (Vincent Cassel) et Malick (Reda Kateb) sont les responsables de deux associations respectives qui œuvrent depuis vingt ans dans le monde de l’autisme. C’est un monde à part, fait d’enfants et d’adolescents aux caractéristiques complexes. Pour mieux les encadrer, ils embauchent toujours plus et forment des jeunes issus des quartiers difficiles. Une alliance singulière qui représente de nombreux défis. Au cœur de l’Île-de-France, cette mobilisation sans faille pour sauver ces jeunes interroge pourtant des inspecteurs des services publics.
Inspiré de faits réels, le film met en valeur le travail de deux éducateurs que les réalisateurs ont connu il y a vingt ans. Ainsi, toutes les scènes du film ont vraiment été vécues, grâce à une immersion de l’équipe pendant deux ans. Les autistes sont joués par de vrais autistes. Nulle démagogie donc, ni bonne conscience, derrière l’exploration d’un tel sujet. Olivier Nakache et Eric Toledano ont voulu rendre hommage au travail et au combat réels de ces éducateurs eux aussi hors du commun. Et plus particulièrement à Stéphane Benhamou, fondateur de l’association “Le silence des justes”, spécialisée dans l’accueil et l’insertion des enfants et adolescents autistes. Dans le film, celui-ci est incarné par Bruno dont l’association se nomme “La voix des justes”. Les allers et venues vont bon train dans le modeste appartement qui lui sert de local. Et, malgré le manque d’argent et de moyens, il y fait tourner tout ce beau monde pour pallier les problèmes, les urgences, les nouveaux arrivants. Ça tape, ça crie, ça vit, et ça ne s’arrête jamais. Ce sera peut-être jusqu’à la fin, parce qu’un enfant autiste le sera aussi adulte.
Ceux qui vous regardent et vous écoutent
Hypersensibles, dans leur monde, avec des troubles de la communication et des comportements stéréotypés, les autistes ont chacun leur spécificité. Les cas peuvent être très lourds, comme dans le film. Une chose est sûre, ils échappent aux protocoles de la médecine traditionnelle. Ce qui provoque une grande détresse chez les parents. Hélène (Hélène Vincent) le dit très justement : “Il y a ceux qui ne vous regardent plus, ceux qui ne vous écoutent plus, et puis il y a les autres”, quand les inspecteurs l’interrogent sur l’action menée par Bruno. Elle est la mère de Joseph, un jeune homme passionné par les machines à laver, très attachant et à la fois intenable. C’est grâce à lui que Bruno a décidé de se lancer dans un protocole dédié à l’autisme. Et c’est grâce à Bruno que Joseph a peu à peu retrouvé une vie sociale et plus apaisée. Il fait tout pour sortir de la clinique un jour par semaine Valentin, un autiste qui porte continuellement un casque de boxe. Dans les instances officielles, tout le monde l’appelle quand un cas difficile se présente. Et lui, il ne dit jamais non. Fort des jeunes de banlieues qu’il forme, Malick lui vient régulièrement en aide.
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Au secours des plus faibles
De nombreuses scènes cocasses ponctuent le film. Mais l’imprévisible n’est jamais loin, l’urgence non plus et le risque de perdre un jeune, accidentellement livré à lui-même. C’est un combat de tous les instants auquel Bruno sacrifie même sa vie privée. Les référents en formation apprennent bon gré mal gré à apprivoiser l’autisme, ses codes différents et son rythme particulier. Ils doivent, en plus, apprendre à trouver leur place dans la société en assurant dans leur nouveau métier. Au fil des interrogatoires des agents de l’Inspection générale des affaires sociales, des urgences à répétition et de la découverte du quotidien des protégés de Bruno et Malick, on prend la mesure réelle de l’engagement de ces deux hommes. De l’absence de savoir-faire des instances officielles aussi, parfois loin de la réalité et des besoins humains, et surtout de la bouffée d’oxygène que leur offrent ces associations. Catherine Mouchet (Thérèse d’Alain Cavalier) campe un médecin qui compte sur leurs compétences, tout autant que les parents.
Ce film est tout à la fois émouvant, réaliste, vivant et pédagogique. Il rend un magnifique hommage aux solutions trouvées pour aider son prochain. Avec des comédiens exemplaires, les réalisateurs montrent à la fin l’indicible et le mystère qui entourent bien souvent une personne autiste, pour en révéler toute la poésie. On est pris du début à la fin dans cette histoire qui force l’admiration et qui est bel et bien une réussite.
Hors normes, d’Olivier Nakache et Éric Toledano, avec Vincent Cassel, Reda Kateb, Catherine Mouchet, Benjamin Lesieur, Marco Locatelli et Hélène Vincent. En salles le 23 octobre, 1h54.